Alain Claret a une écriture hypnotisante : elle est poétique, ondoyante, noire... C'est un voyage à l'intérieur des personnages. Il nous livre leurs fantasmes, leurs espoir aussi. La lutte n'est donc pas extérieure, mais intérieure et les mots traduisent bien ce périple fascinant. Il est suffisamment rare que le style soit un personnage à part entière dans les romans policiers, pour le souligner ici.

Pour pouvoir avancer dans leur quête, Craven et Janet vont devoir affronter leurs propres fantômes, leurs propres peurs. Et tout se mêle avec fluidité : leur histoire d'amour naissante, la violence de leur passé respectif, l'angoisse d'un futur incertain... Alain Claret nous transporte dans ce cauchemar à travers l'Europe et l'Amérique; il nous conte les rites indiens, les habitudes des montagnards, la force évocatrice de la peinture et la soif de sensualité qui naît de la terreur. Ses personnages sont attachants, complexes et bouleversants.

Vous résumer plus avant le récit serait une absurdité dont je me garderai bien. Il faut lire Si le Diable m'étreint pour comprendre en quoi ce roman noir est un petit bijou. Mes mots ne feraient qu'affadir cette histoire sombre et menaçante, où la folie n'est jamais loin.
Une lecture dont on ne sort pas indemne et qui laisse un goût de rage de vivre. Je ne connaissais pas cet auteur, mais en tournant la dernière page de ce roman, je savais que ce ne serait pas le dernier livre que je lirai de lui. Depuis, il a publié "L'Ange au visage sale" en 2003 et "Tout terriblement" cette année. Je vous en reparlerai donc très bientôt.

Pour mieux découvrir cet auteur, ne ratez pas l'interview exclusive qu'il a accordée au Biblioblog.

Du même auteur : Clichy section, L'ange au visage sale, Tout terriblement, Que savez-vous des morts? et Paysage sombre avec foudre

Extrait :

"Jason se mit à tousser. L'odeur du marais lui emplissait la bouche. Il émergea du sommeil avec l'impression de sortir de la vase. Il ferma les yeux plus fort et remonta ses genoux contre sa poitrine. Il était dans l'eau boueuse jusqu'à mi-cuisse, le brouillard recouvrait le marais. Il ne savait pas ce qu'il faisait là, il avançait en écartant les joncs. Il cherchait sa barque. Les crapaud-buffles meuglaient autour de lui. Il vit la barque qui dérivait doucement. Il s'approcha avec difficulté, empoigna le plat-bord pour se hisser. Son geste s'arrêta de lui-même, comme si une main l'attrapait par son col et le tirait en arrière; la barque était pleine de sang.
Il se redressa brutalement dans le lit, il toussa une nouvelle fois, froissa les draps à la recherche de Jérémiah. L'odeur du marais s'enfuyait, remplacée peu à peu par celle de la jeune fille. Le cauchemar refluait au fond de lui, comme un animal menaçant qui abandonne la lutte et rentre dans sa tanière. La chambre était claire, les vêtements de Jérémiah pliés sur le dossier de la chaise, la serviette qui la couvrait à l'instant, en boule sur le plancher. Jason sourit et appela la jeune fille."

si le diable m'étreint
Éditions Pocket - 283 pages