Ils ne sont pas frères, mais sont comme des jumeaux. Deux enfants nés le même jour, ils grandissent à Natchez, dans le du Sud des États-Unis. Paul et Thomas sont inséparables. Thomas, le narrateur, va nous conter l'insouciance de l'enfance ponctuée par les baignades dans le Mississipi, les années de l'adolescence, les grands évènements ou les petits riens qui vont marquer les trente premières années de leur vie : l'entrée de la télévision et la découverte du Monde extérieur, la ségrégation, la guerre de Corée et celle du Vietnam, l'assassinat d'un président et celle de Martin Luther King. Tout cela va leur permettre de se forger une personnalité, leurs propres valeurs, tout ce qui intrinsèquement les feront inséparables mais distincts. Tout aurait été pour le mieux dans la douce indolence du Sud, sans l'arrivée de Claire, une jeune femme libre. Elle sera le coin qui élargira l'invisible faille.
Une nouveauté dans le travail de Philippe Besson avec ce roman. C'est la première fois qu'il nous propose de suivre ses personnages sur plusieurs années et non plus sur une « fulgurance de temps » comme c'était le cas dans ses précédents romans. Il démontre là encore combien les sentiments ne peuvent pas être gravés dans le marbre. Et que ce soit suite à un événement particulier ou un écoulement tranquille du temps, les sentiments, les êtres changent, évoluent profondément. Les influences politiques, familiales jouent leurs cartes et modifient la donne de départ.
Me suis sentie écrasée par le Soleil du Sud, l'indolence du Mississipi, si bien rendue par les mots de l'auteur. C'est encore du bon Philippe Besson qui se lit tout seul mais mais.. j'ai tout suivi d'un peu loin. Une belle histoire d'amitié contée avec talent. On comprend très tôt le drame qui va se jouer à la fin car Thomas, le narrateur ne s'en cache pas, prépare bien son auditoire. On s'attend à un gros coup d'éclat, et puis finalement, rien d'éclatant. Rien que de presque logique.
Peut-être que le personnage de Thomas n'était pas assez combatif, dynamique pour moi, toujours en remorque de quelqu'un : Paul, Julia ou Arthur... D'ailleurs, il le dit lui-même :
Quand j'y pense, j'ai toujours vécu sur le bord de quelque chose.
Ou bien :
On savait son rayonnement, on le recherchait car il réchauffait. On admettait mon effacement, qui était le trait majeur de ma personnalité si tant est qu'on puisse définir une personnalité par sa négation précisément.
Au fil de cette lecture, j'ai souvent eu l'impression de lire une tragédie grecque où le Destin manipule les êtres comme bon lui semble et que ces pauvres marionnettes ne pouvaient rien faire pour déjouer le sort.
Du Philippe Besson toujours aussi soigné dans le suivi de son intrigue, dans la qualité d'écriture mais, à mon sens, sans le flamboiement des premiers romans. Peut-être suis-je plus exigeante du fait que j'ai déjà tout lu ou presque de l'auteur et qu'il n'y a plus la surprise de la découverte. Je vous avoue que parfois j'ai même terminé une phrase avant même d'en lire la fin écrite sur la page suivante. Quelle étrange sensation !!
Cette petite chronique des États-Unis est à lire de toute façon, ne serait-ce que pour les pépites cachées deci-delà. Pour ma part, je me prépare pour le prochain rendez-vous.
Voir aussi l'interview exclusive de Philippe Besson sur ce même site.
Du même auteur : Un instant d'abandon, Les jours fragiles, Un garçon d'Italie, L'arrière saison, Son frère, En l'absence des hommes, Retour parmi les hommes et Un homme accidentel
Dédale
Extrait :
Nous nous sommes installés dans une maison modeste, un peu à l'écart de la ville, pas au-dehors, non, mais à bonne distance du centre, de l'agitation. Quand j'y pense, j'ai toujours vécu sur le bord de quelque chose.
