Karen Joy Fowler, dans le prologue, nous explique que nous connaissons tous une Jane Austen différente de celles des autres.
Chaque chapitre nous invite donc à découvrir à la fois un roman de Jane Austen, mais également la vie du participant qui défend l'oeuvre en question. À travers le procédé classique du flash-back, l'auteure établit des liens entre la vie de ses personnages et ceux d'Austen. Comme dans les romans de cette dernière, l'essentiel ici ne porte pas sur l'action, mais dans les portraits proposés. Qui sont ces 5 femmes? Qu'ont-elles en commun en dehors de l'admiration qu'elle vouent à Jane Austen? Et cet homme, Grigg, comment a-t-il échoué là? À travers leurs histoires respectives, Karen Joy Fowler nous convie à une réflexion sur nos rapports à l'Autre, sur le mariage et la solitude.
C'est une sensation étrange. En commençant ce récit, j'ai trouvé la narration particulièrement lente et les personnages enfermés dans leurs certitudes. Malgré tout, je n'ai pas réussi à me détacher de cette oeuvre avant d'avoir tourné la dernière page. Comme si cette absence de mouvement, cette moiteur de l'écriture, avaient un effet hypnotique sur le lecteur. Une parenthèse dans le temps, où l'on peut se permettre de s'étaler en digression, juste pour le plaisir des mots. Cette impression est aussi sûrement due au choix de focalisation de Karen Joy Fowler : elle a employé le "nous" pour écrire son récit, sans que jamais nous ne puissions identifier quel personnage du club s'exprime. Ce "nous" à la fois spectateur et acteur, supprime les frontières et le lecteur devient ainsi, sans s'en rendre compte, le septième membre du Club.
J'ai aussi eu une tendresse particulière pour le personnage de Grigg, seul homme du cercle, qui a l'outrecuidance d'aimer le fantastique.
Au moment où j'ai lu ce roman, mon emploi du temps était assez surchargé. J'ai donc eu l'agréable sensation de pénétrer une bulle de calme dans la frénésie de mon quotidien.
Extrait :
"- Lequel lirons-nous ensuite? demanda Bernadette. "Orgueil et Préjugés" est mon préféré.
- Allons-y, alors, dit Sylvia.
- Tu es certaine? demanda Jocelyn.
- Certaine. Il est temps. DE toute manière, dans "Persuasion" il y a la mère morte. Je ne veux pas imposer ce sujet à Prudie en ce moment. La mère dans "Orgueil et Préjugés", d'un autre côté...
- Ne révélez rien ! fit Grigg, je ne l'ai pas encore lu.
Grigg n'avait pas encore lu "Orgueil et Préjugés".
Grigg n'avait pas encore lu "Orgueil et Préjugés".
Grigg avait lu "Les mystères d'Udolphe" et Dieu sait combien d'ouvrages de science-fiction - il y avait des livres partout dans la maison - mais il n'avait jamais trouvé le temps ou l'envie de lire "Orgueil et Préjugés". Nous en sommes restées sans voix."
Éditions Quai Voltaire - 335 pages
Commentaires
lundi 3 juillet 2006 à 08h00
Tout à fait d'accord avec toi, Laurence, sur l'impression de lecture. Mais tu le dis nettement mieux.

Le "Nous " m'a vraiment gêné. J'ai passé mon temps à chercher qui cela pouvait bien être.
lundi 3 juillet 2006 à 15h51
Quelqu'un a déjà fait partie d'un véritable club de lecture? Vous y verrez des similitudes...
lundi 10 juillet 2006 à 11h48
Je suis totalement d'accord avec ton joli commentaire, très bien dit, bien écrit... Et je relève ceci : "En commençant ce récit, j'ai trouvé la narration particulièrement lente et les personnages enfermés dans leurs certitudes. Malgré tout, je n'ai pas réussi à me détacher de cette oeuvre avant d'avoir tourné la dernière page. Comme si cette absence de mouvement, cette moiteur de l'écriture, avaient un effet hypnotique sur le lecteur."
Bonne lecture sympathique, toutefois.
