Le décor ? Une petite ville de cure de l'arrière pays languedocien noyée de pluie en ce début de printemps, sorte de Marienbad méridional, mais sans la présence envoûtante de Delphine Seyrig. Le témoin qui essaie de comprendre c'est Lise, jeune femme de 35 ans, apparemment sans histoire, professeur, mariée, sans enfant, qui un soir a foncé avec sa voiture dans les grilles de son lycée. Souffrant d'une grave dépression nerveuse que l'on attribue un peu vite à son métier, elle a choisi elle-même cette petite station de cure à laquelle la rattachent divers souvenirs. Passés les premiers jours où elle a sombré dans une torpeur et une indifférence à tout, dues à son état et aux médicaments, Lise fait la connaissance d'une autre patiente, Oriane, 24 ans, qui souffre d'anorexie et a déjà effectué plusieurs séjours dans cet endroit.

A sa grande surprise, Lise se prend d'affection pour cette inconnue qui a surgi dans sa vie, ce qui l'amène à s'interroger sur sa propre vie, son indifférence vis-à-vis de son mari et surtout de son fils de deux ans. Puis apparaît Daisy, la troisième convalescente, une richissime américaine d'âge mûr, que son mari très beau (et plus jeune), promène dans un fauteuil roulant avec une apparente dévotion. Victime d'un grave accident de voiture dans lequel a péri la première épouse de son mari, Daisy est soignée dans le centre de rééducation de la station.

Les trois femmes finissent par lier connaissance en prenant le thé dans le jardin du Grand-hôtel (dans tous les endroits de ce genre il y a un grand- hôtel) où réside le couple : Oriane est troublée par Maxime, le mari, qui n'a l'air de lui accorder aucune attention, Lise est troublée elle aussi, mais d'une autre façon : elle l'impression d'avoir vu cet homme, ailleurs, mais où ? Des cauchemars récurrents la renforcent dans sa conviction.
Peu à peu un malaise s'installe. Daisy souffre de vertiges qu'elle attribue au calmant que lui donne son mari mais que le médecin, alerté, ne lui a pas prescrit, Oriane rechute et commence à fuir Lise, laquelle ne sait pas si ce qui se passe autour d'elle est réel ou simplement le fruit d'une imagination stimulée par l'ennui et le désœuvrement.

La vie entre parenthèses que mènent ces personnages dans le vase clos qu'est la petite station thermale est finement décrite, ainsi que les sentiments et les motivations de personnages que je n'ai pas trouvés cependant très attachants.

Michèle Gazier excelle à installer un climat de plus en plus trouble et angoissant autour du trop beau et trop lisse Maxime et le livre prend alors des allures de polar. Visiblement, l'auteure joue avec les codes du genre. Mais Les convalescentes est surtout un roman d'atmosphère. Écrit dans un style très fluide, il offre un bon moment de lecture.

Marimile

Extrait :

Elle est dans la rue, elle a quinze ans. La rue peut aussi bien être celle de Saint-Libron qu'une autre rue de petite ville de province en apparence paisible, avec presque pas de voitures peu de passants. Elle marche sous de grands platanes qui dessinent sur le sol des formes menaçantes, des sortes de nuages noirs. Le soleil troue à peine le feuillage, pourtant elle a le sentiment d'être éblouie. Elle est sortie faire une course, mais elle ne sait pas laquelle. Mission doublement impossible, car tous les magasins sont fermés. Elle se dit : c'est l'heure de la sieste. Soudain, elle entend un drôle de bruit une sorte de grincement d'essieux. Elle s'arrête, écoute, cherche à voir. La silhouette blanche d'un homme d'allure jeune se détache, lumineuse, dans l'ombre dense des platanes. Il pousse un fauteuil roulant. Elle le regarde approcher, fascinée. Il la fixe, et son regard hypnotique la paralyse. Elle est incapable de bouger. Au fur et à mesure qu'il s'approche, elle distingue son visage d'une beauté glacée, ses yeux aussi lumineux que les trouées de soleil dans le feuillage.

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Les convalescentes de Michèle Gazier - Éditions Seuil - 228 pages