Ce roman est assez complexe à résumer car plusieurs histoires personnelles se mêlent pour en fait ne donner qu’un seul personnage principal : Mister ADN himself.
Nous avons donc pêle mêle :

  • Un homme dont le sang possède la propriété de rémission pour les cancers. Son médecin lui prélève des cellules pour les vendre à un laboratoire qui dépose un brevet. Problème : les gènes appartiennent donc au laboratoire, donc les cellules de l’homme et de ses descendants (partageant les mêmes gènes que lui) sont propriété du labo…
  • Un perroquet capable de parler et de résoudre des équations mathématiques suite à des manipulations génétiques.
  • Un orang outan de Sumatra capable d’injurier les touristes en au moins deux langues différentes.
  • Une expérience sur la fécondation d’un ovule de primate donnant naissance à un hybride singe/homme.
  • Un chasseur de prime.
  • Un généticien qui se prend pour Dieu
  • Le projet d’un publicitaire un peu fou pour modifier l’ADN d’espèces en voie de disparition en vue de leur faire porter les logos de marques commerciales pour les « protéger ».
  • Des tortues qui brillent dans le noir

Tout ça mené avec brio par la plume de Michael Crichton à qui l’on doit un grand nombre de romans sur la science. Je trouvais intéressant de relever que presque chaque parution de Crichton correspond à la réflexion sur un problème scientifique majeur contemporain ou à l’avancée de recherches dans un domaine précis. Actuellement nous parlons de l’ADN, des manipulations génétiques et des problèmes éthiques posés ? Et voila de quoi alimenter le débat…

Que ceux qui n’ont jamais entendu parler de l’auteur sachent qu’ils ont certainement vu au moins un film adapté de ses romans… pour ne citer qu’eux : Jurassic Park, Sphère, Prisonniers du Temps, Soleil Levant… Et certainement vous connaissez la série Urgences, dont il est l’inspirateur avec son tout premier roman Extrême Urgence.

Pour revenir au roman, la couverture intrigue tout d’abord, et je salue l’effort des éditions Laffont d’avoir fait une couverture vraiment belle (à mon goût). Quant au contenu, tout est dit, tout est évoqué, sauf le clonage, qui est le sujet principal de Jurassic Park. Ainsi le lecteur complètement dépassé par les débats médiatiques actuels et les enjeux cachés peut prendre peur chez lui, à son aise, rien qu’en ouvrant le livre.

L’exergue, en ce sens, n’est pas fait pour rassurer :

« Ce roman est une fiction, sauf les passages qui ne le sont pas » nous annonce-t-on dès l’ouverture. De là à pouvoir ensuite démêler le réel de la fiction, il s’agit de lire le roman en professionnel du sujet. Cependant, comme je ne le suis pas, j’ai juste pris conscience de l’immense manipulation que pouvait cacher les problèmes actuels… sur le regroupement familial, pour ne prendre que ça.

Le roman d’ailleurs se construit essentiellement autour de cette question : jusqu’où peut-on aller trop loin ? Ladite question étant bien sûr plus éthique que scientifique.

J’admire aussi l’honnêteté de l’auteur dans son épilogue. Certes, il s’agit d’un roman. Mais Crichton est diplômé de médecine et tient certaines positions qu’il explicite à la fin avec forces détails.

Enfin, comme dans ses derniers romans, il cite une bibliographie indicative à l’attention des personnes qui voudraient en savoir plus sur le sujet ainsi que les sources qu’il a lui-même consultées pour écrire.

Le bémol ? Car il y en a, bien sûr…

L’histoire est centrée sur la recherche dans les universités américaines, un système que nous n’avons pas (encore) en France. Donc ne connaissant pas particulièrement ce fonctionnement, j’ai parfois eu du mal à faire le lien dans l’histoire.

Le lien… La foison de personnages impliqués m’a posé un gros problème de compréhension. Régulièrement j’ai été contraint de retourner quelques chapitres en arrière pour me souvenir de qui était qui et faisait quoi… Ce n’est pas primordial dans la lecture car la compréhension se fait, cependant c’est un frein assez pénible.

En conclusion, un roman que je recommande. A ceux qui savent et qui veulent critiquer, à ceux qui ne savent pas et qui voudraient prendre conscience, à ceux qui voudraient fermer les yeux et continuer de vivre dans l’ignorance. Tout n’est pas vrai, tout n’est pas faux…

Mais peut-être que demain, on nous dira qu’on a trouvé le gène de…

Du :même auteur :
Pirates

Par Cœur de chene

Extrait :

-Au bout de quatre ans, je me sentais encore en bonne santé. Il n’était rien arrivé. Tous les jours, je m’attendais au pire, mais rien ne venait. Le Dr Gross continuait pourtant à me dire de revenir faire des analyses, encore d’autres analyses. J’avais déménagé a San Diego et je voulais faire mes analyses là-bas, dans un labo qui lui enverrait les résultats. Pas question : les analyses devaient être faites à UCLA.
- Pourquoi ?
- Il disait qu’il préférait son propre labo ; cela ne tenait pas debout. Et il me donnait de plus en plus de papiers à signer.
- Quels papiers ?
- Au début, juste des autorisations précisant que je suivais un traitement à risque. Peu après, il y en a eu d’autres pour dire que j’acceptais de participer à un programme de recherche médicale. Chaque fois que j’allais faire des analyses, il y avait des papiers. Les derniers temps, c’était des documents de dix pages, denses, rédigés en langage juridique.
- Les avez-vous signés ?
- A la fin, non.
- Pourquoi ?
- Dans certains documents je devais donner mon accord pour une utilisation des mes tissus à des fins commerciales.
- Cela vous préoccupait ?
- Bien sûr. Je pensais que le Dr Gross ne disait pas la vérité, qu’il ne me donnait pas la véritable raison de toutes ces analyses. Un jour, je lui ai demandé sans détour s’il faisait une utilisation commerciale de mes tissus. Il m’a répondu que non, que c’était purement pour la recherche. J’ai dit que j’étais d’accord pour tout signer, sauf les documents sur l’utilisation de mes tissus à des fins commerciales.
- Et alors ?
- Il s’est mis en colère. Il a dit qu’il ne pourrait plus continuer à me traiter si je ne signais pas tous les documents, que je mettais ma santé et mon avenir en danger, que je commettais une grave erreur.
- Objection !
- Très bien… Quand vous avez refusé de signer ces documents, monsieur Burnet, le Dr Gross a-t-il mis fin à votre traitement ?
- Oui.
- Avez-vous consulté un avocat ?
- Oui.
- Et qu’avez-vous découvert par la suite ?
- Que le Dr Gross avait vendu mes cellules – les cellules qu’il avait prélevées sur mon corps à l’occasion de toutes ces analyses – à une société du nom de BioGen.
- Comment avez-vous réagi en l’apprenant ?
- J’ai été scandalisé. J’étais allé voir le Dr Gross à une période de ma vie où j’étais malade, vulnérable, où j’avais peur de mourir. Je faisais confiance à mon médecin ; j’avais mis ma vie entre ses mains. Et cet homme en qui j’avais confiance m’avait menti et avait entretenu ma peur pendant des années pour pouvoir me voler un peu de mon corps et le vendre. Pour de l’argent. Pour lui. Jamais il ne s’était soucié de moi. Tout ce qui l’intéressait, c’étaient mes cellules.
- Connaissez-vous la valeur de ces cellules ?
- BioGen a parlé de trois milliards de dollars.
Les jurés étouffèrent un cri de surprise.

couverture
Éditions Robert Laffont - 474 pages