Parce que je n’ai pas réussi une seule minute à entrer dans cet univers. Voilà bien longtemps que je n’avais pas arrêté un roman en cours de route, mais à la 122è page, rien à faire, je n’avais pas envie de connaître la suite. C’est vrai que le style de l’auteur est déroutant, déconstruisant les structures auxquelles nous sommes habitués, truffant son intrigue de termes navajo incompréhensibles sans le lexique. Mais ce n’est pas cela qui m’a réellement arrêtée dans ma lecture. Non, c’est un ensemble, une histoire qui se déroulait sans moi, dans laquelle je n’ai pas réussi à faire ma place. Peut-être le relirai-je dans quelques années. En tout cas, ce fut, cet été, une rencontre ratée.
Laurence
Extrait:
Il remit l'ours turquoise dans la bourse* à médecine et se redressa avec raideur. Il était quasiment sûr que ce n'était pas le bon chant. Celui-ci s'adressait aux cerfs, pensa-t-il. Il faisait venir les cerfs là où le chasseur pouvait les tuer. Mais peut-être les rats kangourous l'entendraient-ils eux aussi. I1 parcourut le plateau d'un oeil prudent, inspectant d'abord les environs immédiats, puis au-delà, pour finir par les grandes pentes vertes des Monts Lukachukai qui se dressaient à l'est. Puis il s'écarta de l'abri du genévrier rabougri et marcha rapidement en direction du nord-ouest, se déplaçant silencieusement et se cantonnant dans le lit des arroyos* peu profonds lorsque c'était possible. Sa démarche était gracieuse et silencieuse. Soudain, il s'immobilisa. Du coin de l'oeil il avait aperçu un mouvement dans le creux de la Kam Bimghi Valley. Loin en contrebas et à une vingtaine de kilomètres vers l'ouest, un nuage de poussière se détachait tout à coup devant une formation de roches rouges déchiquetées. Ce pouvait être un tourbillon de poussière soulevé par l'un des Garçons Silex Dur occupé à jouer des tours aux Enfants du Vent. Mais il n'y avait pas de vent pour l'instant. La torpeur de fin d'après-midi s'était emparée de l'étendue désertique érodée en dessous de lui. Il devait s'agir d'un camion, pensa-t-il, et le sentiment de peur revint. Il sortit prudemment du wash* derrière un écran de pins pignons et demeura là immobile à examiner le paysage en contre-bas. Loin vers l'ouest, le Porteur-du-Soleil* était descendu dans le ciel et frangeait d'une blancheur éblouissante un front orageux au-dessus de Hoskininie Mesa*. Le plateau sur lequel il se tenait se trouvait dans l'ombre des nuages mais les rayons obliques éclairaient encore l'étendue de la Kam Bimghi. Il n'y avait plus de poussière à proximité des roches rouges et il se demanda si ses yeux lui avaient joué des tours.
Editions Rivage/Noir - 228 pages
Commentaires
mardi 30 août 2005 à 11h44
Pendant des années j'ai lu Tony Hillerman.
Au contraire de toi, je suis immédiatement rentrée dans son univers.
J'ai embarqué dans un monde qui m'était parfaitement inconnu et je me suis laissée porter par ses histoires, son style, son esprit navajo.
Essaie peut-être un autre, juste pour voir. Le personnage récurrent de Leaphorn est attachant.
Je viens de découvrir un jeune auteur d'à peine 40 ans, indien lui aussi(spokane pour être précise). Il s'agit de Sherman Alexie
Surtout novelliste( deux romans à son actif que je n'ai pas lu)
J'ai découvert son recueil intitulé:"La vie aux trousses" et vais me procurer "Phoenix Arizona".
mercredi 31 août 2005 à 18h26
Je vais en effet suivre ton conseil. C'est rare que je bloque à ce point sur un livre. Peut-être n'était-ce pas le bon moment pour le découvrir. J'essaierai avec un autre de ses romans.
vendredi 2 septembre 2005 à 15h34
Pour faire joli on peut mettre le ème de 122éme en exposant. En rédigeant ton article en mode HTML tu encadre avec une balise <sup> comme ceci : 122<sup>ème</sup>
vendredi 2 septembre 2005 à 17h56
Merci Monsieur,
je ne connaissais pas le truc.
jeudi 15 septembre 2005 à 22h45
J'ai lu mon premier Hillerman (en fait j'en ai lu deux en tout !) avec Le Voleur de Temps. Il est vrai que le langage spécifique Navajo est déroutant, mais adepte de la BD Blueberry le contexte ne m'a pas trop perturbé.
Il y a eu un film qui évoque cette ambiance, le héro est Val Kirmer, mais je ne me souviens plus du titre.
dimanche 16 juillet 2006 à 16h37
Salut, j'arrive un peu après la guerre mais j'ai trouvé ce blog par hasard. Je pense que le film dont parle François est "Coeur de tonnerre" avec Val Kilmer, Sam Shepard et le poète activiste amérindien John Trudell (www.johntrudell.com). Le film est inspiré d'une histoire vraie arrivée dans les années 70 (il existe également un documentaire "Incident à Oglala").
Sinon, un livre de Hillerman a été adapté au cinéma. Il s'agit de "Vent sombre", si je ne m'abuse, avec Lou Diamond Philips.
Je viens aussi de découvrir une adaptation BD de "Là où dansent les morts" chez EP éditions (lamartiniere.fr).
Enfin, le livre de Sherman Alexie dont parle Claire, "Phoenix Arizona", a été adapté au cinéma sous le même titre et il est magnifique. De plus, il s'agit du premier film entièrement indien.