Tout d’abord Whitley Strieber est revenu aux sources du mythe en choisissant une femme pour revêtir la peau du vampire. Car le vampire, à l’origine, est forcément féminin. Mais je m’égare. Donc, dans les Prédateurs, Myriam Blaylock, fille de Lamia, a traversé l’Histoire et vit depuis quelques siècles avec John Hadley dans la banlieue New-yorkaise. Protégés dans leur villa par un système d’alarme sophistiquée, ils occupent doucement leurs journées (car ces vampires ne craignent pas le soleil) : Myriam prend soin de ses rosiers, dont certaines variétés ont disparu depuis des milliers d’années ; l’après-midi ils jouent de la musique classique avec une jeune voisine ; la nuit ils chassent discrètement. Tout irait pour le mieux, mais John n’est pas un Gardien comme Myriam. Il n’est que son amant. C’est elle qui lui a donné son sang d’immortelle.
Et là encore, l’imagination fertile de Whitley Strieber surprend. Quatre ans après la publication d’ “Entretien avec un Vampire” d’Anne Rice, il donne une nouvelle dimension à l’enfantement du vampire et à la transmission du don. Car John va mal. Depuis quelques temps son organisme se dérègle, et des rides commencent à apparaître. Et l’on comprend alors qu’il n’est pas le premier amant-victime de Myriam. Mais nous sommes au vingtième siècle et la recherche a fait d’énormes progrès. Myriam se met donc en contact avec Sarah Roberts, spécialiste du vieillissement.
C’est un roman haletant. On navigue en permanence entre l’intrigue et les épisodes passés de la longue vie de Myriam. Whitley Strieber a très bien su rendre la sensualité exacerbée qu’exerce le vampire sur son entourage. La version cinématographique de Tony Scott est d’ailleurs à ce niveau très réussie.
Mais vraiment, si vous en avez l’occasion, plongez vous dans ce livre. En effet, si vous vous contentiez du film, vous passeriez à côté de tous ces parallèles entre la mythologie et les progrès scientifiques qui en font un livre si particulier. C’est une histoire qui vous laissera des marques délicieuses.
Pour l’info, Whitley Strieber a publié la suite de ce roman il y a peu.

Laurence

Extrait :

Soudain, d'un seul élan, elle se laissa tomber sur le lit. C'était un haut lit à baldaquin et l'agilité de ce bond était quasiment surnaturelle. Quelque chose dans l'attitude de Miriam gela le rire forcé de John. Elle avait presque l'air d'être en colère quand elle se glissa sous les couvertures.
— Vous ne connaissez rien de l'amour, dit-elle.
Puis elle s'accroupit devant lui, un sourire malicieux aux lèvres.
—Verriez-vous quelque inconvénient à ce que je fasse votre éducation?
—En aucune façon. Je dirais même que vous auriez déjà dû commencer.
Sans préavis, elle prit le visage de John entre ses mains et l'embrassa farouchement. De surprise, il se rétracta car la langue qui s'insérait entre ses dents était rêche et rugueuse comme un balai de bruyère. Comment une bouche humaine pouvait-elle receler pareille langue? C'était horrifiant. John tourna son regard vers la porte.
—Il ne faut pas avoir peur de moi.
Et le rire cristallin de Miriam s'éleva dans la grisaille annonciatrice de l'aube.
John n'était pas superstitieux mais, sur le moment, il eut la vision des campements de bohémiens. Avait-il affaire à une sorcière tzigane venue dans l'intention de mettre la main sur le domaine de Hadley? Elle avait dû surprendre son expression car elle fondit littéralement sur lui, faisant courir ses mains le long de son corps, pressant sa chair contre la sienne, offrant son visage à ses baisers.
Et il l'embrassa. Il l'embrassa comme il n'avait jamais embrassé une autre femme. Il embrassa ses lèvres, ses joues, son cou. Elle lui tendit ses seins, les mains en coupe. C'était la première fois que John connaissait le plaisir de baiser les seins d'une femme et un raz-de-marée de bonheur monta en lui. Oubliées, les bohémiennes!


Éditions Fleuve Noir