Sang négrier est un récit à la limite du fantastique où un esclave échappé du navire qui doit l’emporter vers les Amériques et son innommable sort, terrorise la bourgeoise ville de Saint-Malo et les responsables de ce transport inique. Cette nuit de chasse à l’homme lancée par les autorités nous est racontée par le capitaine du navire. Un point de vue qui glace le sang. J’avoue humblement, honnêtement ne pas avoir été attristée par le sort subi par ce capitaine hanté par ses actes mais toujours sans remords. Tout cela est raconté dans un style épuré, clinique. Les faits rien que les faits. La face sombre des Hommes. De quoi réfléchir !
Gramercy Park Hotel, la deuxième nouvelle, est sans conteste ma préférée, la plus belle. Un vieux New-Yorkais victime d’une agression voit ses souvenirs remonter à la surface. Au retour de l’hôpital, il ressort pour prendre une chambre au Gramercy Park Hotel, pour y revivre sa plus belle histoire d'amour. Ici, le style de Gaudé, son humanité, sa sensibilité toute en mélancolie, en plaintes douloureuses, touchent droit au cœur. C’est bouleversant sans sensiblerie, sans nostalgie facile pour autant. Du grand art !
Avec Le colonel Barbaque, on replonge dans les lignes et les situations du très beau roman Cris. On retrouve l'un des personnages de celui-ci pour montrer les répercussions des horreurs de la guerre de 14-18 sur un homme.
Quant à nouvelle-titre, c’est une merveille. Avec Dans la nuit Mozambique, le talent de conteur de L. Gaudé éclate littéralement. C’est l’histoire de quatre copains, anciens de l’école de la navale portugaise et le restaurateur qui les reçoit, qui se retrouvent plus ou moins régulièrement et se racontent des histoires à la fin du repas quand le reste de la clientèle est partie. Là, on plonge totalement dans l’histoire racontée par le commandant Passeo. On en oublie absolument que nous sommes lecteurs d’une nouvelle. On est simplement attablé avec les autres et on écoute son histoire. Cette impression est saisissante. Ces dernières pages sont extraordinaires par leur imagination et leur rythme d'écriture. Les images jaillissent de ces simples mots. C’est renversant.
Je ne vous cache pas que Laurent Gaudé fait partie de mon club très fermé de mes Auteurs Chouchous – il est peut être même à l’origine de sa création. d’où mon enthousiasme dans cette présentation. Mais indépendamment de cela, Dans la nuit Mozambique est une très bonne lecture. En plus, cet ouvrage est un bel objet. J’aime particulièrement le soin apporté au choix de la couverture. Une très belle photo propice au voyage, à la plongée dans ces récits.
Le seul reproche que je pourrais faire : cet ouvrage est beaucoup, beaucoup trop court.
A lire, à relire, à offrir au plus grand nombre.
J’ai eu toutes les peines du monde à vous trouver un extrait représentatif de cet ouvrage. Il faudrait presque tout mettre ou presque.
Du même auteur : Ouragan, La porte des enfers, Onysos le furieux / Sodome, ma douce / Cendres sur les mains, La mort du roi Tsongor, Sofia Douleur, Salina, Pluie de cendres, Combats de possédés, Le soleil des Scorta, Cris, Kaboul, Médée Kali, Les oliviers du Négus, Pour seul cortège.
Dédale
Tout d'abord, merci à Dédale de m'avoir prêté ce recueil. Je n'avais jamais rien lu de cet auteur, mais aimant depuis toujours le genre de la nouvelle, sa présentation m'avait alléchée.
Sang Négrier et Le Colonel Barbaque sont deux récits miroirs où l'homme blanc et l'homme noir s'entre-tuent ou s'unissent pour tuer. Laurent Gaudé y évoque l'esclavagisme, l'horreur de la guerre, la brutalité sanguinaire des hommes. Dans Sang-Negrier, la ville est un personnage à part entière. Elle devient inquiétante, mystérieuse...
Une autre ville, New York, est sublimée dans Gramercy Park Hotel. Et oui, je suis d'accord avec Dédale. Cette nouvelle est absolument merveilleuse. La plume de Laurent Gaudé se fait douce malgré le tragique et l'amertume. On se laisse porter par l'histoire de cet homme qui n'attend plus rien et regrette tant.
Enfin, la dernière nouvelle, Dans la nuit Mozambique est un véritable pied de nez... Un contre-sens littéraire fabuleux. Mais je ne peux pas vraiment vous en dire plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte. N'empêche, il faut être sacrément culotté.
Merci Dédale. Sans toi, je n'aurais peut-être jamais lu ce recueil et cela aurait été vraiment dommage. Je pense tout comme toi que le seul bémol que l'on pourrait y apporter est que cet ouvrage est définitivement trop court. Je me serais bien laissée porter encore quelques heures au bord du Mozambique.
Laurence
13/09/2007
Extrait :
L’amiral resta bouche bée. Il lui fallut du temps pour sortir de sa stupeur. A l’instant où Fernando avait déplié les nappes, cela lui avait semblé ridicule : un désir dérisoire de conserver ce qui ne peut l’être. Mais maintenant, il se penchait sur les nappes, il les parcourait du regard, du doigt, et l’émotion le gagnait. C’était une sorte de cartographie de leur amitié qu’il avait sous les yeux. Les taches de vin. La position des assiettes. On pouvait imaginer qui était assis à quelle place. Il revoyait les gestes des mains au-dessus de ces nappes. Un verre que l’on renverse et qui interrompt, pour un temps, le récit. Une miette de pain avec laquelle on joue du bout des doigts. C’était la trace la plus émouvante qui pût rester de leurs rencontres. Une foule de nappes.
