Le problème, c'est que contrairement à ce que pourrait nous faire croire le titre, Léonard (le jeune voisin) n'est absolument pas le sujet de ce livre. Il n'est qu'un prétexte, tout comme l'enfant de la narratrice dont elle nous assure qu'elle va nous parler longuement sans jamais vraiment le faire. De quoi parle-t-elle alors? d'elle; de sa capacité ou non à mettre des mots sur les événements; de la façon dont elle va nous raconter l'histoire et pourquoi il faut qu'elle le fasse; de sa culpabilité et des excuses nombreuses qu'elle se trouve pour ne pas assumer ses responsabilités...
J'ai surtout lu le portrait d'une femme lâche et égoïste qui tente, à travers les mots, de se justifier et de se faire pardonner. J'aurais aimer mieux connaître le jeune voisin ou l'enfant, ils avaient l'air d'être des personnages attachants. Malheureusement, la narratrice ne leur accorde que des rôles secondaires.
Il paraît que L'homme d'en face parle de nos vies, de nos blessures silencieuses, des reflets sur la vitre avant l'orage. Je dirais plutôt que Françoise Renaud a pris beaucoup de plaisir à se regarder écrire, et qu'au lieu de nous faire partager une histoire intimiste, elle s'est offert un roman nombriliste.
Extrait :
Chapitre IX
"Je me demande si je vais être capable de poursuivre ce que j'ai entrepris, si je n'ai pas présumé de mes forces. N'ai-je pas dit au début qu'une petite flamme éclairait depuis peu mes recoins piqués d'ombre? Alors voilà, c'est le moment de m'y accrocher, après on verra ce qui se passera.
Pour l'instant je ne ressens rien de la douleur, ni démangeaison ni brûlure. Elle est calme, enterrée. Autant continuer."
Edition Aedis - 167 pages
Commentaires
mardi 6 décembre 2005 à 01h41
Je ne lis pas toujours tes critiques et je ne sais pas pourquoi j'ai lu celle-ci, mais je crois bien que c'est la première fois que je te vois aussi vitriolique. C'est très bien ainsi remarques. J'aime beaucoup l'honnêteté qui se dégage de ton billet.
mardi 6 décembre 2005 à 07h56
Oh, je crois qu'il y a eu quand même quelques livres dans ce cas cette année. De mémoire je pense à "Well", "bille en tête" "neuf histoires..." ou encore "le cercle magique".
vendredi 29 décembre 2006 à 22h02
N'est-ce pas le cas de tous les écrivains? Parler de l'autre, n'est-ce pas parler de soi, et vice versa? En turc et dans les langues agglutinantes en général, on ne dit pas "je suis" mais "vie- il- y- a", en un seul mot. Voilà. Chez Françoise, "vie-il-y-a", et qu'importe le pronom personnel.
Hélène Larrivé
samedi 30 décembre 2006 à 10h42
Bonjour Hélène Larrivé
Oui, bien sûr, chaque écrivain parle de lui à travers ses personnages. Mais il y a un équilibre précaire nécessaire et salutaire. Or dans ce roman, je n'ai pas trouvé cet équilibre. Chez Françoise Renaud, "vie-il-y-a" sans doute, mais justement, le pronom personnel n'est pas de l'ordre du détail. Il y a des présences oppressantes qui gachent le plaisir du lecteur.