C’est un livre riche de détails et de clins d’œil. De la deuxième à la dernière de couverture, mille surprises vous attendent ; à l’intérieur de l’ouvrage, des nouvelles s’invitent sans s’être annoncées dans le sommaire ; certains textes jouent avec la mise en page et perturbent nos habitudes linéaires de lecture (et c’est tant mieux).
Pourtant, après avoir achevé ma lecture, j’ai comme un goût de déception dans la bouche. L’hétérogénéité des textes joue en leur défaveur. On sent un manque de cohérence dans le choix des récits ce qui met en avant leurs défauts individuels. Entre ceux qui privilégient la forme en oubliant la matière et ceux qui tiennent une histoire mais peinent à trouver les mots pour nous la conter, le bilan est plus que mitigé. Sur la quinzaine de textes que contient ce recueil, je n’en retiendrai au final que quatre ou cinq. Voici un extrait de l’un d’eux.
Extrait :
Depuis la nuit des temps, l'Homme, ce roseau pensant, éprouve le besoin de faire connaître à ses congénères le fruit de ses pensées. Ne comptez pas sur moi pour vous raconter en large et en travers comment de la parole on passa à la tablette d'argile, de la tablette d'argile au papyrus, du papyrus au parchemin, du parchemin au papier. D'abord parce que c'est une bien trop longue histoire, ensuite parce que vous pouvez très bien faire l'effort de vous documenter vous-même à ce sujet (si toutefois ça vous intéresse), et enfin parce que je n'en sais fichtrement rien. Toujours est-il qu'un beau jour de 1434 Johannes Gensfleich. (que je ne sais pas pourquoi tout le monde appelle Gutenberg) inventa la presse à imprimer et en 1441 une encre qui permettait l'impression des deux faces du papier. Il comprit bien vite les inconvénients des caractères mobiles en bois tant pour Ia pratique que pour la qualité de l'impression et se consacra à la fabrication de caractères métalliques. Ceci est ce qu'en dit le dictionnaire mais en réalité, on se fout royalement des problèmes de Gutenberg. De toute cette sombre histoire, il n'y a qu'une seule chose à retenir : Le premier titre était né. Du coup, l'homme ce roseau pensant, pouvait avoir l'assurance que ces cogitations traverseraient les siècles sans être reformées par un conteur indélicat, un copiste étourdi ou un salopard quelconque qui ferait exprès de déformer SA pensée.
A l'instar de toutes les espèces, dès lors Le Livre se multiplia. Je ne vous apprendrais rien en vous disant que chez un lecteur le nombre de livres croît d'années en années quand ce n'est de jour en jour. Bien vite la petite étagère des débuts devient trop exiguë et le lecteur doit vite fait se rendre chez Ikéa (ou tout autre fournisseur) pour se procurer moyennant espèces sonnantes et trébuchantes (ou crédit revolving) une bibliothèque de taille raisonnable. Au fur et à mesure que le lecteur vieillit le nombre de livre augmente et je connais certain lecteurs dont l’appartement est littéralement envahi. Comment peut-on en arriver là ? me direz-vous. Eh bien tout simplement parce que le Livre est une drogue dure et que le lecteur sous sa dépendance ne peut plus s’en passer. ( …)”
« Livres ! » de Jean Vilain
Editions Monsieur Toussaint Louverture - 225 pages
Commentaires
mercredi 8 juin 2005 à 14h12
Je voulais juste te souhaiter un bel été! Je coupe Internet aujourd'hui et je reviens dans quelques semaines à cause du déménagement! Au plaisir de te relire bientôt!
mercredi 8 juin 2005 à 17h27
Bon déménagement Allie et à trés bientôt.
lundi 13 juin 2005 à 23h25
Bonjour,
c'est marrant, j'ai fait l'acquisition de cette revue et du précédent numéro il y a très peu de temps sur la Comédie du Livre à Montpellier, j'ai même été prise en photos avec un exemplaire dans les bras.
Je suis assez d'accord avec vous, surtout pour le N°3, mais je dirais plutôt que les textes sont hétéroclites et c'est, je pense, la vocation d'une telle entreprise (micro-micro-entreprise éditoriale) que de proposer de manière plutôt sympathique des textes et des mondes totalement différents les uns des autres (ce n'est pas un recueil qui réponde à un concours de nouvelles).
Je lis pas mal de revues littéraires, parce que je cherche, moi-même, des auteurs pour organiser des évènements avec des voix contemporaines, et la précaution à prendre, le préambule, disons, lorsqu'on pénétre dans une revue, c'est peut être de laisser à la porte, ses habitudes de lecture. Une revue est vraiment un lieu où l'on peut trouver de tout du moment qu'on la prend comme elle vient. Je me surprend à apprécier des textes dans des revues littéraires dont les orientations sont insupportables.
