Ce livre nous raconte 24 heures d'un homme réalisant qu'il ne faisait que survivre et qui décide de renouer avec ce qu'il a toujours été : un grand musicien. Mais on ne rompt pas aussi facilement avec son présent.
L'écriture est comme le ressac de la mer ou une bonne vodka : hypnotisante et enivrante. Christian Gailly improvise sur le thème classique de la rupture, mais les envolées de ses mots nous laissent entendre une histoire à la fois déchirante et pleine d'espoir. En nous dévoilant les pensées de chacun des personnages, il nous laisse percevoir la tempête qui se prépare, de plus en plus menaçante au fil des pages.
A lire en écoutant un bon disque de Jazz.

Extrait :

“Il était 22 h 20. Mais l'idée de s'en aller sans avoir touché à ce piano le rendait malade. Il voulait jouer. En même temps se sentait incapable d'imiter son imitateur, de revenir au niveau, tout de suite, maintenant, de ce jeune brillant jazzman. Je suis trop vieux, pensa-t-il.
Dépassé, c'est bien ça. Son fils déjà le dépas¬sait sur bien des plans. Ça n'a rien à voir mais quand même. Dépassé par un jeune qui avait tout assimilé de son jeu et qui maintenant jouait mieux que lui. Mieux, mieux, qu'est-ce que ça veut dire, jouer mieux ? pensa-t-il. Non, il ne s'agit pas de ça.
Simon brûlait de toucher à ce piano pour faire entendre ce qu'un style a d'inimitable. Autrement dit et j'en aurai fini avec Simon et la question du style, il voulait croire qu'après dix ans de silence total il pouvait encore jouer comme personne jamais ne jouera.
La vodka circulait dans son cerveau. La vodka faisait fonctionner son cerveau. Son cerveau fonctionnait comme il n'avait pas fonctionné depuis au moins dix ans. Pas mieux ni plus mal, autrement. Plus librement peut-être. Son coeur aussi battait différemment.
Il soupira, frissonna puis se mit à trembler. Sa décision était prise. Il sut qu'il allait y aller, y toucher à ce piano, s'en emparer. Il était 22 h 30.”

un soir au club
Éditions de Minuit - 174 pages