La maison d'à côté (qui faisait également office d'épicerie), c'était celle de Nathan et Frances Bruder. Les parents de Paul, mon jumeau de hasard. Est-ce que je suis clair ?
Après, il n'y avait plus grand-chose. Des champs à perte de vue, des routes sinueuses qui ne finissaient nulle part, des poteaux électriques mais plus de fils pour les relier, la carcasse rouillée d'un pick-up oublié là, des hélices accrochées à des pylônes en bois, un pont délabré surplombant un cours d'eau asséché, une tranquillité lancinante.
Une peinture d'Edward Hopper.
Je me rends compte que je ne me suis pas présenté : je m'appelle Thomas Spencer. J'ai eu vingt-neuf ans avant-hier. Le président Nixon vient d'annoncer à la télévision qu'il démissionne. Je le regarde et je me dis que le moment est venu de raconter ce qui s'est produit dans mon existence depuis le largage de cette bombe sur Hiroshima. Je sais déjà que Paul Bruder y occupera une place considérable. La première, forcément.
Jumeaux mais pas frères, donc. Oui, c'est bien ça, notre histoire.
Éditions Julliard - 265 pages
Commentaires
vendredi 30 janvier 2009 à 14h23
Il me tente bien quand même, malgré la petite déception de l'an dernier avec l'Homme accidentel.
vendredi 30 janvier 2009 à 20h53
Il faut donc tenter l'aventure, In Cold Blog
Et surtout revenir par ici pour nous dire.
samedi 31 janvier 2009 à 20h25
Dans une émission radio, j'ai entendu un critique dire de ce roman que c'était un très bon Philippe Besson ... Ce que tu sembles confirmer, Dédale !
lundi 2 février 2009 à 21h29
Nanne, ce roman ne sera pas forcément mon préféré, mais il se lit très bien. C'est déjà très très bien
jeudi 12 mars 2009 à 12h44
bien sûr que c'est l'éternelle histoire lue et relue, dont le déroulement est prévisible et le dénouement sans surprise !
ah ! facile de donner des leçons, facile de jouer les intellectuels, cela fait un bien fou dirait-on ! et puis la toile de fond du récit déjà écrite évidemment !
Histoires tant de fois répétées et pourtant le public en redemande !
et quel public me direz-vous ? non mais ! il en faut pour tous les goûts...
Romans de détente et alors ? à qui faut-il encore en rendre compte ? il en faut, décompresser dans le train, sur la plage ou ailleurs, c'est bon pour "ça" aussi ! na !
et le style d'écriture pas mal aussi. Fabienne
samedi 18 juillet 2009 à 15h27
Je suis scandalisé et je me demande auprès de qui se plaindre; le roman “la Trahison de Thomas Spencer” est il une pure copie du livre magnifique de Bradford Morrow, Trinity Fields, publié en 1995 ? A mon avis oui, sauf que l’original en anglais est superbe, profond et merveilleusement bien écrit. Monsieur Besson m’a énormément déçu par cette copie simpliste et terne par rapport à l’original...
mercredi 27 avril 2011 à 11h02
La littérature, le cinéma et la vie sont remplis de « copies » d'histoires de triangle amoureux. Là, où Besson se sert de la guerre (entre autres) pour raconter une histoire d'amitié, Morrow se sert d'une histoire d'amitié pour raconter deux guerres. Ce qui peut sembler pareil mais est loin d'être la même chose. Besson est dans l'émotionnel pur, ce qui fait la force de son roman. C'est ce style qui fait aussi que j'aime tant les romans de Besson. Morrow se focalise davantage sur un aspect particulier de chacune des deux guerres, et c'est la recherche et la documentation de ces aspects qui donnent de la valeur à son roman. Avoir traité un même sujet de façon aussi différente est plutôt enrichissant, non? Les deux romans ne peuvent-ils pas être appréciés pour cette différence? En tout cas, je les ai aimés tous les deux!