Une chaise qui craque, des visions étranges, des cauchemars récurrents, tel est le quotidien de John jusqu'à ce qu'il découvre un authentique Stradivarius dissimulé dans une paroie de son appartement.
Mais cette découverte, comme une boîte de Pandore, lui apportera plus de tourments que de réconforts.
Pour nous raconter cette étrange histoire, Faulkner décide de faire parler la soeur de John, Sofia Maltravers. Une vingtaine d'années après les événements, elle écrit à son neveu pour qu'il apprenne d'elle "la vérité plutôt que d'écouter les versions déformées de ceux qui n'aimaient pas (John) comme (elle) l'aimait"

En parcourant les premières pages, j'ai d'abord pensé au Protrait de Dorian Gray : ces objets maléfiques qui nous modifient jusqu'au plus profond de notre être.
Et c'est vrai qu'il y a beaucoup de ça. Mais Falkner prend un chemin radicalement opposé à celui d'Oscar Wilde. Ici, le fantastique et l'irréel sont à peine suggérés, et souvent minimisés. Ce qui fait matière, c'est le processus de déchéance et les voies qui mènent à la folie. Comment un homme que tout destinait à la réussite, va changer radicalement de comportement, au point que sa femme et sa soeur ne le reconnaîtront plus.
Bien sûr, le style est un peu ampoulé, mais puisque la narratrice est une vieille fille britannique de la fin du dix-neuvième siècle, cela paraît somme toute adéquat. J'ai même trouvé que cela ajoutait du charme au récit. Malgré tout, j'ai pu noter quelques longueurs, quelques disgressions, qui ralentissaient le rythme de la lecture et affaiblissaient l'intrigue.
Une lecture agréable

Extrait :

La gaillarde commençait par un air vif et hardi, et, alors qu'il attaquait les premières mesures, il entendit craquer le fauteuil en rotin. Le bruit lui était parfaitement familier : c'était celui que fait quelqu'un qui pose ses mains sur les accoudoirs du fauteuil avant de s'y asseoir doucement. À part les notes qui s'échappaient du violon, tout n'était que silence, et le craquement n'en fut que plus audible. L'illusion était si complète que mon frère s'arrêta de jouer et se retourna, s'attendant à voir un de ses amis qui, attiré par le son du violon, se serait glissé dans la pièce, ou même Mr Gaskell qui serait revenu sur ses pas. La musique s'étant tue, il régnait un silence absolu; l'unique bougie n'éclairait guère les coins les plus sombres de la pièce, mais elle tombait droit sur le fauteuil en rotin et montrait qu'il était bien vide. Mi-étonné, mi-vexé d'avoir cessé sans raison de jouer, mon frère reprit la gaillarde; mais obéissant à une impulsion soudaine, il alluma les bougies des candélabres, ce qui procura un éclairage plus digne de l'occasion. Après avoir interprété la gaillarde et le dernier mouvement, un menuet, John ferma le livre avec l'intention, comme il se faisait tard, d'aller se coucher. Alors qu'il rabattait les pages, un craquement provenant du fauteuil en rotin attira de nouveau son attention, et il perçut distinctement le bruit que fait une personne quand elle quitte son siège. Moins surpris, cette fois, il put réfléchir plus à loisir aux causes possibles de ce phénomène et il en arriva facilement à la conclusion que dans le fauteuil, des fibres de rotin devaient petre sensibles à certaines notes du violon, tout comme dans les églises des vitraux vibrent à certaines notes de l'orgue. Mais, alors que sa raison se satisfaisait de cet argument, son imagination n'était qu'à moitié convaincu.

le stradivarius perdu
Éditions Rivages Poche - 157 pages