Alors qu'Alexis apprend que son film n'a reçu aucun prix du fait de sa diffusion en avant première dans le milieu carcéral, Sammy, sorti fraîchement de prison, lui propose "le film qui va faire un malheur" : un long métrage sur sa vie de gangster, un film exact. Et quand Alexis lui explique que sa vie manque cruellement d'intérêt cinématographique, Sammy trouve une solution d'une simplicité désarmante: changer sa vie pour en faire un scénario haletant. Pendant qu'il s'y atèle, Alexis se voit contraint de se tourner vers la réalisation de publicités, bien loin de ses idéaux. Voilà donc le départ d'une intrigue riche en rebondissements et portes qui claquent.

Même si le mode narratif est différent de ce qu'avait écrit Georges Flipo jusque-là, j'ai eu dès le départ un sentiment de déjà vu en faisant la connaissance d'Alexis. On le sait, Georges Flipo a une affection toute particulière pour les anti-héros, et Alexis pourrait être le petit cousin de Sylvain Vasseur : égocentrique, imbu de sa personne et de son talent (bien qu'à l'inverse de Sylvain Vasseur, ce talent ne soit pas totalement fantasmé), sourd à ce qui se passe autour de lui, n'entretenant ses relations que pour ce qu'elles pourraient lui apporter. Je me suis donc demandé, pendant tout le premier tiers du roman, si Le film va faire un malheur était une variation du Vertige des auteurs, avec un simple changement de cadre. Et puis, tout à coup, le rythme s'accélère et le roman donne dans le genre du polar rocambolesque.
Malheureusement, ce revirement de situation n'aura pas suffi à faire mon bonheur et j'ai trouvé l'ensemble moins convaincant que ce que j'avais lu de cet auteur jusqu'à maintenant. Je n'ai pas réussi à déceler le thriller kafkaïen, le roman d'humour noir ou la comédie sociale qu'annonce la quatrième de couverture (vous me direz qu'associer les trois genres dans un même ouvrage était une entreprise audacieuse) et j'ai trouvé que l'intrigue versait trop souvent dans la caricature au risque d'en oublier la vraisemblance. Rien à faire, je n'y ai pas cru...

Bien sûr, j'en suis sincèrement désolée car j'étais réellement tombée sous le charme de Qui comme Ulysse qui reste pour moi l'un des plus beaux recueils de nouvelles que j'ai lu l'an passé. Mais cela m'interroge surtout sur les retours de la presse : Livre Hebdo, France 3, L'Express, France Soir, Le Monde des livres ont souligné la sortie de ce nouvel opus et toutes les critiques étaient enthousiastes. Tant mieux, et je conçois tout à fait que l'on puisse avoir aimé ce roman. Mais il me semble que Qui comme Ulysse est nettement plus riche et abouti, et je n'ai pas eu l'impression qu'il avait eu le même accueil. Est-ce parce que le calendrier était déjà très encombré au mois de septembre ou comme je le crains parce que la nouvelle est un genre moins apprécié en France ?

Ces questionnements tout personnels mis à part, je souhaite à Georges Flipo que son roman fasse un malheur. Quant à moi, j'attendrai patiemment des retrouvailles qui, j'espère, seront plus heureuses.

Voir aussi les avis de Cathulu, Fashion, Lily, toutes enthousiastes, et celui de Papillon qui comme moi est déçue.

Laurence

Extrait :

- Alors, vous aviez des choses intéressantes à me dire, c'est à propos de mon film, je suppose.
Sammy secoua la tête, très horizontalement.
- Non, je vous ai déjà dit ce que je pense de votre film, j'en pense du bien.
- Et alors, de quoi voulez-vous me parler ?
- De votre prochain film. C'était très intéressant vos explications sur votre façon de chercher un bon sujet.
Sammy plongea son regard dans celui d'Alexis, comme s'il voulait obtenir son adhésion avant même d'avoir parlé. Des mois, des années plus tard, Alexis allait se souvenir des intonations appuyées avec lesquelles le malfrat annonça :
- Je suis un bon sujet. Je voudrais que vous fassiez un film sur moi. Sur ma vie. Je voudrais que vous la racontiez de façon très exacte.


Éditions Le Castor Astral - 313 pages