Mais "Le voyage" n'est pas un roman. Dans cet ouvrage, Sergio Pitol revient sur ces années de diplomate dans l'Europe de l'Est, au milieu des années 80. Pourtant, ce n'est pas non plus un récit autobiographique ou un carnet de voyage. Je m'explique : "Le voyage" rassemble les notes que Sergio Pitol a écrites à l'occasion d'un voyage en Géorgie où il devait rencontrer des auteurs.
Dans ce journal de bord, on découvre une Russie en proie à l'éclatement, aux changements irréversibles qui la secoueront quelques années plus tard. La perestroïka fait rage. Mais Sergio Pitol analyse cette période avec son regard d'écrivain et non de diplomate. Il nous parle de littérature, de peinture, d'architecture....
De Pouchkine à Aitmatov en passant par Tsvetaïeva, il nous fait découvrir la littérature russe qu'il aime tant. Il nous raconte ses rêves et ses cauchemars, ses difficultés face à l'administration, ses déambulations dans Moscou, Leningrad et Tbilissi.

Très sincèrement, je n'ai jamais vraiment été attirée par ce genre de récit, sachant qu'en plus j'ai une connaissance très pauvre de la littérature d'Europe de l'Est. Malgré tout, j'ai apprécié le style de l'auteur et cela m'a donné envie de lire ses romans.
Il faut également souligné le travail de la maison d'éditions québécoise "Les Allusifs", car le livre en lui même est très beau et agréable à feuilleter. Je remercie donc mes chers élèves de ce joli cadeau, et inscrit Sergio Pitol à ma liste déjà longue d'auteurs à découvrir.

Extrait :

"A Moscou, près du centre. La ville m'impose ses conception urbanistique, son aspect spectaculaire et sa puissance. «Moscou est la troisième Rome et il n'y en aura pas une quatrième», dit un slogan slavophile du XVIème siècle, qui depuis gouverne l'inconscient russe. Quelle merveille que parcourir la rue Gorki en voiture ! À peine arrivé, on sent déjà le changement. On discute du nouveau moment politique, des nouvelles pièces de théâtre, du nouveau cinéma et des nouveaux problèmes que tout le monde doit affronter : le nouveau, le nouveau, le nouveau contre le vieux semble présider au moment actuel. Un peu avant l'atterrissage, Mme A. m'a exprimé la répulsion que lui causent les changement qui affectent le cinéma soviétique. «L'irresponsabilité peut mener au désastre, dit-elle, et ces gens-là ne sont pas prêts pour des changements de ce genre; il faudra qu'ils se forment d'abord, sinon ils vont provoquer des bouleversements. Les Géorgiens sont les pires, les moins fiables. Ils ont fait un virage à cent quatre-vingts degrés, ce qui revient à tourner le dos à leur riche culture traditionnelle; ils la maudiraient, s'ils pouvaient, il l'effaceraient. Leur critique sociale est trop stridente, ridicule, grossière. Il ne va sortir rien de bon de tout cela, vous verrez.»
Je reçus ces marques d'exaspération avec un bonheur absolu."

le voyage
Éditions Les Allusifs - 184 pages