Il examina plus longuement la dernière : celle de 1978. Avec l’aide de Fernando, ils refirent le plan de table. Ils observèrent la place du commandant Passeo. Une petite tache de vin rouge semblait la marquer avec exactitude. Les mains qui avaient fait cette tache savaient-elles qu’elles ne reviendraient jamais ? pensa l’amiral. Il avait sous les yeux une trace tangible de leur amitié et il trouva cela beau. Le souvenir de toutes ces conversations était là, sur ces papiers salis. Une forme de sérénité l’envahit. Oui. C’était bien. Ils avaient été cela. Quatre hommes qui parlaient, quatre hommes qui se retrouvaient parfois, avec amitié, pour se raconter des histoires. Quatre hommes qui laissaient sur les nappes de petites traces de vie. Et rien de plus.
Dans le nuit Mozambique de Laurent Gaudé -
Éditions Actes Sud - 147 pages
Commentaires
samedi 2 juin 2007 à 08h32
La couverture à elle seule me séduit déjà...
)
Et puis j'ai toujours aimé les recueils de nouvelles. Je crois donc que je vais suivre tes conseils les yeux fermés (enfin, pas trop fermés tout de même, c'est un peu gênant pour lire
samedi 2 juin 2007 à 08h57
Où l'on évoque la ville de Saint-malo dont je ne suis pas originaire !
dimanche 3 juin 2007 à 10h33
De nouveau un recueil de nouvelles !! Chouette, je note.
lundi 4 juin 2007 à 11h30
Claudune : on peut pas ganger à tous les coups !

Bonjour Hsardeuse et bienvenue en ces lieux. Moi aussi je suis très friande de recueils de nouvelles. J'aime beaucoup cette forme qui oblige l'excellence.
jeudi 13 septembre 2007 à 07h51
Bien contente que ce recueil t'ai plu.
Si tu veux cnotinuer sur ta lancée, j'ai les romans, si tu veux !! 
jeudi 13 septembre 2007 à 08h37
Pour le reste des œuvres de Laurent Gaudé, on va attendre un peu... J'ai déjà tellement de livres qui m'attendent !
Mais je note ta proposition et saurais te la rappeler en temps voulu 
jeudi 13 septembre 2007 à 09h55
Ok, ils sont là. Ils t'attendent
jeudi 13 septembre 2007 à 12h21
Eh, mais il m'intéresse celui-là !
L'extrait que tu proposes et que je viens de lire m'a touché, vraiment.
J'ai envie depuis un moment de lire un livre de Gaudé, et quoi de mieux pour commencer qu'un recueil de nouvelles ?
samedi 15 septembre 2007 à 08h17
Ben alors Cœur, tu avais loupé ce billet au moment de sa première publication?
L'extrait est un choix de Dédale mais il est effectivement très bien.
vendredi 5 septembre 2008 à 12h13
Je suis moi aussi complètement fan des ouvrage de Laurent Gaudé. Mis à part "Cris" que j'ai moins aimé que les autres, les livres de Laurent Gaudé font tous partie de mes livres préférés. Auteur chouchou pour moi aussi donc! Alors si vous n'avez jamais lu de livres de lui, foncez!
samedi 6 septembre 2008 à 10h11
Merci Maud d'avoir déposé ici ton cri du coeur
Ayant déjà lu une bonne partie des oeuvres de Laurent Gaudé, je suis impatiente de me plonger dans son tout dernier roman, Les portes de l'Enfer. Tout un programme !!
mercredi 5 novembre 2008 à 14h25
bonjour ici les lecteurs
je suis en classe de seconde et j'ai dut lire sang negrier pour le lycee
j'ai beaucoup aimé ce roman
mardi 11 novembre 2008 à 16h10
Ce sont des nouvelles meirveilleuses qui nous transportent vraiment dans un univers parfois surnaturel.
Cependant je me demande comment ces nouvelles s'intègrent les unes aux autres ?
mardi 25 novembre 2008 à 08h05
Lucie, je suis ravie d'apprendre que cette lecture t'a plu. Continue sur ta lancée, tu verras. L'auteur est un excellent conteur.
Fanny : N'est-ce pas que ces nouvelles sont prenantes ?
Pour répondre à ta question, ce sont des nouvelles, les histoires qu'elles racontent sont indépendantes les unes des autres. Mais elles s'intègrent dans l'ensemble des oeuvres de L. Gaudé. Comme une invitation à poursuivre tes lectures.
vendredi 2 avril 2010 à 14h14
il est bien parce que je dois le lir en francais
lundi 5 avril 2010 à 11h34
Ghost : il est très bien. Je dirais même plus. Il est excellent
dimanche 16 octobre 2011 à 13h15
Une nouvelle prenante, qu'on avale comme les douceurs de l'Apocalypse !
Cependant, c'est dommage de mettre pour extrait la fin de la nouvelle qui clôture en beauté, tout en poésie, cette superbe nouvelle.
Belle présentation en tout cas.
vendredi 21 octobre 2011 à 11h15
Le souci, Lily Rose, quand on ne peut pas tout mettre en extrait, est qu'il faut choisir. Alors le coeur a parlé
vendredi 3 février 2012 à 15h31
"Dans la nuit Mozambique" est la plus belle nouvelle de ce recueil. J'en garde un très bon souvenir. J'aime l'écriture de Laurent Gaudé.
samedi 4 février 2012 à 11h52
Araucaria, je ne peux dire le contraire