C'est lorsque son majordome et ami se fait assassiner que Kai Wren sort de sa torpeur et commence ouvrir les yeux sur les luttes intestines qui n'ont jamais cessées entre dieux et démons. A qui profite le crime ? Puisqu’il se fait mener de fausses pistes en fausses pistes, et piéger plus qu’à son goût, il mènera seul l'enquête allant jusqu'au plus extrême dénuement pour tenter d'arrêter la guerre qui se prépare.

Ce que l'on adore, c'est l'univers construit par Zelazny. Des Etats-Unis à la Chine, à travers une multitude de plans (il reprend vaguement l'idée de l'univers d'Ambre) dont la Terre fait partie, il nous promène dans des décors tantôt magnifiques tantôt farfelus (vous y découvrirez d'hilarantes histoires de chaussettes ;) )
Outre l'univers, on ressent, encore une fois, non plus chez Corwin mais chez Kai Wren, un être qui au contact de la Terre est devenu profondément humain, très sympathique soucieux de ses proches et prêt à tout pour eux.
Enfin, quelques ajouts particulièrement bien trouvés donnent à l'univers toute sa consistance et sa cohérence, on appréciera les cours de cerf-volants, les chiens fu, les centaures ou les pouvoirs du verre soufflé.

L'œuvre a été écrite à quatre mains avec Jane Lindskold sa dernière compagne, une fan avec qui il avait entretenu une importante correspondance. C'est elle qui a terminé le livre après sa mort en 1995, et il a été publié en 1999.

Ce que j'ai adoré, c'est la légèreté du ton, la simplicité avec laquelle il décrit un univers nouveau et complexe, sans jamais nous perdre dans pléthore d'expression ou de légendes propres au monde. On se sent très vite chez soi dans ce monde attachant, et on apprécie beaucoup ce livre qui a le petit goût d'un reflet du cycle des princes d'Ambre, avec de l'espièglerie en bonus.

Tubuai

Extraits :

"Je quittais l’atelier où je souffle le verre et déambulai en admirant mes tableaux et ma collection de tapis. J’aurais pu faire cela éternellement. Ma bouteille personnelle – puisque c’est ce dont il s’agit – est un univers à elle seule, avec un intérieur discontinu par rapport à l’espace temps humain. Toutes les bouteilles dont j’ai parlé contiennent leurs propres mondes. On pourrait les remplis d’eau et y mettre des fleurs sans qu’un seul de ceux-ci n’en soit perturbé ou s’y promener, si on parvenait à y entrer, sans se mouiller les pieds."

"L’automne arriva et je préparai un bagage que je glissai dans l’espace parallèle. Viss et Tuvoune avaient réussi à me convaincre : je me rendais avec eux au Grand Conventicule, dans les montagnes réelles et fantomatiques de la Chine septentrionale. Le voyage fut aisé, à part le labyrinthe de tunnels situé à l’entrée – et encore !… ils finissaient par être drôles car nous les connaissions par cœur. Alors que nous progressions, je sentis qu’on glissait un petit objet dans la poche de ma veste. Curieux, j’y introduisis ma main et demandai à Viss qui se tenait à côté : « Qu’est-ce que c’est ?
– A moins de te trouver dans une situation désespérée, ne le sors jamais, sinon tu aurais de gros ennuis. C’est un porte-bonheur. Tu me le promets ?
– Oui. Je me sens comme un chevalier emportant la faveur d’une gente dame !
– En quelque sorte. »
Nous entrâmes dans le palais, en dessous des montagnes. Je croisais plusieurs congrégations de mes pairs dans les jardins et les allées. J’entendis murmurer à trois reprises : l’Exterminateur des dieux !
« J’avais oublié, dis-je, et j’espérai qu’ils l’avaient oublié aussi !
– Tu sais, c’est quelque chose qui ne s’oublie pas facilement me dit Tuvoune. Tout le monde aimerait faire partie d’une ou deux légendes !"

lord demon
Éditions Folio SF - 426 pages