IVème siècle après JC. Saint Antoine, ermite dans le désert égyptien, vient de subir les assauts des septs péchés capitaux lorsque son ancien disciple, Hilarion, vient lui parler. Saint Antoine doit alors faire face au bon sens dévastateur d'Hilarion, lequel tente de lui prouver la vanité de son calvaire... Commence un voyage au coeur des religions gnostiques de l'Egypte, pleine de pratiques monstrueuses, de doctrines hérétiques, d'anciens dieux, de faux prophètes et de monstres mythologiques. Sous l'accumulation, dans son désir de refuser toute mise en cause des principes de l'Eglise, Saint Antoine souffre ! Il ne cédera pas, et la morale chrétienne sera sauve (en apparence).
La Tentation est, pour moi, quelque chose comme une ''divine comédie'' du 19ème. La forme est originale : une fausse pièce de théâtre comportant un nombre impressionant d'acteurs, lesquels jouent tous un petit rôle dans le chemin de croix du pauvre Antoine, et une multitude de décors... Attention, cette riche accumulation traduit si bien la souffrance du saint qu'elle peut être cause de nausées chez le lecteur !
Pas de doute : La Tentation de Saint Antoine a bien été écrite par le caméléon Flaubert, aussi à l'aise dans le réalisme le plus cru (''Madame Bovary'') que dans l'aventure historique (''Salanmbô''). Il nous donne ici une oeuvre spectaculaire, proche de ce qui produira plus tard le mouvement symboliste. On retrouve son soucis du détail et on devine la masse documentaire qui soutient le récit... Remarquable synthèse d'une période fascinante, quand l'Egypte était le creuset des religions, alors que le christianisme s'apprêtait à écraser toute concurrence sous sa botte doctrinale ! Tout prof de français se doit donc de connaitre cette oeuvre hors-norme de la littérature française ;-)

Extrait :

ISIS
Ô Neith, commencement des choses ! Ammon, seigneur de l'éternité, Ptha, démiurge, Thoth son intelligence, dieux de l'Amenthi, triades particulières des Nomes, éperviers dans l'azur, sphinx au bord des temples, ibis debout entre les cornes des boeufs, planètes, constellations, rivages, murmures du vent, reflets de la lumière, apprenez-moi où se trouve Osiris !
Je l'ai cherché par tous les canaux et tous les lacs, -plus loin encore, jusqu'à Byblos la phénicienne. Anubis, les oreilles droites, bondissait autour de moi, jappant, et fouillant de son museau les touffes des tamarins. Merci, bon Cynocéphale, merci !
Elle donne au singe, amicalement, deux ou trois petites claques sur la tête.
Le hideux Typhon au poil roux l'avait tué, mis en pièces ! Nous avons retrouvé tous ses membres. Mais je n'ai pas celui qui me rendait féconde !
Elle pousse des lamentations aiguës.

ANTOINE
est pris de fureur. Il lui jette des cailloux, en l'injuriant.
Impudique ! va-t'en, va-t'en !

HILARION
Respecte-la ! C'était la religion de tes aïeux ! tu as porté ses amulettes dans ton berceau.

Éditions Folio Classique - 343 pages