Gabriel a une passion pour la Bécasse de Wilson; il connaît tout de ce volatile et cherche à l'entre-apercevoir au cours de sa balade dans la campagne. Pourtant ce n'est pas l'oiseau qu'il trouvera, mais un vieil homme revèche qui a décidé d'en finir avec la vie.
À quelques mètres derrière lui, ses parents raconte à un ami leur combat pendant l'enfance de Gabriel pour que les médecins diagnostiquent correctement ses symptômes.

Ce roman est en fait un pretexte pour expliquer et faire connaître le syndrôme d'Asperger. Le récit encadrant est en effet très bref et simpliste, et n'a en lui-même que peu d'intérêt, même si les portraits de Gabriel et du vieux Louis sont particulièrement tendres et émouvants.
En fait, ce qui importe ici, c'est le récit encadré : le parcours des parents face aux institutions scolaires et médicales. Leurs interrogations, leur révolte aussi. En dix ans, ils sont passés entre les mains des "professionnels", leur expliquant que Gabriel n'était qu'une victime de leurs propres troubles. Pas de maladie, mais une névrose due aux erreurs répétées de géniteurs inconscients. Quand la médecine est incapable de mettre des mots sur les maux, il est tellement plus facile d'accuser les parents. Il aura fallu attendre dix ans avant de pouvoir mettre un nom sur la maladie de Gabriel.

Elisabeth Motsch avait déjà traité ce thème en littérature enfantine, dans un album intitulé Gabriel. On ne peut bien sûr pas s'empêcher de se demander alors si ce Gabriel n'est qu'un prétexte narratif, ou s'il a une existence en dehors des pages d'un livre.
Quoiqu'il en soit, l'objectif d'Elisabeth Motsch est atteint : à travers une narration très didactique, elle permet au lecteur d'aborder la différence et le handicap avec un autre regard.

Laurence

Extrait :

"Il faut d'abord résoudre votre problème avant de vouloir résoudre le sien", déclara le Dr Bernand d'un air patelin. Ariane et Pierre se consultèrent : que pouvaient-ils se reprocher vis-à-vis de leur enfant? Sûrement quelque chose. Le docteur les aida dans leur recherches des origines. N'avaient-ils pas favorisé Clément, l'aîné, sans s'en rendre compte? Pourquoi voulaient-ils un deuxième enfant? Par conformisme? Pour reproduire leur propre schéma parental, les parents de la mère ayant deux enfants? Pourquoi l'avoir appelé Gabriel? Pour qu'il soit supérieur aux autres enfants, en tant qu'"archange"? N'y avait-il pas un désir inconscient de le distinguer nettement d'un être humain ordinaire? Pourquoi n'arrive-t-il pas à communiquer? Pour se protéger? N'a-t-il pas subit un traumatisme? "Pourquoi avez-vous si peu de souvenirs précis de ces moments essentiels où vous l'allaitiez?..."

La bécassine de Wilson
Éditions Actes Sud - 117 pages