Sous la touffeur du climat et le poids du ciel, Carlo découvre des villages où règne la loi du silence. Le médecin communal vient de se suicider, le médecin chef provincial est mort dans un accident étrange et le curé s'est curieusement absenté au moment de l'inspection.
Carlo essaie donc de faire parler les villageois pour comprendre pourquoi 40 enfants sont décédés des suites de "fièvre", et ce sans passer par l'hôpital comme le veut la loi antipaludique de 1923.

Eraldo Baldini, originaire de cette région, peint une Italie moite et étouffante, où les superstitions sont plus vivaces que les progrès de la science. En arrière plan, les squadras de Mussolini imposent leur diktat sèment la peur dans les campagnes.

Une écriture efficace et saisissante pour un intrigue au mystère aussi épais que les brouillards qui recouvrent les rizières. À ne pas lire toute fois si vous dormez dans une région envahie par les moustiques, au risque de ne plus fermer l'oeil de la nuit.

Du même auteur : Le tueur

Laurence

Extrait :

À mesure qu'ils avançaient vers le nord, les champs s'élargissaient et les arbres devenaient de plus en plus rares, disparaissaient presque. Puis la route avait rencontré les marais; ici était en cours le lente bonification, qui, justement au moyen de l'eau, visait à arracher aux eaux les terres. Une rivière, le Lamone, avait été privée de ses levées, et maintenant elle s'étendait, s'étalait et alimentait de vastes compartiments inondés, délimités par des digues basses et envahis de plantes et de roseaux, pour constituer le grand territoire colmaté qui, recueillant les alluvions et la terre apportées par le courant, sécherait tout doucement, transformant en champs fertiles ce qui avait été pendant des millénaires une contrée malsaine, royaume des moustiques et du silence.
Enfin étaient apparues les rizières. Le paysage était devenu irréel : l'eau partout, même là où l'in ne la voyait pas, cachée par la végétation qui y poussait.
Spinaro s'annonça par de petites habitations basses, sans étage, flanquées de pitoyables semblants de potager, avec des enfants qui sortaient dans les cours pour regarder passer l'auto. Puis, sur un côté de la route, les maisons s'unirent les unes aux autres pour former un long bourg; les murs mal crépis, les fenêtres toutes petites aux volets écaillés et les toits de vieilles tuiles cassées donnaient une impression immédiate de misère ou d'abandon. De l'autre côté de la rue, un canal à l'eau verte qui semblait profonde et figée. Au centre du village s'ouvrit une esplanade de terre où se dessinait l'ombre de l'église, seule construction capable de s'élever au-dessus des autres en ce lieu qui paraissait écrasé par un ciel opaque et immense.

Malaria
Éditions Le Point - 172 pages