Ariane Fornia, 18 ans, signe ici son second ouvrage. Avec un humour féroce, elle dissèque la période de l’adolescence dont elle est à peine sortie.

Tout commence avec un glossaire, absolument hilarant, à l’attention des parents désarmés face à leur rejetons devenus grands. J’ai ri à chaque page tant les formules sont ciselées et les situations croquées à merveille. On reconnaît en vrac :
les ados que l’on côtoie (ah, mes chers élèves… si vous saviez….),
celle ou celui que l’on a été soi-même (je reste d’ailleurs stupéfaite à quel point les choses n’ont pas changé depuis 15 ans…),
et ceux qui le deviendront un jour (le plus tard possible ! prie la maman du petit Quentin… ;) ).
Mes fous rires sont rapidement devenus contagieux et je me suis mise à lire à voix haute certains passages à l’attention de ceux qui étaient dans la même pièce que moi.
Puis Ariane quitte le glossaire pour raconter plus en détail le quotidien, les rites, les rêves et désillusions. Peu à peu, le discours prend une tonalité plus grave, et Ariane nous offre ses doutes.

Je crois que ce qui fait mouche dans ce livre, c’est la proximité de l’écrivain avec son sujet : il ne s’agit pas en effet d’un énième livre sur les ados écrit par un adulte nostalgique, mais de chroniques « de l’intérieur ». Ariane Fornia écorche aussi bien les siens que le monde des adultes, et fait preuve de beaucoup d’auto-dérision. Il y a notamment un chapitre délicieux où elle évoque la sortie de son premier roman, quand elle avait 14 ans (oui, la jeune femme est précoce…).
Mais la fin m’a semblé en dessous de ses chroniques acerbes.
En quittant l’humour cinglant pour un registre plus sombre, Ariane Fornia tomberait presque dans le pathos. Et l’on réalise là, qu’il s’agit bien de l’œuvre d’une adolescente qui a encore du chemin à effectuer.
Malgré tout, cela m’a donné envie de lire Dieux est une femme, son premier roman.

Et puis, je voulais rassurer Ariane si elle passe par ici : on peut être adulte et conserver ce mordant, cette virulence… Desproges en était un bon exemple non ?

Ne ratez pas son interview pour le Biblioblog.

Laurence

Du même auteur : La déliaison et Dieu est une femme

Extrait :

A comme adolescent L’adolescent est une créature inachevée. On peut présenter la chose ainsi : lorsque les pustules se résorbent et que le corps cesse de grandir pour commencer à vieillir, l’adolescence s’achève. Et quand commence-t-elle ? Probablement lorsque l’enfant que vous avez chéri des années durant refuse le traditionnel bisou d’au revoir devant les copain, se barre en claquant la portière de la voiture et jette : « t’es relou, ‘man. » vous êtes désormais une créature périmée. A partir de là, des années merveilleuses vous attendant. Et à peu près toutes les choses ci-dessous.

[…]

C comme Communisme, Che Guevara, anarchie Votre fils a quinze ans, et le désir de vous emmerder au maximum s’empare de lui. Il va donc épouser des idéaux politiques afin de mieux vous prouver que vous êtes fossilisés. L’autre jour, dans un magasin aux prix honteusement capitaliste, il a vu le visage du Che Guevara sur un tee-shirt rouge très seyant. Croyant qu’il s’agissait de Bob Marley, il vous a emprunté une somme conséquente pou l’acquérir. Un de ses potes un peu plus informé a gueulé : « Che Guevara, trop cool ! », et votre bambin a réalisé sa méprise. Il s’est donc informé sur l’identité du sympathique chevelu et en a retenu à peu près ça : « C’était un mec supra cool qui voulait que tout le monde il soit copain et partage ses sous. » Le jeune ne se sent plus ! Il retourne acheter des marteaux et des faucilles à la boutique hors de prix devant laquelle mendie un SDF que le nouveau coco ignorera, tout à la joie de revêtir des atours humanistes. Avec un gros marqueur à tissu, il initiera sa garde-robe à l’anarchie en l’inondant de « A » sanglants – l’anarchie est, rappelons-le, l’idée selon laquelle « y a pas de prof qui te dit de faire tes devoir. S’il ne s’achète pas un dossard « Prolétaire », c’est juste qu’il ignore ce que ce mot signifie. Enfin, découvrant que Fidel Castro était un pote du Che, il soutiendra mordicus que Cuba est le paradis sur Terre. Staline ? J’sais pas qui c’est.

couverture
Éditions Robert Laffont – 207 pages