Garrett est un détective privé.
Sa mission, si il l'accepte, est de mettre la main sur la belle héritière d'une fortune en argent massif. Ça paraît simple, dit comme ça. Mais voilà. L'ancien propriétaire de cette fortune colossale était un vieil ami de garnison, à l'époque où Garrett était jeune. Et dans la parenté du défunt, tout le monde n'est pas d'accord pour que les sous aillent chez une inconnue alors qu'on en aurait bien besoin ici...
Et puis dès qu'on parle d'argent, forcément, les malfrats de tout poil montrent leur nez.
Garrett aura donc bien du fil à retordre pour ramener saine et sauve l'héritière.
Mais déjà faut-il la trouver...

Voici un petit polar de derrière les fagots, jubilatoire, cynique, vif, à l'écriture ciselée.
Un petit bijou de Fantasy...
Ah, oui. Ça je l'ai pas dit... (oups :) )
L'enquête se passe au milieu des elfes, trolls, centaures et tout le toutim. Le bestiaire est là, réuni pour notre plus grand bonheur. Et Garrett, un humain, traîne ses basques au milieu de tout ce bazar.
Son enquête, il la mène avec l'aide très efficace de Morlet, un métis d'elfe (on dirait un demi-elfe à Donjons&Dragons) végétarien fanatique prompt au combat et à la bagatelle, flanqué d'un ami et de ses deux frères grolls.

C'est donc dans ce joyeux bazar que se déroule la première enquête de Garrett, détective privé. Et pas la dernière pour l'instant, puisque les lecteurs en redemandent...
Ainsi que je le disais, l'humour est omniprésent, l'histoire intéressante malgré quelques petites lacunes à mon sens (il faut parfois revenir sur un passage pour être sûr d'avoir bien intégré tous les éléments) mais c'est un détail mineur.
Surtout, la lecture de l'ouvrage ne nécessite aucune compétence ou connaissance particulière de la Fantasy, puisque l'accent est mis avant tout sur l'enquête. Le bestiaire reste classique et donc accessible à chacun. Il faut juste se faire à l'univers dans le style médiéval-fantastique

En tout cas, un excellent moment de détente. Et moi qui n'avais pas du tout accroché au Cycle de la Compagnie Noire, une autre série Fantasy de l'auteur, mais beaucoup plus noire, j'ai trouvé ici une très agréable lecture.

Par Cœur de chene

Extrait :

Boum ! Boum ! Boum !
Le matin : un instant délicieux. Si seulement il ne tombait pas au mauvais moment de la journée. Celui-là même où le chœur des oiseaux du point du jour s'emploie frénétiquement à répandre le bonheur des levers à l'aube auprès de tous les peuples, et sur moi en particulier.
Boum ! Boum ! Boum !
Deux matins de suit. De quoi se demander si je n'avais pas accidentellement offensé ou insulté les Sept Grands Démons de Modrel.
Je débitai mon chapelet habituel de jurons et d'insultes.
Rien à faire.
Mes yeux se posèrent d'abord sur une trogne vert marbre large d'un bon demi-mètre qui me dévisageait par la vitre brisée.
« Yiip ! » fis-je pour tout propos intelligent.
La créature se fendit d'un grand sourire.
C'était un groll : un métissage d'humain, de troll et de cette Bête qui parle qu'on n'évoque jamais entre gens de bonne compagnie. Je lui retournais sa risette. Les grolls sont lents à la détente mais plutôt soupe au lait.
Sa gueule de crapaud géant laissa échapper un de ces borborygmes graves qui leur servent de langage. J'en n'en compris rien. De toute manière, ça ne s'adressait pas à moi.
On cessa de tambouriner à ma porte.
« Bien le bonjour à vous », lâchais-je d'une voix étranglée en me mettant péniblement debout. Mieux valait ouvrir la porte avant qu'on s'énerve et fasse un trou dans le mur.
Dehors, j'en découvris un second à ses côtés. Le même modèle aussi grand, fort et moche. En chaussettes, ils mesuraient dans les trois mètres de haut, si tant est qu'ils connaissent les chaussettes. Leur tenue se réduisait à une sorte de pagne, une ceinture à usages multiples et un harnais de charge vide. Le pagne se conformait à peine à la pudeur.
Il faudrait donc parler d'eux au masculin, avec un gros M à faire baver d'envie un mulet.
Les deux grolls affichaient un air réjoui devant ma mine ébahie. Ces créatures ont un sens de l'humour bien à elles.
« Si vous n'étiez pas si imposants, je vous inviterais bien à l'intérieur », leur dis-je. Parfois on fait fi de ses préjugés pour se mettre en frais de politesse avec les grolls. Dans le cas contraire, on risque l'étouffement entre deux gros orteils verdâtres et pustuleux.
Un être chétif se faufila entre les deux colosses.
« Moi je passe par la porte, j'imagine, me lança-t-il, et j'ai la gorge sèche, en fait.
- Qui êtes-vous donc ?
- En fait, c'est Dojango, mon nom. Voici mes deux frères, Marsha et Doris.
- Vos frères ?
- En fait, on est des triplés, fit-il en anticipant ma question. De mères différentes, en fait. »
Des triplés nés de mères différentes. Bon, je n'avais rien demandé. Démêler les propos humains n'avait déjà rien d'évident.


Éditions J'ai Lu - 283 pages