Alors oui j’ai noté et annoté de nombreuses phrases mais il y en a tant, laquelle choisir...je n’y arrive pas !
Daniel Pennac dont j’ai adoré « Comme un roman » me pose problème ici.
Le livre est divisé en plusieurs parties (six pour être exacte), elles-mêmes découpées en chapitres, j‘ai la structure mais qu’y a t-il dedans ? Daniel Pennac parle de lui, du prof qu’il est devenu, du romancier qu’il est mais surtout du cancre qu’il est toujours dans les yeux da sa mère encore aujourd’hui bien qu’il ait « réussi »…

Phrase page 15 :

« - Qu’est-ce que tu fais, dans la vie ?
Très tôt mon avenir lui parut si compromis qu’elle ne fut jamais tout à fait assurée de mon présent. N’étant pas destiné à devenir, je ne lui paraissais pas armé pour durer. J’étais son enfant précaire. »

Difficile d’être insensible à sa plume, difficile de trancher sur une idée ou un chapitre alors que dans toutes ces/ses lignes, il souligne, parle et décrit de nombreux mécanismes mais il me parle à moi, oui à moi, la lectrice laborieuse que je suis et qui a été cancre elle aussi. Ah oui, j’ai été excellente élève en primaire (mais je ne m’en souviens pas très bien), mais surtout cancre par la suite, fermée à tout et à tous. Oh oui je ne connais que trop bien ce bulletin de note qui fait office de quatrième de couverture !!!
Quelle période pénible ce fut et qui me poursuit encore parfois.

Alors que dit-il Daniel Pennac dans « Chagrin d’école », -que j’aurais volontiers nommer Chagrins d’école d’ailleurs- ?

Il y aborde donc son passé de fils, d’élève, de professeur qu’il a été (à la retraite maintenant), d’écrivain qu’il est (de l’écriture de ce roman, aussi), du père qu’il est devenu mais surtout du cancre qu’il est toujours -même si depuis il a réussi-.

Il y donne les raisons de sa peur « la peur fut belle et bien la grande affaire de ma scolarité ; son verrou », les clés qui l’ont sauvé « qui donc m’a sauvé de l’école, sinon trois ou quatre professeurs ? » mais surtout son expérience et son devenir « Et l’urgence du professeur que je devins fut de soigner la peur de mes plus mauvais élèves pour faire sauter ce verrou, que le savoir ait une chance de passer ».

Et tant d’autres choses encore…

C’est tour à tour touchant, empli de vérités (les siennes après tout il y parle de son expérience –de ses expériences-), avec un peu de moral aussi mais toujours avec de la justesse dans l’écrit.
Des phrases qui font mouche et que j’apprendrais certainement si j’avais de la mémoire !
Quel bonheur de lire simplement ses mots, ces lignes parce que bien sûr il écrit très bien mais il me parle à moi (à chacun d’entre nous en fait, j’imagine).
C’est bizarre ce sentiment !
Il est certainement le prof que j’aurais aimé avoir même si j’ai trouvé sur mon chemin Mme Chèvre*, mon professeur de français en troisième (enfin lorsque je l’ai doublée, la troisième !). Elle m’aimait et je l’adorais. L’apprentissage tient vraiment à peu de choses parfois !!!

Il faut absolument lire les chapitres 1 et 2 de la partie III, intitulé « Y ou le présent d’incarnation » mais pas seulement. Ah ce dialogue que Pennac (le professeur devenu et écrivain) a avec lui-même mais Pennac, le cancre, pages 294 à 302 : une bien belle démonstration.

Je reste bloquée et n’arrive pas à écrire une ligne qui pourrait vous donner envie de lire ce livre parce que oui, il mérite d’être lu. Par les bons comme les mauvais élèves, les cancres comme les studieux, les profs aussi, de boîtes à bac comme de ZEP ou autre, à l’IUFM pourquoi pas, étudié en classe je dis oui à ça aussi.

Et pour conclure mon brouillon, après tout pourquoi pas !

Du même auteur : Comme un roman, Le Dictateur et le Hamac, L'œil du loup et Merci !

Par Google

Difficile de parler de ce roman après le billet de Google.... :-)
Essayons tout de même.

