Malgré le fait que nous allons avoir des scènes d'anthropophagie c'est un roman d'amour avant tout et un cri contre le silence face à l'épidémie du SIDA, un cri aussi contre la solitude et ce qu'elle peut engendrer pour la combler.
C'est tout d'abord un anglais, seul, terriblement seul ! Et qui, pour combler cette solitude, racole dans Londres à la recherche de jeunes junkies qui accepteront de passer la nuit avec lui contre un peu d'argent, de drogue et/ou d'alcool. Mais à chaque fois ils repartent ... Alors, pour les garder près de lui il les tue et les cajole et leur fait l'amour tant que la nature le permet. Après vingt-trois meurtres il se fait arrêter et est bien sûr condamné à perpétuité. C'est en prison qu'il apprend sa séropositivité, cela ne le surprend pas plus que ça, il s'en doutait étant donné que ses "amis" étaient tous junkies et qu'il n'a jamais pris aucune précaution avec eux.
De l'autre coté de l'Atlantique, Jay est lui aussi attiré par les jeunes hommes. Ils les aiment mais surtout en sauce ! Lui aussi choisit ses mets parmi les plus paumés qui traînent dans le Carré, quartier à forte tendance homosexuelle où donc les moeurs sont très libres. Il dépèce ses victimes, garde les meilleurs morceaux, les prépare et les déguste. Les restes disparaissent dans les produits fortement toxiques de l'usine de son père ou dans le bayou où les crocodiles l'aident à faire disparaître les corps, ou plutôt ce qu'il en reste.
Ces deux hommes n'auraient jamais dû se rencontrer et pourtant l'impossible va se réaliser et ils vont s'aimer car ils sont pareils. Aucun des deux n'avaient fait l'amour avec un être vivant ou survivant à l'acte et ensemble ils vont découvrir la vie à deux, le partage, l'amour et la confiance en l'autre. Ensemble ils vont continuer à tuer et à assouvir leur faim de chair fraîche.
En parallèle il y a Tran, Tran qui aime Luke, il l'a dans la peau. Luke aussi l'aime. Mais Luke a le SIDA, et dans sa folie, voulait aussi partager sa maladie avec l'homme qu'il aime. Mais Tran est jeune, à peine 20 ans et il veut vivre ! Vivre et ne se sent pas la force de vivre, la maladie de Luke, ni de l'intérieur, ni de l'extérieur.
Ce roman peut paraître choquant, repoussant mais c'est avant tout un cri pour ouvrir les yeux des bien pensants face au SIDA, un cri pour dire que les homosexuels ne sont pas forcement des pervers mais qu'ils ressentent aussi de l'amour. On ne ressort pas indemne de ce roman : il y a les haut-le-coeur durant certaines scènes où l'anatomie la plus intime est révélée, d'autres où vos poils vont se hérisser face à l'anthropophagie, mais il y a aussi beaucoup d'amour face à la misère morale de Luke. Sa rage est communicative, une envie de hurler au monde toute la colère que le SIDA peut engendrer ! Poppy Z. Brite est violente mais nous montre ce qu'est la vie de la fin du XXème siècle !
Je ne saurais que trop vous conseiller ce roman ! Mais soyez prêts à ouvrir les yeux une fois fini, les ouvrir bien grand pour voir la vie telle qu'elle est !
Par Arsenik_
Extrait :
"Il attaqua ce qui avait été la taille et laboura la chair de son couteau, encore et encore, jusqu'à ce que les deux moitiés du corps ne soient jointes que par la seule épine dorsale. Une nouvelle fois, il inséra la pointe de son couteau entre deux vertèbres, fit levier et tira. Le garçon se sépara de lui-même avec une grande facilité, perdant encore quelques fluides mais en quantité infime. Jay avait bien travaillé.
Il se retrouva la tête sur les genoux de Soren, qui lui caressait doucement les cheveux de la main délicate. C'était si bon d'être ainsi touché avec tendresse, sans arrière-pensées, que les yeux de Tran s'emplirent de larmes. Il se rappela la crise qu'il avait eue chez Jay. Vaguement humilié, il refoula ses sanglots."
Éditions J'ai lu - 280 pages
Commentaires
vendredi 17 février 2006 à 18h24
J'avais adoré ce roman de Poppy Z. Brite.
Et ce que j'avais le plus adoré, c'est quand j'ai découvert sur une quatrième de couv au hasard de mes déambulations en librairie, la petite bouille toute ronde avec les cheveux coupés au bol comme une petite fille sage de la miss Poppy. Contraste détonnant entre son air sage et les trucs hallucinants qu'elle écrit.
Ses autres bouquins, plus branchés fantastique, sont très sympas aussi.
lundi 20 février 2006 à 20h49
c'est vrai qu'elle a une bouille sympa et completement a l'opposé de ce qu'elle peut ecrire ! Comme quoi l'habit ne fait pas le moine
mardi 3 octobre 2006 à 21h20
g lu ce livre et c dommage de n'avoir que mentionné l'antropohagie des caraibes
mardi 20 février 2007 à 21h18
Il est super ce livre ! J'adore le personnage de Jay ! Mais les autres livres de Poppy sont biens aussi ! je suis en train de lire Lost souls et il est génial aussi !
samedi 21 avril 2007 à 00h35
Livre plus que magnifique, cru, certes, mais tellement réaliste...
Poppy Z. Brite décrit tous ces actes intimes (sexe,assassinat) d'une manière qui n'a, je trouve, rien de choquant et donne juste assez de détails pour nous imaginer la scène en y rajoutant un peu du notre.
Parce que la société gay, il y a quelques années, c'était le SIDA et la répulsion des autres.
A lire absolument.
mardi 13 novembre 2007 à 21h08
Lu.
Oscillation entre admiration et dégout.
Ambivalence qui me laisse penser que cet ouvrage est réussi.
A ne pas mettre entre toutes les mains, ames sensibles et étroites...
vendredi 25 janvier 2008 à 20h15
"Poppy Z. Brite est violent " --> poppy Z Brite est une femme .
vendredi 25 janvier 2008 à 20h23
Merci pour ton œil attentif Ivy Alice, je corrige de suite.
lundi 28 juillet 2008 à 23h19
Roman excellent, beaucoup de plaisir à le lire!
J'adore l'opposition entre la bouille de Poppy Z-Brite et ces roman plutot... trash!