Parce que je n’ai pas réussi une seule minute à entrer dans cet univers. Voilà bien longtemps que je n’avais pas arrêté un roman en cours de route, mais à la 122è page, rien à faire, je n’avais pas envie de connaître la suite. C’est vrai que le style de l’auteur est déroutant, déconstruisant les structures auxquelles nous sommes habitués, truffant son intrigue de termes navajo incompréhensibles sans le lexique. Mais ce n’est pas cela qui m’a réellement arrêtée dans ma lecture. Non, c’est un ensemble, une histoire qui se déroulait sans moi, dans laquelle je n’ai pas réussi à faire ma place. Peut-être le relirai-je dans quelques années. En tout cas, ce fut, cet été, une rencontre ratée.

Laurence

Extrait:

Il remit l'ours turquoise dans la bourse* à médecine et se redressa avec raideur. Il était quasiment sûr que ce n'était pas le bon chant. Celui-ci s'adressait aux cerfs, pensa-t-il. Il faisait venir les cerfs là où le chasseur pouvait les tuer. Mais peut-être les rats kangourous l'entendraient-ils eux aussi. I1 parcourut le plateau d'un oeil prudent, inspectant d'abord les environs immédiats, puis au-delà, pour finir par les grandes pentes vertes des Monts Lukachukai qui se dressaient à l'est. Puis il s'écarta de l'abri du genévrier rabougri et marcha rapidement en direction du nord-ouest, se déplaçant silencieusement et se cantonnant dans le lit des arroyos* peu profonds lorsque c'était possible. Sa démarche était gracieuse et silencieuse. Soudain, il s'immobilisa. Du coin de l'oeil il avait aperçu un mouvement dans le creux de la Kam Bimghi Valley. Loin en contrebas et à une vingtaine de kilomètres vers l'ouest, un nuage de poussière se détachait tout à coup devant une formation de roches rouges déchiquetées. Ce pouvait être un tourbillon de poussière soulevé par l'un des Garçons Silex Dur occupé à jouer des tours aux Enfants du Vent. Mais il n'y avait pas de vent pour l'instant. La torpeur de fin d'après-midi s'était emparée de l'étendue désertique érodée en dessous de lui. Il devait s'agir d'un camion, pensa-t-il, et le sentiment de peur revint. Il sortit prudemment du wash* derrière un écran de pins pignons et demeura là immobile à examiner le paysage en contre-bas. Loin vers l'ouest, le Porteur-du-Soleil* était descendu dans le ciel et frangeait d'une blancheur éblouissante un front orageux au-dessus de Hoskininie Mesa*. Le plateau sur lequel il se tenait se trouvait dans l'ombre des nuages mais les rayons obliques éclairaient encore l'étendue de la Kam Bimghi. Il n'y avait plus de poussière à proximité des roches rouges et il se demanda si ses yeux lui avaient joué des tours.


Editions Rivage/Noir - 228 pages