L'enquête de Mathieu va le mener de Paris à Besançon et jusqu'en Italie, au Saint Siège, où il passe de révélations en contre-indices, cependant une figure se dessine derrière le chemin, jalonné de cadavres et d'EMI (Experience de Mort Imminente)... Le Diable... Mais existe-t-il vraiment ?

Autant le dernier roman de Grangé m'avait paru limpide et m'avait fortement déçu, autant celui-ci m'a ravi. Tout d'abord parce qu'il aborde un point de vue généralement passé sous silence : celui de la religion dans notre société. Ensuite parce que je me suis laissé prendre au piège, suivant l'enquête de Mat persuadé que le suicide de son ami a été provoqué par quelqu'un, et refusant de baisser les bras.
Enfin, le rythme ne faiblit pas, les explications sont claires, précises, directes (on est loin d'un Dan Brown qui se perd en symboliques...) et font avancer le schmilblick.

Le bémol ? Malgré tout, il faut avouer que Grangé n'a pas le style de Chattam pour les descriptions et la plongée dans les abîmes de l'esprit criminel reste superficielle.

Un excellent ouvrage malgré tout pour passer un moment de lecture agréable.

Autres romans de Jean-Christophe Grangé :
La ligne noire
L'empire des loups
Miserere
La forêt des Mânes

Cœur de chene

Extrait :

Notre groupe, qui comptait huit officiers de police, était surtout un tandem. Nos démarches différaient – et se complétaient. Je jouais le Père la Rigueur, demandant une mise en examen seulement lorsque je possédais un dossier béton. Luc prenait des risques et utilisait toutes sortes de méthodes pour confondre les suspects. Menaces, violence – et théâtre. Ses techniques préférées : simuler un anniversaire dans les bureaux du 36,pour amadouer un type en garde à vue ; jouer au fou de Dieu incontrôlable pour terrifier un mis en examen ; bluffer sur les preuves qu'il détenait au point d'embarquer son suspect pour la Santé, et le faire avouer en route.
J'étais un caméléon, discret, précis, intégré au décor. Luc était un acteur, un cabot, toujours dans l'esbroufe. Il mentait, manipulait, frappait – et décrochait la vérité. Il jouissait de cette situation qui donnait raison à son cynisme. Pour réussir, trahir sa propre doctrine, utiliser les armes de l'ennemi, devenir un démon pour le démon ! Il aimait ce rôle de martyr obligé de se corrompre pour servir son Dieu. Son absolution était le taux d'élucidation de notre groupe – le plus performant de la brigade.
De mon côté, je n'avais plus d'illusion. Il y avait longtemps que mes pudeurs de catho avaient disparu. Impossible de remuer la merde sans être éclaboussé. Impossible d'obtenir des aveux sans devenir violent ou menteur. Mais ma ligne de conduite n'était jamais complaisante – ces écarts n'étaient pas mes méthodes prioritaires, et quand je devais les utiliser, c'était toujours le remords aux fesses.
Entre ces deux positions, nous avions trouvé un équilibre. Et cette balance était réglée au milligramme, grâce à l'amitié. Nous nous retrouvions adultes, comme nous nous étions découverts adolescents. Même humour, même passion du boulot, même ferveur religieuse. [...]
Nos résultats s'envolèrent.
En une année, plus de trente arrestations. Une blague circulait dans les couloirs du 36 : « La criminalité augmente ? Non : les culs-bénits ont remonté leurs manches ! » On aimait ce surnom. On aimait notre image, différente et démodée. On aimait surtout faire équipe.

couverture
Éditions Albin Michel - 652 pages