Tel le démurge, il refaçonne le corps de celui qu'il appellera désormais Adam-Bis. Il en fait sa chose, lui interdit de parler ou même de penser. Adam, qui était sur le point de se suicider avant sa rencontre avec l'artiste, lui est d'abord extrêmement reconnaissant de la nouvelle vie qu'il lui a créée.
Mais bien vite, Adam s'aperçoit qu'en acceptant ce marché, il a signé un pacte avec le Diable et non Dieu.
Car qu'est-ce qu'une oeuvre d'art sinon un objet, une chose déshumanisée, sans volonté ni désir autre que ceux de son créateur?

Je continue ma plongée dans les oeuvres d'Éric Emmanuel Schmitt, et je reste ébahie devant la diversité des récits qu'il propose.
Ce récit à l'humour aigre et violent est une satire du milieu de l'art post-moderne et de la dictature de l'apparence. Les personnages de Fiona et Carlos Hannibal, seuls être réellement sensibles dans cette tourmente, sont une bouffée d'espoir à laquelle Adam-Bis veut se raccroché autant que nous. Mais réussiront-ils à prouver au monde qu'Adam est un homme?
Une fois de plus, je me suis laissée emporter par l'art de conter d'Éric Emmanuel Schmitt.

Du même auteur :La part de l'autre, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame en rose, L'enfant de Noé, La nuit de Valognes, Le visiteur, Le baillon et L'école du diable, Odette Toulemonde, La rêveuse d'Ostende et L'évangile selon Pilate

Extrait :

- Est-ce que tu te rends compte que tout va être différent désormais?
- Je l'espère.
- Que tu te remets entièrement entre mes mains?
- Oui.
- Que tu deviens, à jamais, dépendant de moi?
- Oui.
- Que tu cherches le sens de ton existence dans mon esprit, mon seul esprit?
- Oui.
- Que tu deviens en quelque sorte ma propriété?
- Oui.
- Pourrais-tu me l'écrire?
Je me retrouvais plaqué sur le bureau, un style entre les doigts, Zeus-Peter Lama dans mon dos qui guidait mon bras et me soufflait le texte.
- Pourquoi voulez-vous que j'écrive?
- Le papier a plus de mémoire que les hommes. Je crains qu'ensuite, dans l'euphorie, tu n'oublies ce que tu viens de me dire.
Je griffonnai les quelques phrases avec lenteur.
- Comme je dois signer? Je ne peux pas utiliser mon nom puisque je suis officiellement mort.
- Tu n'as qu'à signer MOI.
Je m'exécutai et lui rendis ma copie. Il la relut à voix haute :
- "Je me donne entièrement à Zeus-Peter Lama qui fera de moi ce qu'il désire. Sa volonté se substitue à la mienne en ce qui me concerne. Avec toute la force et la volonté qui me restent, je décide librement de devenir sa complète propriété. MOI."
Après avoir caressé le billet comme s'il se fut agi d'un animal vivant, il le glissa dans une poche et me fixa tel un python qui hypnotise sa proie.
- Je vois une chose magnifique pour toi...
- Quoi donc?
- Ton destin

couverture du livre
Éditions Albin Michel - 289 pages