La première évidence en ouvrant cet ouvrage, fut d'être en présence de la suite de Comme un roman. Les deux livres sont étroitement liés tant dans le propos que la structure : ni des romans, ni des essais, ni des autobiographies... mais un peu tout cela à la fois.

Google vous offrait son regard d'ancienne « cancre », et soulignait cette impression tenace d'une confession que l'auteur aurait écrite juste pour elle. Ce qui est fabuleux, c'est que j'ai eu la même impression, mais en tant que prof (on a les tares que l'on peut). Oui, j'ai retrouvé certains de mes élèves sous la plume de Pennac; cette difficulté à les sortir d'une cage qu'ils ont parfois eux-même construite.
J'ai repensé à C. m'expliquant au premier cours, qu'elle n'y pouvait rien, qu'elle avait toujours été nulle en orthographe/grammaire et que rien ne changerait jamais; à sa mère confirmant les propos de la jeune fille sans se rendre compte que c'était l'emprisonner dans ses difficultés; au diplôme que cette jeune fille a finalement eu du premier coup et au sms qu'elle m'a envoyé dès qu'elle a su les résultats. Oh, n'allez pas croire que j'ai fait des miracles, je n'en suis bien incapable. Non, j'ai simplement cru en elle plus qu'elle n'y croyait elle-même, pour que petite hirondelle convalescente elle puisse prendre son envol.
J'ai repensé à tous ces élèves qui bien que me trouvant très stricte, venaient me voir émus en fin d'année.
Mais aussi à N., V., P. et à tous les autres, qui ont croisé ma route et que j'ai manqués, par faute de temps ou d'énergie. Ces gamins fâchés avec le français que je n'ai pas réussi à intéresser.

Et puis, j'ai pris quelques claques aussi : Monsieur Pennac ne nous épargne pas, il ne faut pas croire. Et l'on sait que parfois, on est « en dehors » de son cours et l'on a branché le mode automatique; que l'on a tendance à aller à la facilité et à penser « qu'ils le font exprès »; que nous nous protégeons derrière un manque de formation en expliquant que « nous ne sommes pas là pour ça ».

Bien sûr, certains collègues me diront, à juste titre, que Daniel Pennac prend parfois des raccourcis et n'évite pas lui-même les poncifs. C'est vrai.
Et pourtant, cette lecture est salutaire, nécessaire, pour au moins ne pas oublier pourquoi nous avons choisi ce métier : non pas pour que les bons réussissent (ce qu'ils arriveraient à faire de toute façon sans notre aide) mais pour donner aux autres tous les moyens possibles de s'en sortir.

Vous voyez, Google avait raison : Daniel Pennac nous parle à nous; à chacun de nous. Et il est de fait impossible de parler de son livre sans parler un peu de soi.

Laurence
le 09 août 2008

Extrait page 94 :

Février 1959, septembre 1969.

Les dix années où je suis devenu.
A quoi tient la métamorphose du cancre en professeur ?
Et accessoirement, celle de l’analphabète en romancier ?
C’est évidement la première question qui vient à l’esprit.
Comment suis-je devenu ?

Extrait page 72 Chapitre 11 partie II :

« Il faudrait inventer un temps particulier pour l’apprentissage.
Le "présent d’incarnation", par exemple.
Je suis ici, dans cette classe, et je comprends enfin !
Ca y est ! Mon cerveau diffuse dans mon corps : ça "s’incarne".
Quand ce n’est pas le cas, quand je n’y comprends rien, je me délite sur place, je me désintègre dans ce temps qui ne passe pas, je tombe en poussière et le moindre souffle m’éparpille.
Seulement, pour que la connaissance ait une chance de s’incarner dans le présent d’un cours, il faut cesser d’y brandir le passé comme une honte et l’avenir comme un châtiment.

couverture
Éditions Gallimard - 320 pages

* Mme chèvre, ce n’est bien sûr pas son vrai nom, mais le souvenir que je garde d’elle pour deux raisons : d’abord parce que je la faisais souvent tourner en bourrique et parce que j’ai entre autre un souvenir d’elle : une simple carte postale, envoyée bien longtemps après avoir quitté le collège et qui représente une chèvre. C’est tout bête mais j’y tiens beaucoup !!!