L'intrigue pourrait se résumer en quelques mots : un journaliste tente d'entrer en contact avec un tueur en série pour comprendre ses motivations. Oui, on pourrait résumer ce livre ainsi, mais ce serait passer à côté de l'essentiel. Jean-Christophe Grangé nous propose ici une plongée dans l'horreur au sens propre comme au sens figuré. Il ne nous raconte pas seulement la traque d'un monstre, mais nous fait voyager dans la tête du tueur. Et ce que l'on y voit est vertigineux, suffocant. L'auteur jongle en permanence entre angoisse et sexualité. Ses personnages sont tous fascinants, surtout la jeune mannequin, ébouriffante par sa rage de vivre.
Pour ne rien gâcher, le style est à la hauteur de l'histoire. L'écriture nous submerge peu à peu et le lecteur part à la dérive. Un très bon polar.

Autres romans de Jean-Christophe Grangé :
L'empire des loups
Le serment des limbes
Miserere
La forêt des Mânes

Laurence

Extrait :

Il tenta de se souvenir encore. Il ne voyait rien qui concernât son hospitalisation. Mais d'autres fragments jaillissaient, d'une manière confuse. Des mots. La «chambre». Les «jalons». Le «chemin»... Il vit les parois de bambou, les traînées de sang. La peur le saisit de nouveau. Un éclair : la femme meurtrie, s'écoulant avec douceur...
Pourquoi avait-il paniqué? Pourquoi avait-il eu tout à coup si peur de sa compagne? Cette perte de contrôle allait lui coûter la vie. Il se souvint que cette incohérence appartenait en réalité au processus. Chaque fois, à la fin de la cérémonie, il déraillait. Mais d'ordinaire, il était seul. Seul dans la Chambre de Pureté – et cet instant d'abandon n'avait aucune conséquence.
Il se concentra encore et remonta la scène. La femme lacérée d'entailles. Sa main, à lui, tenant la flamme. Cette pensée devint si nette, si précise, qu'il se crut de nouveau dans la Chambre... Il eut envie de caresser ce corps ouvert, ruisselant, mais il savait que c'était impossible. La source était taboue.
Pourtant, il s'approcha de sa bien-aimée et contempla ses blessures. Il admira ces rivières sombres qui se répandaient sur la peau hâlée. Il éprouva une tendresse, une reconnaissance sans limites à l'égard de ces sillons qui lui apportaient la paix. Il se pencha. Au point d'entendre le bruissement des plaies. Au point de sentir la chaleur du corps... Il ferma les yeux et sentit, dans sa bouche blessée, le goût cuivré de son propre sang.
Lentement, le sommeil revenait.
Mais c'était cette fois un repos limpide, loin de tout cauchemar.
Il vit une dernière fois la flaque sombre qui se répandait à ses pieds, autour de sa compagne. Il s'y enfonçait lui-même comme dans un oreiller moelleux, bienfaisant, où nichaient ses pensées.
Un sourire s'épanouit sur ses lèvres.
Il n'avait plus peur : il était guéri.


Edition Albien Michel - 512 pages