Luc est le narrateur de sa propre histoire. Avec son frère et sa soeur, il évolue au milieu des blessures d'adultes : une mère qui a peur d'être seule, un beau-père violent, une grand-mère qui a survécu aux camps nazis...
Luc grandit et ses préoccupations changent : au départ concentré sur ses résultats scolaires et son univers féerique, il connaîtra les premiers émois, les envies de liberté, mais aussi les coups du sort, terribles et inéluctables...
Un récit tout en douceur dans lequel l'auto-dérision n'est jamais loin. Comme l'existence, la narration navigue entre la langueur du temps qui passe et les émotions intenses que le destin nous réserve parfois. À chaque fois, Jean-Luc Payen a le mot juste, tant pour évoquer les moments de détail que pour relater les épisodes tragiques. J'ai trouvé beaucoup de charme à ce voyage initiatique plein de poésie et d'amour. On ne devient pas adulte sans mal, et le lecteur se prend d'affection pour le petit Luc devenu grand. En refermant le livre, on a la sensation d'avoir évolué avec lui.
Extrait :
Je la regardais boire. La pulpe d'orange lui faisait comme une petite moustache au-dessus des lèvres. Ces cheveux qu'elle avait... Incroyables ! Longs, brillants, une vraie forêt. Et ses yeux, le teint de sa peau lisse comme du verre. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Mais on était amis, après tout. Je me suis penché vers elle et, direct, j'ai embrassée ses lèvres imbibées de jus d'orange. Elles étaient fraîches, sucrées, un régal. Puis je me suis rassis sur le tabouret de cuisine, une grenade dégoupillée à la place du coeur. Elle me fixait, les yeux écarquillés, noir noirs. Elle a levé une main et s'est essuyé les lèvres. Je me demandais ce qu'elle allait faire. Puis elle s'est mise à rire en secouant ses cheveux dans tous les sens. J'ai ri aussi, un peu, juste pour suivre. Je contemplais une vague qui s'écrase sur le sable de la plage. Puis elle s'est levée. Déjà, elle me serrait dans ses bras. Je sentais ses côtes, ses biceps. Elle riait et me berçait. J'avais le nez dans son cou et je sentais cette odeur de lait. Ses cheveux me rentraient dans les narines et me chatouillaient. Je me demandais pourquoi l'odeur de savon avait disparu. Je serai bien resté comme ça encore un moment, mais elle s'est écartée brusquement.
- J'étais sûre que tu n'oserai jamais m'embrasser, elle a dit.
- Je savais pas que je le ferais.
On souriait tous les deux comme des idiots. Puis elle a fait demi-tour et s'est dirigé vers la baie vitrée.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant? elle a demandé.
J'hésitais. J'avais envie de lui demander si elle voulait venir jouer dans ma chambre. J'avais tous ces indiens, ces cow-boys en plastique, un château-fort tout gris avec un pont-levis. Non, vraiment, je pouvais pas. Je pouvais pas proposer ça à une fille.
Éditions Joëlle Losfeld - 300 pages
Commentaires
samedi 15 juillet 2006 à 13h25
Vous m'avez donnez l'envie de le lire.
samedi 15 juillet 2006 à 19h28
Bonjour Edi,

bienvenu ici, et tant mieux si je vous ai donné le goût de ce roman.
A très bientôt.
mardi 16 juin 2009 à 22h12
Je relis "Un moment d'absence". C'est tellement bien décrit et écrit. J'avais oublié.