Djilali a le même âge que Fernand, mais sa vie est diamétralement opposée. Jeune Palestinien, issu des camps de réfugiés, il a été vendu par sa famille à l’une des milices armées pour servir en tant qu’enfant-soldat.
Ces deux adolescents, si différents l’un de l’autre, vont être amenés à se rencontrer.
La force de ce roman est la narration croisée à la première personne. Claude Klotz nous fait découvrir cette histoire à travers les yeux de ces deux jeunes garçons. Il arrive à trouver les mots justes, à traduire l’incompréhension et l’innocence de ces deux êtres pris au piège d’un destin qui les dépasse. Le lecteur est alors emporté dans ce tourbillon d’émotions.
C’est un roman dérangeant, sur les liens étroits entre les guerres et l’instrumentalisation des enfants, mais qui a su éviter les généralités et les écueils de la dénonciation, pour se focaliser sur les singularités de cette histoire d’amitié entre deux garçons que tout opposait.

Laurence

Extraits:

Ça me fait vraiment chier de passer en sixième, parce qu'il va falloir que les mecs de la classe s'habituent à mon prénom. Une idée de mon père qui a cru bien faire.
Il a pas loupé son coup.
Il m'a appelé Fernand.
Déjà Fernand tout court c'est plutôt con et ça fait déjà marrer les gens mais quand on ajoute Baamri c'est le délire. Fernand Baamri, la réussite totale.
Il faut dire qu'en plus je fais carrément noraf because les crayons crépus, le côté bronzé permanent et les yeux noirs pour tomber les filles. Fernand le bougnoule.
À Jean-Jaurès ils étaient habitués et on se connaissait depuis le préparatoire, alors pas d'histoires, mais à la rentrée ça va pas être pareil. Surtout que je change complètement de quartier : terminé la banlieue, je bosse à Paris. Encore une idée de mon père mais même ma mère, ma grand-mère, ils sont tous d'accord pour ça : il faut que Fernand ait le meilleur lycée. Pourquoi il est pas à Bezons le meilleur lycée ? Ça me ferait moins loin pour y aller.

On était tous dehors devant la porte et l'oncle est entré le premier pour prévenir ma mère de se voiler et de faire le thé mais ils ont dit qu'ils ne resteraient pas. Celui avec la moustache est resté dans la cour et il m'a demandé si je savais bien pourquoi nous étions en guerre. J'ai dit :
“ Contre l'impérialisme.
— Quel impérialisme ?
L'impérialisme juif et américain. ”
... Et qu'est-ce qu'il a fait l'impérialisme juif et américain ? Il nous a chassés du pays de nos ancêtres, etc. etc. Je savais toutes les réponses très bien. Il m'a aussi interrogé sur l'islam, les versets et j’ai tout su. C'est à la fin qu'il m'a dit :
“ Tu aimerais être un combattant de l'islam ? ”
J'ai dit oui. Mais j'ai quand même ajouté que j'avais que onze ans et il a hoché la tête.
“Il faut commencer très jeune, tu seras officier plus vite. ”
Tout s'accélérait d'un coup... J'ai compris que c'était important et ce qui est drôle c'est que j'ai pensé tout de suite à Smahane, parce que je savais déjà qu'il allait falloir partir et que je ne la reverrais peut-être plus avant longtemps et qu'elle allait avoir encore plus peur sans moi... Ahmed est trop petit et trop fou pour la protéger. »


Éditions Magnard Classiques et Contemporains – 191 pages