Hongdou était un garçon différent : plus sensible, moins viril que ses camarades. Les jeux de combats de l'intéressait pas; il préférait s'exprimer à travers les notes languissantes de son erhu.
Mais un jour, Hongdou a été enrôlé et envoyé sur le front du conflit sino-vietnamien. C'est ce jour-là que la vie de Hongdou a dérapé.

Après deux tentatives infructueuses dans la littératures chinoises, je m'étais promis de réitérer l'expérience avec un récit écrit par une femme. Pourtant, c'est le roman de Bi Feiyu, romancier connu et reconnu dans son pays, qui a attiré m!on regard lors de ma dernière expédition à la bibliothèque municipale. Le titre y est sûrement pour beaucoup.
Et cette fois-ci, j'ai été littéralement charmée : dans ce texte résolument anti-militariste, Bi Feiyu prône le droit à la différence avec une douceur et une tendresse particulièrement émouvantes. C'est aussi un témoignage sans faille de ce qu'est l'amitié : par delà le poids des traditions, chaque parole du narrateur, meilleur ami de Hongdou, est empreinte de respect, d'acceptation et d'amour.
Un récit très touchant qui m'a réconciliée avec la littérature asiatique.

Extrait :

Pendant qu'il me relatait ces détails, Hongdou était d'un calme un peu effrayant. Il dit : ensuite ma mère est sortie et m'a pris par la main, elle n'avait plus de souffle puis elle m'a parlé, mais je n'ai pas encore compris le sens de ses paroles, bien que ça fasse plusieurs jours; elle m'a dit "Mon petit Dou, quand je te vois là devant moi bien vivant, c'est comme si on me perçait le coeur avec un couteau, j'ai encore plus mal pour toi que quand je t'ai laissé partir." Puis il se tut. Il avait les yeux rivés sur la pointe de ses chaussures. "Qu'est-ce qu'elle voulait dire? Elle avait l'air de regretter que je ne sois pas mort." Hongdou avait levé sur moi un regard perdu. Sa question m'oppressait, je n'arrivait pas à lui donner d'explication. Il y a des choses qui relèvent de deux mondes aussi diamétralement opposés que la vie et la mort, et que rien ne peut faire communiquer.
Hongdou n'a pas évoqué son père, j'ai remarqué qu'il évitait même à dessein de parler de lui. Il n'a pas donné d'explication. Je ne lui ai pas posé de questions.

De la barbe a papa un jour de pluie
Éditions Actes Sud - 121 pages