Et puis, finalement.. Jane Austen, c'est que pour le titre !!!
lundi 10 juillet 2006 à 18h19
Dda > Moi, il m'a permis de m'intégrer au groupe, comme si j'avais été invitée à ce club étrange.

Bouquin > Non, je n'ai jamais participé à ce genre de Club. Mais un jour qui sait...
Clarabel > Merci
mardi 18 juillet 2006 à 19h14
Ton commentaire donne vraiment envie de lire ce livre, il est très bien rédigé, merci, je vais mettre ton blog en lien sur le mien, il est très intéressant.
samedi 22 juillet 2006 à 16h08
Si vous avez aimé Barbara Pym, délicieuse romancière anglaise injustement oubliée, vous trouverez un petit air de famille aux personnages du "club Jane Austen" ... Un rien de dérision, un humour discret mais parfois féroce, typique de certains romanciers d'outre-Manche !
On a parfois écrit que Barbara Pym était d'ailleurs la digne héritière de Jane Austen.
Bonne lecture !
dimanche 23 juillet 2006 à 17h24
Clochette > Merci pour les compliments
et à très bientôt sur ton blog ou le mien....
Perséphone > Merci pour le conseil. Je ne sais pas quand j'aurai l'occasion de lire les romans de Barbara Pym, mais je l'ajoute à ma liste...
jeudi 27 juillet 2006 à 09h54
Je suis en train de le le lire cette fois et j'adore, merci beaucoup c'est grâce à ton blog que j'ai découvert ce livre, je vais en faire une critique dès que je l'aurai fini. Il m'enchante vraiment, j'aime ces récits intimistes et un peu lents effectivement, et enfin je fais partie d'un comité de lecture alors cela m'amuse de lire un livre sur un club de lecture. A bientôt.
lundi 18 février 2008 à 11h00
Les derniers commentaires sur ce romans commencent à dater un peu, mais bon, ce n'est pas grave.
J'avoue que j'ai aimé ce roman, que j'ai lu lors d'une nuit d'insomnie. J'ai trouvé les personnages attachants, et touchants à leur manière. Pourtant, et je trouve ça très dommage, quelques erreurs dans la traduction (désolée, déformation professionnelle !!) m'ont gênée et m'ont déçue... Par exemple, l'auteur mentionne quelque part dans le livre la célèbre série Buffy contre les vampires. Sauf que c'est devenu dans la traduction Buffy le tueur de vampire (traduction littérale du titre en anglais, Buffy, the vampire slayer). C'est dommage parce que Buffy est une fille (ma soeur en est une grande fan) et que le traducteur aurait dû indiquer le titre réel de la série en français... et puis, un peu plus tard, les personnages (j'ai oublié lesquelles) mentionnent le film La Communauté de l'anneau, en indiquant qu'elles étaient allées le voir au théatre.... sauf que c'est plus vraissemblabement au cinéma qu'elles ont dû aller le voir (l'anglais devait être theater). C'est pas grand chose, mais comme je l'ai remarqué, ça m'a un peu gâché le reste du roman. C'est bête de s'arrêter à des détails pareils, je suis d'accord, mais bon... Mis à part ça, c'est vrai que ce roman est une petite bulle de bonheur dans ce monde de brutes !!!
lundi 18 février 2008 à 17h43
Bonjour Pimpi, tu as bien raison de réactualiser ce billet.
Je comprends aussi tout à fait ton sentiment par rapport à la traduction : parfois, ce sont d'"apparents" détails qui nous empêchent de réellement apprécier une œuvre.
mardi 19 février 2008 à 11h56
Bonjour Laurence !
C'est vrai que parfois quelques détails peuvent gâcher l'impression générale d'un roman et en tant que traductrice moi-même, je suis assez sensible à ces "petits" détails et j'ai tendance à repérer les erreurs de traduction assez rapidement, aussi bien dans les romans que dans les séries télévisées ou les films ! Le problème quand on est traducteur, c'est qu'on ne peut pas s'empêcher de voir (voire, de chercher) les erreurs, et du coup, parfois, on ne se concentre plus sur le reste. C'est un peu à double tranchant quand même et c'est parfois dommage !