Un vieil homme reçoit dans sa chambre d'hôpital une jeune et gironde journaliste. Cette dernière veut obtenir une interview de lui sur la guerre de 14. Mais notre homme n'est pas prêt à verser dans le consensuel. Il veut bien lui raconter la guerre, mais SA guerre. Celle d'un jeune garçon parti pour connaître la gloire et qui n'a trouvé en chemin que la peur et l'horreur.
Henri-Frédéric Blanc nous raconte la Grande Guerre et la bataille de Verdun, à travers les yeux de cet homme qui a maintenant vieilli et a la lucidité de l'expérience. On alterne souvent entre humour, cynisme, réalisme et tendresse. Dans ce petit livre de moins de 100 pages, tout y passe : la lâcheté, la traîtrise, la joie, l'angoisse, l'insouciance. Pour ceux qui lisent régulièrement, vous n'en ferez qu'une bouchée entre deux rendez-vous. Pour les autres, il peut peut-être vous réconcilier avec les livres.

Du même auteur : Nuit gravement au salut

Extrait

“Ça enregistre, là ? Il fallait le dire, j'aurais mis plus de règlement dans mes phrases ! Quand vous recopierez mes salades, vous y mettrez un peu de style, je compte sur vous. Et puis non, n'y ajoutez rien. Parti comme je suis pour dire des choses qu'il ne faut pas, autant ne pas les dire comme il faut. Bon, je commence ? Alors je commence... Eh oui, je suis le dernier des poilus de la Grande Guerre. Un vieux de la vieille pure laine ! Toujours bon pied bon oeil et curieux de tout (l'indifférence est un préjugé !) mais quand le ministère a révélé ma survivance à la presse, j'ai reçu des volées de coups de téléphone, ça m'a mis martel en tête. Total, me v'là à l'hôpital.
Enfin, la célébrité a du bon. J'ai reçu des chocolats. Puis à mon âge, on peut en profiter pour lâcher le morceau et jeter son bonnet par-dessus les moulins. Seulement, ne vous méprenez pas : ce que je vais vous dire, je ne le dirai pas pour les beaux yeux de la vérité mais pour me nettoyer l'âme et pour emmerder le monde. Vous êtes prévenue.
D'abord, « poilus » c'est déjà un mensonge. Un mensonge pour masquer le jeunocide. On nous appelait « poilus » parce que nous étions trop gamins pour avoir du poil. Vous voyez, on n'a pas attendu aujourd'hui pour se foutre des gens. Notre jeunesse, ils voulaient la dissimuler, faire comme si nous étions des hommes alors que nous étions encore des enfants.”


Editions du Rocher - 85 pages