Lhombre et Watteau vont mener deux enquêtes apparemment distinctes :
le premier est confronté à la mort d'un célèbre professeur de pharmacologie retrouvé mort suite à un accident de voiture. Mais les experts sont formels, le professeur était mort d'une balle dans le crâne avant qu'il n'ait son accident. Comment cet homme a-t-il donc pu être au volant de sa voiture à 140km/h sur la rocade de Tourmens?
Le second est intrigué par le décès étrange d'une jeune femme enceinte : le diagnostique, posé par le légiste, annonce une hémorragie interne due à un placenta accreta, autrement dit un développement excessif du placenta qui transperce les parois de l'utérus. Cela ne pourrait être qu'un tragique accident, si il n'y avait pas eu ces 6 dernières semaines 3 autres diagnostiques similaires...

Bien évidemment les deux enquêtes vont se rejoindre. La narration éclatée est tout à fait adaptée à ce genre de récit : nous suivons tous les protagonistes dans leurs différentes découvertes. Le style est fluide, l'histoire bien menée. C'est un véritable pamphlet contre l'industrie pharmaceutique, plus âpre au gain qu'à sa mission de soin. C'est également une attaque en règle des médecins peu scrupuleux, profitant de la souffrance et de l'impatience de certains jeunes couples désirant un enfant. Une mise en garde cependant : je déconseille la lecture de ce roman à toute femme enceinte ou désirant un enfant dans les mois à venir.

Extrait:

— Je comprends très bien votre inquiétude, mademoiselle... madame ?
Le gynécologue regarde Laura avec bienveillance.
— Mademoiselle, je ne suis pas encore mariée.
— Je comprends... Votre médecin a eu tout à fait raison de vous rassurer, cependant, je crois qu'à présent, il faut prendre les choses au sérieux.
— Vous pensez que c'est grave, docteur ?
Laura, dont l'angoisse est brusquement attisée, se redresse sur l'inconfortable fauteuil que lui a désigné le Dr Garches. Elle s'est un peu étonnée de se voir donner rendez-vous à la clinique des Dents-de-Lion, juste à la sortie de Tourmens, alors qu'elle pensait obtenir une consultation au CHU, mais la secrétaire lui a indiqué clairement que la seconde solution l'obligerait à patienter plusieurs mois.
— Évidemment, le Dr Garches prend des honoraires plus élevés à sa consultation privée, a-t-elle précisé, mais être rassurée et soignée, ça n'a pas de prix.
Laura a acquiescé, et la voilà assise dans une pièce plutôt froide, étrangement exiguë, comme si elle avait servi à autre chose avant de devenir un bureau. Garches est un homme d'une quarantaine d'années, à la peau mate, aux cheveux noirs légèrement gominés ; il arbore un sourire protecteur.
— Grave ? Non, bien sûr, mais sérieux.
— Je voulais aussi vous dire...
— C'est inutile, l'interrompt le médecin. Votre histoire ressemble certainement à celle de toutes les patientes qui me sont confiées. Alors, comme le temps presse, je vois que vous avez déjà vingt-sept ans, nous allons faire vite. Ce que vous avez à me dire a certes son importance, mais moins que les éléments proprement médicaux que je dois rassembler pour vous tirer de ce mauvais pas.
Il griffonne de vagues notes sur une fiche au nom de Laura.
— On va vous remettre des ordonnances. L'une d'elles comporte un médicament pour stimuler votre ovulation pendant un mois, et vous faire passer pendant ce délai un certain nombre d'examens : échographie utérine et ovarienne, hystérographie, et bien sûr toute une batterie de tests sanguins qui vont nous permettre de faire exactement le bilan de votre fertilité. Ainsi, la moindre carence sera parfaitement identifiée. Cela va bien entendu être un peu pénible, mais ensuite, nous serons fixés. Vous avez bien fait de venir me voir. La secrétaire va vous donner votre prochain rendez-vous. Surtout, faites bien tous les examens avant de revenir.
Il se lève brusquement et, avec le même sourire bienveillant mais finalement figé, fait le tour du bureau et ouvre la porte.
— Pourriez-vous faire entrer la patiente suivante, Madeleine ?
En sortant du cabinet de consultation, Laura regarde machinalement sa montre. Elle est arrivée à 10 heures. Après s'être présentée à la secrétaire, elle a passé un petit quart d'heure dans la salle d'attente. La consultation, elle, a duré sept minutes. La secrétaire lui tend une facture.
— Vous payez par chèque ou en espèces ?
La note est salée. Quatre fois le prix d'une consultation chez son gynécologue habituel et comme le Dr Garches est en honoraires libres, la plus grande partie ne sera pas remboursée. Mais Laura est résolue à avoir un enfant. Elle a le sentiment que, pour elle et pour Luc, c'est indispensable. S'il faut en payer le prix, pourquoi pas ?
En échange de son chèque, la secrétaire tend à la jeune femme une liasse d'ordonnances. Elle lit la première et, étonnée, demande :
— Le Dr Garches m'a parlé d'un seul médicament. A quoi sert l'autre ?
— Le premier médicament, celui qui permet de stimuler votre ovaire, peut provoquer des nausées et des vomissements. Le second est là pour les empêcher. C'est une précaution, mais si vous vomissez sans arrêt, vous ne prendrez pas le traitement, et on ne pourra pas déclencher votre ovulation...
— Ah, d'accord, répond Laura, rassurée.
Le Dr Garches ne lui a pas fait une impression formidable, mais un médecin qui s'assure que ses traitements sont bien tolérés ne peut pas être un mauvais médecin...”


Editions Pocket - 200 pages