Hanta travaille dans le vieux papier depuis 35 ans.
Il détruit les livres, que l’on lui amène au fond de sa cave, grâce à sa presse hydraulique, pour en faire des cartons destinés au bûché.
Mais Hanta, ne traite pas ses vieux amis tous de la même façon.
Il laisse ouvert un livre au milieu de son carton, littérature jaillissante, telle une icône de Jésus, nous laissant entrevoir son cœur.
Mais bientôt il ne peut respecter les délais qui lui sont impartis pour la destruction. Il boit, divague, tombe amoureux, toujours seul.
« Je ne suis venu au monde que pour écrire Une trop bruyante solitude »
Ce qui me touche le plus dans ce magnifique ouvrage dont je conseille une fois de plus la lecture, est la destruction de l’art et donc la création d’art.
Hanta sauve des livres, c’est un humanitaire de la littérature et de l’art. Militons tous pour LA SAUVEGARDE DES LIVRES : faîtes parvenir vous aussi votre désaccord à toutes ces maisons d’éditions qui tous les jours envoient une tonne de livres au Pilon!
Je vous propose de lire la préface de Vaclav Jamek, qui en parle mieux que moi...
Par Hélène
L'écriture de Bohumil Hrabal est sans conteste très poétique. Sa vision du labeur de Hanta, au-delà des apparences crasseuses, de la cave où les détritus s'entassent, rend effectivement hommage à ce qui peut naître de la destruction. Il nous parle de la guerre, des Tziganes, de la révolution industrielle, avec cette impression tenace de vivre un rêve éveillé.
Mais comme une personne trop bavarde, dont on n'écoute qu'une phrase sur deux, son soliloque devient vite soporifique. Bercée par le ronron régulier des mots, mon esprit s'est envolé trop souvent loin de Hanta et de sa presse.
Par Laurence
Surprenant que ce petit roman de Bohumil Hrabal, auteur Tchèque disparut en 1997, aussi connu paraît-il que Milan Kundera.
En tout cas encore inconnu pour moi, jusqu’à ce que je lise la présentation de ce roman. Une trop bruyante solitude est une histoire de livres. Alors forcément, ma curiosité a été piquée.
Personnage très atypique, mais pourtant attachant, Hanta est ouvrier dans une usine de recyclage de vieux papiers. Il redonne vie à des ouvrages envoyés au pilon (peintures, textes religieux, Nietzsche…etc) sous la forme de paquets décoratifs, produits de sa bonne presse à papier, son amie depuis plus de trente-cinq ans.
Ce livre est annoncé en quatrième de couverture comme « un majestueux cri de révolte lancé à l’assaut des sociétés totalitaires ». Soit, mais j’ai dû passer à coté de ce point.
Je ne suis pas certaine d’avoir parfaitement tout suivi des propos, de la volonté de l’auteur. Non pas que son style, l’historie ou même le personnage principal ne soient pas intéressants. Loin de là ! Toutes les fabulations ou rêves éveillés d’Hanta m’ont un peu gênée. Cela part dans tous les sens. Imaginez, Hanta continue son travail à sa presse et voit débarquer dans sa cave entre autres et rien de moins que Jésus, Lao Tseu ou Schopenhauer !! Bon, l’ingestion de quantités importantes de bière (par Hanta, bien sûr ) pour soutenir le rythme infernal de travail n’arrange rien.
Peut être aussi que je n’étais pas dans le meilleur état d’esprit pour apprécier ce texte à sa juste valeur. J’avoue. C’est pour cela que je compte bien me racheter avec une seconde lecture. J’espère que je serai plus réceptive. Parce que je sens qu’il y a quelque chose dans ce roman…. Quelque chose de vraiment bien caché. Comme les ouvrages illustres dans les paquets d’Hanta. Dommage !
Par Dédale
Extrait :
“Un après-midi, on m’apporta des abattoirs un plein camion de papiers et de cartons sanguinolents, des caisses bondées de ce papier que je ne pouvais pas souffrir a cause de son odeur douceâtre et puis je détestais être couvert de sang comme un tablier de boucher. Pour me venger, je glissai dans le premier paquet l’Eloge de la folie d’Erasme de Rotterdam, dans le second je déposai pieusement le Don Carlos de Schiller et, pour que le verbe aussi se fasse chair sanglante, je plaçai grand ouvert dans le troisième paquet l’Ecce Homo de Friedrich Nietzsche.”
Bibliographie :
- Moi qui ai servi le roi d’Angleterre (lgf 3151)
- La petite ville ou le temps s’arrêta (point 43)
- Trains étroitement surveillés (folio)
- La chevelure sacrifiée (Imaginaire 476)
- Tendre barbare (lgf 3201)
- Vends maison ou je ne veux plus vivre (point 569)
- Lettres à Doubenka (point 665)
- Les souffrances du vieux Werther (10x18 2790)
- Peurs totales : Cassius dans l’émigration (criterion)
- Les palabreurs (lgf 3198)
- Les millions d’arlequin (point 351)
- Les imposteurs et autres nouvelles (Albin Michel)
- Rencontres et visites (Robert Laffont)
Éditions Robert Laffont- 121 pages
Commentaires
samedi 15 octobre 2005 à 18h20
Bon, ben tu sais ce qu'il te reste à faire... le commander pour une de tes clientes fidèles qui devant ce résumé se trouve par l'odeur alléchée.
dimanche 16 octobre 2005 à 09h52
J'achète.
dimanche 16 octobre 2005 à 10h17
Cette histoire me fait penser à Bradbury et son Fahrenheit 451.
