Il ne s'agit pas vraiment d'un roman policier, mais d'une étude de caractères. Kate Atkinson avance lentement et ne cesse de faire des retours en arrière. Chaque protagoniste est soigneusement étudié : par l'intermédiaire d'une focalisation omnisciente, elle suit, non sans un certain humour, les gestes et pensée de tous les acteurs de cette histoire gigogne.

Kate Atkinson affectionne les parenthèses.
Chaque chapitre est prétexte à laisser libre cours aux divagations de ses personnages et l'on est parfois bien éloigné du nœud de l'intrigue. J'avais l'impression d'entendre ces histoires de fin de repas familiaux, quand le narrateur a parfois oublié le sujet de son récit. Mais ce sont les parenthèses au sens propre qui m'ont le plus gênée : Kate Atkinson construit des phrases à tiroirs, pleines de tirets et de propositions en tous genres. Ce style m'a paru souvent lourd et laborieux.
En tout cas, je n'ai pas réussi à en faire pleinement abstraction et m'a lecture s'en est trouvée pénalisée.

Quant à l'intrigue, elle ressemble, comme il fallait s'y attendre, au style : une multitude d'histoires et de destins entremêlées. Certaines de ces histoires sont très émouvantes, d'autres trop prévisibles.

Je n'ai donc pas été transportée par ce roman.

Voir aussi les avis de Solenn, Jules, Clochette et Gachucha

Extrait :

Il s'était garé à l'ombre mais le soleil était monté d'un cran dans le ciel et la température à l'intérieur de la voiture devenait insupportable. Elle s'appelait Nicola Spencer, elle avait vingt-neuf ans et elle vivait dans un ghetto propret de maisons en brique. Les maisons et les rues paraissaient toutes identiques à Jackson, un moment d'inattention et il se retrouvait prisonnier d'un triangle des Bermudes de pelouses identiques. Jackson avait un préjugé quasi irrationnel contre les lotissements. Ce préjugé n'était pas sans rapport avec son ex-épouse et son défunt mariage. C'était Josie qui avait voulu une maison dans un lotissement neuf. Josie qui avait été une des premières à signer pour vivre à Cambourne, une "communauté" à la Disney sise aux portes de Cambridge avec son terrain de cricket sur la "traditionnelle" place du village, son "terrain de jeu à thème romain". C'était Josie qui les avait fait emménager quand la rue "tait encore un chantier et avait insisté pour avoir des meuvles pratiques et modernes, Josie qui avait rejeté les antiquités victoriennes sous prétexte que ça faisait "fouillis", qui avait trouvé que trop de tapis et de rideaux était "étouffant", et pourtant aujourd'hui elle habitait avec David Lastingham le vieux magasin de curiosité de Dickens - une maison du XIX° identique à ses voisines, bourrées jusqu'à la gueule de meuble anciens qu'il avait hérités de ses parents et donc la moindre surface disparaissait sous des draperies et des rideaux. ("Tu es sûre qu'il n'est pas gay?" avait demandé Jackson à Josie, rien que pour l'agacer - le type allait chez une manucure, bon sang de bois -, et elle avait répondu en rien : "Il n'a pas de doutes sur sa virilité, Jackson.")

couverture
Éditions Livre de Poche - 412 pages