Sa vie se confond avec ses calames. Ce n’est pas du sang qui coule dans ses veines, mais cette encre vitale et nécessaire à sa survie. Ce livre est à la fois une découverte de l’univers de la calligraphie arabe, mais aussi le parcours d’une femme qui a combattu sa vie durant contre les préjugés, son mari et les institutions. Un hommage magnifique à Rikkat Kunt, première calligraphe féminine et grand-mère de l’auteur.

Du même auteur : Muettes

Laurence

Extrait :

Tu nous adressas un sourire malicieux lorsque tu franchis le portail que nous t'interdisions d'approcher en temps normal. Mehmet oublia de le refermer, le vent ajouta à notre peine le bruit du bois claqué par le vide. Rashida et Hateme coururent pour le refermer, moi, j'aurais voulu qu'il claque cent fois, mille fois, toute ma vie pour ne jamais oublier cette journée de malheur.

Je n'ai pas pleuré, et suis montée directement dans l'atelier, sourde aux appels de ma mère et de ma sœur.

J'ai dessiné des merveilles ce jour-là, ma main n'a pas cessé de m'éblouir. De cet enfermement volontaire, il n'est resté que le goût acide de l'encre dans ma bouche. Rashida et Hateme m'ont retrouvée à terre, l'encrier desséché à côté de moi. J'avais englouti son contenu jusqu'à la dernière goutte sans réussir à me tuer. Elles me croyaient empoisonnée, j'étais simplement ivre morte. Dans ma demi-somnolence, j'imaginais des arabesques d'une splendeur infinie. Je peignais les lettres comme tes cheveux fins et lisses. La raie médiane les séparait en deux parties.


Editions Fayard – 174 pages