J'achète pour au moins sauver Un livre. Je lui ferai une petite place dans mon Arche. ::))
lundi 17 octobre 2005 à 21h13
Merci à tous
)
C’est un roman que j'offre facilement lorsque je suis en panne d'inspiration
(Laurence devrait peut-être attendre
lundi 24 juillet 2006 à 11h37
A découvrir aussi la très belle version dessinée d'"Une trop bruyante solitude" par Ambre / Tran/ Bergé, éditée aux éditions Six pieds sous terre. Noire et désespérée.
dimanche 20 avril 2008 à 12h13
Grande littérature, grande humilité, la profondeur philosophique dans l'humouret la légèreté. Une gemme.
vendredi 18 novembre 2011 à 16h40
Bonjour,
Je suis toujours extrêmement triste pour ceux ou celles qui n'ont pas été en mesure, ou simplement en condition, d' évaluer la portée universelle d'un texte tel que UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE.
Écrit par un auteur en résidence surveillée en Tchécoslovaquie, dans la période de répression qui a succédé au Printemps de Prague, en 1968, il survit au changement de régime après la Révolution de Velours et la Chute du Rideau de Fer, en 1989, puis au suicide de son créateur, en 1997.
Ce livre, pur joyau littéraire, demeure inaltérable, toujours d'actualité, dans n'importe quel type de société où s'exerce une certaine forme de tyrannie sur la pensée humaine : société totalitariste, société de consommation... Il ne s'agit pas d'un fourre-tout où l'auteur mêlerait de manière indifférenciée Kant, Jésus-Christ, Lao-Tseu, Shopenhauer, Baudelaire et bien d'autres. Il s'agit d'un récit plein d'humanité et d'un soliloque où s'exprime une vision du monde à la fois gourmande, truculente, sensuelle et apocalyptique.
OUI, Bohumil HRABAL est, en tant qu'écrivain majeur de ce siècle, largement aussi respecté que Milan KUNDERA ou Gabriel GARCIA MARQUEZ, dans tous les pays, sauf... la France ! Bien qu'issu d'un autre continent que l'auteur Sud-Américain, il peut lui être comparé pour l'ampleur et le foisonnement parfois délirant de ses fresques verbales - dans l'ouvrage "MOI QUI AI SERVI LE ROI D'ANGLETERRE", en particulier - , l'inspiration et l'écriture baroques, où réalisme populaire et fantastique s'entremêlent - C'est probablement cela qui peut échapper au rationnalisme de certains lecteurs français, que j'engage à relire ses ouvrages, sous une nouvelle perspective.
KUNDERA reconnaît lui-même l'immense talent de son compatriote demeuré, contrairement à lui, par le hasard des choix et des circonstances de la vie, dans son pays natal. Dans un passage de son dernier livre paru, KUNDERA dit même s'être fâché tout rouge face à un "ami" qui reprochait à Bohumil HRABAL son manque d'engagement politique. Or, l'engagement de HRABAL dépasse précisément une conception politique ou une autre. C'est ce qui fait toute sa grandeur, son courage et sa liberté d'esprit. Le regard que cet homme portait sur le monde, sur les gens, des plus illustres aux plus modestes, était d'une intelligence et d'une bienveillance absolues. Il recherchait la beauté dans le détail le plus infime du quotidien, grâce à la richesse d'une langue singulière, inventive, intraduisible et cependant perceptible dans sa ruisselante poésie, la bière qui l'accompagnait n'étant qu'un vecteur de communication avec autrui, parfois un plaisir simple, parfois un remède aux désillusions et aux tragédies de l'existence. Son humour était à la fois grave, subtil, jouissif, ironique sans méchanceté, sa tendresse ineffable, la forme de son langage d'une créativité et d'une originalité sans pareilles. Il recherchait, disait-il, "la perle au fond des choses". Du temps de son vivant, cette quête était loin du "réalisme socialiste" officiellement en vigueur et, après sa disparition, loin des dérives de la littérature médiatique actuelle.
Dans les derniers temps de sa vie, il disait que le monde tel qu'il devenait n'était plus fait pour lui. C'est peut-être ce qui l'a conduit à choisir, librement, de le quitter. Pourtant, bien qu'empreinte de nostalgie, - sa réflexion sur l'impermanence de toutes choses dans "LA PETITE VILLE Où LE TEMPS S'ARRÊTA" est un modèle du genre - l'ensemble de son oeuvre n'est ni sinistre, ni "soporifique", son univers pouvant s'avérer aussi coloré que noir. Personnellement, j'ai rarement autant ri de bon coeur aux écrits de quelqu'un. Je lisais des passages de MOI QUI AI SERVI LE ROI D'ANGLETERRE à mes enfants qui, devenus adultes, s'en souviennent encore aujourd'hui avec jubilation.
C'était un être d'une grande culture et d'une rare simplicité. Il écrivait des chef d'oeuvres sur une vieille machine Underwood à bout de souffle, à l'extrémité de la table de cuisine où son épouse épluchait les légumes. Les tribulations historiques qui ont jalonné son existence l'ont amené à exercer toutes sortes de métiers, - dont celui de son anti-héros, Hanta, qui presse les vieux papiers et "sauve" des livres qu'il choisit pour leur contenu universel, dans UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE - à fréquenter toutes sortes de gens, des plus humbles aux plus représentatifs de l'avant-garde de son temps . Il se sentait - disait-il- comme un arbre animé de milliers de chants d'oiseaux venus trouver refuge en lui. Et il restituait ces chants, de son mieux, parfois même à son insu. C'est pourquoi il prétendait être né pour écrire UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE .
Sur l'une de ses dernières photos, son regard est inoubliable. C'est celui d'un enfant, malicieusement souriant, empli d'une sorte d'enchantement. Et celui d'un vieil homme, à la fois gai, amusé et nostalgique, tout chargé de vies et d'histoires.