Cette fois ci, Vera est appelée en urgence à la prison de Fleuris : une détenue s'est enfermée dans une cellule avec une surveillante et le bébé de sa codétenue alors qu'elle était à une semaine de sa libération. Mais quand Véra arrive, la matonne est déjà morte et le nourrisson mal en point. Pourtant, comme souvent, Véra arrive à désamorcer la crise. Et c'est là que les problèmes commencent : l'avocat de la détenue demande à Véra de faire un rapport déclarant Giselle irresponsable au moment des actes. Véra, en bonne professionnelle, décide alors d'enquêter pour comprendre les motivations de cette étrange femme.
Tout d'abord l'intrigue est très bien menée, et l'on est loin de se douter du drame qui se cache derrière cet acte désespéré. Mais, et ce n'est pas pour me déplaire, Véra n'est pas seulement une héroïne de polar : elle continue de vivre en dehors de l'enquête, et ses problèmes familiaux et professionnels viennent se greffer à l'histoire. Les sentiments, à l'instar de la réalité, ne sont jamais simples, et l'on y trouve toute une nuance de gris. Les êtres humains, même les “gentils” sont faillibles. Tout cela contribue au fait que Véra devient un personnage auquel on s'attache rapidement.
En tout cas, voilà un livre commencé hier après-midi et qui m'a tenue en haleine jusqu'à la dernière ligne.

Extrait :

— T'as pas une clope ? demande-t-elle.
Je secoue la tête. Entre les banquettes fixées au mur, le lavabo, le siège des toilettes, le berceau, les photos sur les murs, les boîtes de café, de lait, de sucre, les biberons, les paquets de couches, le tout empilé le long des murs avec un soin méticuleux, il n'y a pas un centimètre carré qui ne soit occupé. Une petite lucarne grillagée, sans vitre, laisse passer l'air.
— Désolée. Je ne fume pas.
— Je m'en grillerais bien une, mais c'est ma codétenue qui a les clopes. Elle a un gosse et elle fume, tu te rends compte ? C'est de la racaille ici, je te dis pas... Moi, quand j'étais enceinte, j'avais arrêté.
Je ne réponds pas, je viens de remarquer qu'elle a passé un nœud coulant autour du cou du bébé qui dort dans son berceau. L'autre extrémité est nouée autour de son poignet. A chaque fois qu'elle bouge, le nœud se resserre. En cas d'attaque de la police, un coup sec et elle l'étrangle à distance en une seconde.
Je pique une suée à cette idée mais ça passe.
Derrière les mèches qui pendent en travers de son visage, de grosses mèches brunes striées de cheveux blancs, elle m'observe attentivement. Ses traits sont durcis par les années de détention, ses pommettes saillantes, ses joues creuses, comme taillées dans la pierre. Tout en elle évoque ces statues de bronze chères aux régimes communistes, tout, sauf ses yeux bruns pailletés d'or. Je comprends pourquoi elle m'a laissée entrer. Elle devait s'ennuyer avec son cadavre.
Je lui demande :
— Il est où, ton gosse ?
— Il est mort. C'est mon père qui l'a tué. Tu le crois, un truc pareil ? Il a tué mon fils et on ne lui a rien fait. Moi, j'ai tué ma collègue et j'ai pris dix ans. C'est toujours les mêmes qui trinquent.
— Et la surveillante ?
Haussement d'épaules.
— Rien. Elle était sympa en fait.”


Editions Pocket - 244 pages