Les trois premières nouvelles se conjuguent au féminin ; les auteures (Chitra Divakaruni et Anita Nair) nous dessinent, avec sensibilité et justesse, des destins de femmes habitant l’Inde ou les Etats-Unis. Chacune va vivre à travers ces quelques pages, un moment crucial de son existence et le lecteur va partager leurs interrogations et peurs. Quand tradition et modernité s’affrontent.
La dernière nouvelle semble être la réponse du berger aux bergères. En effet Bulbul Sharma met en scène un homme pris entre deux feux, otage de sa mère et de son épouse. C’est un texte drôle et caustique. Vous trouverez également à la fin du livre quelques recettes traditionnelles.
Un joli petit livre.

Voir aussi Un homme meilleur et Quand viennent les cyclones d'Anita Nair

Laurence

Extrait :

Runu aime son bébé encore plus intensément, avec une passion que je ne peux que deviner, une tendresse désespérée. Parce qu'elle, elle a essayé d'être enceinte dès le début de son mariage.
Cinq ans peuvent ne pas sembler beaucoup à des Américains, mais pour des gens comme nous, cela l'est. Des mariages peuvent être brisés au bout de deux ans, et des épouses stériles renvoyées chez leurs parents couvertes de honte. La belle-famille de Runu, bien sûr, n'est pas comme ça. Pourtant, j'ai senti la tension grandir entre les mots de ses lettres, dans les silences de sa conversation. Et de temps à autre, les choses que m'écrivait ma mère me chagri¬aient. La belle-mère de Runu l'avait emmenée à l'autel de Shasthi, déesse de la Maternité. Le prêtre de la famille lui avait demandé de porter une amulette porte-bonheur sur une chaîne de cuivre autour de la taille pour apaiser les planètes en colère. Ils l'avaient emmenée passer un examen médical pour s'assurer qu'il n'y avait pas de « problèmes » avec son organisme.
Le jour où je reçus cette dernière information, j'étais tellement en colère que j'appelai ma mère alors même que je lui avais téléphoné la semaine précédente. Je désirais en fait appeler Runu, mais je craignais que cela ne la mettre en difficulté.
« Est-ce que son mari a subi un examen lui aussi ? » criai-je sur la ligne qui crachotait. Ma mère, qui habituellement a son franc parler, était étrangement silencieuse. Puis elle dit : « C'est ainsi que ça se passe chez nous, Anju. Tu as oublié? »
(L’échographie - Chitra Divakaruni)


Éditions France Loisirs – 173 pages