Tel est le fil conducteur des vingt nouvelles qui composent ce recueil. Chaque récit représente donc un des motifs ancrés sur la peau de cet être étrange.
On retrouve dans ces histoires, les thèmes cher à Ray Bradbury : le futur, l'espace, le présent, la course au progrès, le passé, les méfaits de l'évolution humaine etc...
Certaines nouvelles ont particulièrement résonné chez la femme du vingt-et-unième siècle que je suis :
Dans "Comme on se retrouve", la planète Mars est le négatif de l'Amérique des années 50 : elle est peuplée de noirs-américains qui s'y sont exilés depuis une vingtaine d'années. Mais un jour, l'homme blanc, qui n'est plus qu'une légende pour les enfants agités, atterrit sur le sol.
Sur la planète Vénus, "La pluie" incessante est le pire cauchemar des hommes de l'espace. Une vraie torture chinoise.
"L'homme de l'espace" pourrait être "l'homme du travail", continuellement partagé entre son foyer et son devoir.
Et si c'était "La nuit dernière", l'ultime et que nous le sachions? Quelles seraient nos réactions?
Et si Mars accueillait en son sein, les auteurs "Bannis" et oubliés des hommes du futur? Une planète où se croiseraient Poe, Sheakespear, Carols et Lovecraft?
Il y a aussi ce couple, échappé de 2115 en 1938, qui se retrouve rattrapé par leur "futur" dans "Le renard et la forêt".
Ou cet homme, prêt à tout pour offrir à sa famille un voyage en "Fusée".
etc...

Des histoires, d'un futur plus ou moins lointain, qui nous parlent avec poésie et frissons de notre présent.
Un seul regret toutefois : que la nouvelle de "L'homme illustré", fil conducteur de ce recueil, soit si peu étoffée. Elle ne se résume finalement qu'à une parenthèse (un prologue et une postface) alors qu'elle aurait mérité, à mon sens, un traitement équivalent aux autres récits.

Du même auteur : Fahrenheit 451

Laurence

Extrait :

La cellule est nette et propre. Sans livres, Ettil était nerveux. Il saisit les barreaux et regarda les fusées qui filaient dans le ciel nocturne. Les étoiles étaient froides et innombrables, elles semblaient se disperser chaque fois qu'une fusée s'élançait vers elles.
- Fous, murmura Ettil, fous!
La porte s'ouvrit. Un homme entra avec une sorte de véhicule qui contenait des livres, une très grande quantité de livres. Derrière lui venait l'Assignateur militaire.
- Ettil Vrye, nous voulons savoir pourquoi vous aviez en votre possession illicite ces livres de la Terre. Voici des exemplaires d'Histoires extraordinaires, et de Récits scientifiques, de Contes fantastiques. Veuillez vous expliquez.
Il saisit le poignet d'Ettil.
Celui-ci se libéra d'un geste. "Si vous voulez me fusiller, faites-le. Cette littérature de la Terre est précisément la raison pour laquelle je ne vais pas tenter de l'envahir. C'est la raison pour laquelle votre invasion sera un échec.
- Et comment cela?" L'Assignateur sourit et se tourna vers les journaux.
- Prenez un numéro, dit Ettil. N'importe lequel. Dans neuf nouvelles sur dix publiées entre les années 30 et 50, d'après le calendrier terrien, chaque invasion par les troupes de Mars réussit.
- Ah ! l'Assignateur hocha la tête avec satisfaction.
- Et puis elle échoue.
- Posséder de tels écrits est une trahison.
- A votre aise. Mais laissez-moi en tirer quelques conclusions. Invariablement, chaque invasion échoue à cause d'un jeune homme, généralement mince, généralement d'origine Irlandaise, généralement seul, appelé Mick ou Rick ou Jick ou Bannon, qui anéantit les Martiens.
- Vous ne pouvez pas croire cela!
- Non, je ne crois pas que les Terriens soient effectivement capables de cela; non. Mais ils ont toute une tradition, comprenez-vous, Assignateur, des générations d'enfants qui lisent ces contes et les assimilent. Ils ne lisent que des histoires d'invasion repoussées. Pouvez-vous en dire autant de la littérature martienne?

couverture
Éditions Denoël Présence du Futur - 253 pages