Avec Monsieur Toussaint Louverture, c'est la même chose, se succédent beaucoup de choses, beaucoup de textes d'une grande qualité et surtout d'un grand travail. On peut remarquer que certaines nouvelles sont vraiment construites comme des châteaux forts, d'autres plantées comme des champs de tournesols. Il y a de la patience et de la sueur derrière tout ça, sans doute aussi un peu de ce bon Bordeaux qu'ils gardaient jalousement.
À en croire les notices bio et lorsqu'on met en balance le n°1 et ce dernier n°3, on peut voir de jeunes auteurs dessiner leurs mondes, en poser les bases et les règles de fonctionnement. Ce qui est bien, mais faut-il encore leur accorder le temps de ça, être à l'écoute, les textes sont voisins mais pas en compétition.
Je vois ce que vous voulez dire et je pense que c'est légitime de réclamer une plus grande cohérence, mais d'après eux, qui ont réussit à me vendre leurs 2 numéros, une trop grande cohérence était le défaut de leur premier numéro, avec ce dernier, ils voulaient faire quelque chose de plus prôche de l'esprit "pochette surprise" de leur site. Pour ma part, je pense ça réussit et pour copier coller une phrase glanée à propos de ce numéro, je suis bien passer d'un univers cocasse à un autre, sans les voir s'opposer, ni s'amoindrir. J'ai découvert une ou deux manières de dire les choses que je ne m'attendais pas à trouver, et j'ai pris pas mal de plaisir sur d'autres textes. Il y en a pour tous.
Je voudrais par contre savoir quels sont les textes que vous avez retenu.
Merci beaucoup et désolé pour la longueur de ce post. Vous faites un très bon travail sur ce blog et avez un certain courage. Merci encore.
mardi 14 juin 2005 à 08h06
Bonjour Lucille,
il ne faut surtout pas s'excuser de laisser vos impressions (même si vous les trouvez trop longues). Ce site est fait pour ça et je suis ravie que vous en ayez profité. Je suis bien évidemment d'accord avec vous. Peut-être que mon jugement a été induit par la qualité de l'impression qui nous fait oublier que nous avons en main une revue et non un livre. Je suivrai avec attention les prochaines parutions. Les textes qui m'ont le plus séduits sont : Relocalisationde Philippe Vasset, Solenders de Pierre Cendors, Culte à Paris de Benoît Sabatier, Epeires et Père de Nicolas Rouillé et Livres! de Jean Vilain.
mardi 14 juin 2005 à 21h36
Pour moi, "La jeune femme et le violoncelle" est un petit chef d'œuvre, un petit musée intérieur, très beau, lumineux mais qui ne fontionnerait pas à l'électricité mais à une énergie plus subtile. Ce passage est particuliérement beau, c'est une voix incroyable : "Cette histoire avait été contée une première fois à son père par un souffleur de verre qui tenait son atelier dans quelque troquet au coin du monde. Son père parlait souvent de cet étrange personnage à sa fille. Mais dans les mots de ce père conteur d’histoires, le souffleur de verre se changeait en souffleur de rêves. On venait de loin pour consulter le souffleur de rêves car il avait le pouvoir de ressusciter les rêves échoués au fond des bouteilles vides : par un premier souffle, il brisait la bouteille en mille morceaux, myriades d’infimes particules de verre qui se soulevaient et gravitaient et dansaient comme chaos et constellations ; par un second souffle, il redonnait forme à la bouteille et insufflait de nouveau vie au rêve ; alors on re-capsulait la bouteille afin d’emprisonner le rêve : celui qui désirerait vivre ce rêve le libérerait quand il le souhaiterait."
C'est tout simplement incroyable. Non?
J'ai aussi beaucoup réagi au pastiche de Lovecraft par F. legros et Bordes Dominique. c'est un exercice particulièrement difficile et le tout fonctionne à merveille, j'avoue que je n'avais jamais lu de pastiche de Lovecraft avant, peut être que c'est juste moyen, moi je pense que ça marche.
Il y a "Livres!" effectivement qui est super, ça n'a pas été fait uniquement par Jean Vilain, les animateurs de la revue m'ont dit qu'ils y avaient tous participé, je trouve ça pas mal.
Effectivement, vous avez raison, Solander est une superbe histoire, rien à dire de plus. Si, sur le site de la revue (que j'explore nuit après nuit en ce moment) il y a un court texte en PDf qui en fait fait référence à Solander (oh que je ne suis pas claire ce soir), j'aime beaucoup ça, d'avoir un livre qui se continu hors du livre, comme un jeu de piste.
Merci beaucoup Laurence pour ce petit espace où je peux exprimer ma joie.
à bientôt.
Lucille
mercredi 4 avril 2012 à 13h51
Gutenberg n'est pas célèbre a point qu'on le connaisse mais sur le point qu'il est CELUI que a inventer l'imprimante.C'est une grande découverte pour le Moyen-Age!
mercredi 4 avril 2012 à 13h51