Les deux fillettes partagent 7 caractères sur 8 : soit le jour et l'année de naissance, le nombre de frères et soeurs, leur rang dans la famille, la taille et la beauté, le début de leur bandage etc...
Le huitième caractère, par contre, les oppose : alors que Fleur de Lys vit très modestement, Fleur de Neige est l'arrière-petite-fille d'un mandarin. Si le contrat qui scelle les deux familles est possible, c'est que les pieds bandés de Fleur de Lys promettent d'être d'une beauté parfaite.
Très vite, une amitié sincère et fusionnelle se noue entre les deux jeune filles. Grâce au Nu Shu, elles s'échangent poèmes et promesses. Ensemble, elles affronteront le mariage, les belles-mères, la rebellion, la maternité, le dueil etc... Une vie de Laotong.
Ce récit est fascinant à plus d'un titre. Lisa See s'est documentée minutieusement sur ce que pouvait être la vie d'une femme chinoise au XIX° siècle, et j'en suis restée atterrée.
Il faut savoir que naître de sexe faible était le plus grand malheur qui pouvait vous arriver : bébé vous valiez moins qu'un chien, enfant et adolescente vous n'étiez qu'une source d'ennuis financiers pour vos parents, épouse vous deveniez l'esclave de votre belle-mère, mère vous étiez déshonnorée si par malheur vous ne donniez pas naissance à un fils.
Mais ce que j'ignorais totalement, c'est ce qui se cachait derrière le terme de "pieds bandés". Une véritable torture qui n'a rien à envier à l'excision. Comme beaucoup, j'imagine, je pensais naïvement que les Chinoises bandaient leurs pieds pour qu'il "paraissent" plus petits. La réalité est tout autre : les mères brisaient les pieds de leurs filles de 6 ans pour que ceux-ci atteignent la longueur idéale de 7 à 10 centimètres. Sans cela, aucun mariage n'était envisageable.
Lisa See décrit avec précision ce processus barbare qui durait près de deux ans.
Parallèlement à ça, j'ai découvert également que les femmes chinoises avaient développé dans le plus grand secret leur propre alphabet : le Nu Shu. Cette écriture a lié les femmes dans leur solitude pendant plus d'un siècle.
En ouverture de ce récit, Fleur de Lys, arrivée à la fin de sa vie, résume tout cela en quelques lignes (l'extrait que je vous propose fait d'ailleurs partie du prologue). Et malgré tout, on ne réalise pas réellement la dimension que cela revêt. C'est en suivant pas à pas la destinée de cette femme, que l'on saisit, avec un sentiment mêlé de révolte et d'admiration, le quotidien de ces femmes.
Ce qui reste pour moi le plus troublant, c'est que finalement, les pires bourreaux des femmes, étaient les femmes elles-mêmes. Comment, en étant passées par là, pouvaient-elles reproduire ces humiliations et violences sur leurs semblables?
Un récit bouleversant sur la condition féminine, mais aussi sur l'amitié qui transcende toutes les difficultés.
Extrait :
Dans l'espoir que ma famille me témoigne la plus élémentaire tendresse, j'ai accepté comme on l'a exigé de moi d'avoir les plus petits pieds bandés du district - et donc que mes os soient brisés, broyés, remodelés.
Lorsque la souffrance s'avérait insoutenable et que mes larmes mouillaient mes bandages ensanglantés, ma mère venait me parlait à l'oreille et m'encourageait à supporter une heure, un jour, une semaine de tourments supplémentaire, en me rappelant le bopnheur qui m'attendait si je tenais bon un peu plus longtemps. Elle m'enseignait ainsi à endurer - non seulement les souffrances physique liées au bandage et plus tard la grossesse, mais la douleur plus souterraine qui affecte notre coeur et notre âme. elle mettait aussi l'accent sur mes défauts et m'apprenait à m'en servir, à les retourner en ma faveur. Dans notre contrée, nous eppelont teng ai ce type d'amour maternel. Mon fils m'a expliqué, que dans l'écriture des hommes, il se compose de deux caractères : le premier signifie douleur, le second amour. Tel est l'amour maternel.
Éditions Flamarion - 398 pages
Commentaires
mercredi 27 septembre 2006 à 09h13
Très beau commentaire, la couverture aussi est belle. Je le note celui-ci,je connaissais l'histoire des pieds bandés et aimerais en savoir plus sur ces femmes chinoises du XIXe siècle.
Florence
mercredi 27 septembre 2006 à 16h14
Sur la société chinoise, j'avais lu Impératrice de Shan Sa, et Est Ouest de Pearl Buck. Tous deux m'avaient fait découvrir cet univers si cruel à la femme, à tous les stades sa vie comme tu le précise. J'attendais avec impatience une critique de ce livre que j'avais envie de lire... Cest décidé, il est dans ma LAL!
mercredi 27 septembre 2006 à 17h51
rien que de lire l'extrait, je suis prise d'effroi...
mercredi 27 septembre 2006 à 18h52
Florinette : Merci.

Je corrige cet impair immédiatement)
Choupynette : ton banquier va finir par me détester !!!
Loupiote : et encore, ce n'est que la première page !! (oups ! je viens de m'apercevoir que tu n'es pas dans ma page de liens...
jeudi 28 septembre 2006 à 09h58
C'est vrai qu'après un tel commentaire, on ne peut "que" avoir envie de lire ce livre !
samedi 30 septembre 2006 à 09h29
Nadumel :
c'est fait pour !
dimanche 15 octobre 2006 à 21h28
je suis là!
vendredi 25 mai 2007 à 21h47
Ce livre est une pure merveille . Lisa See raconte si bien la façon dont les filles et femmes vivaient et étaient traitées au 19e en Chine qu'après avoir lu ce livre on a même plus envie de jouer l'ados chiante. LOL. Je conseil ce roman à toute celles et ceux qui sont avides de découvrir d'autres cultures, d'autres civilisation et d'autres traditions. Car c'est pour de la tradition que les femmes étaient considérées comme des branches inutiles de la vie .
mercredi 5 septembre 2007 à 13h35
Un livre intéressant à lire! Quelle tradition atroce!
Les femmes n'étaient pas respectées, pourtant sans elles,
il n'y aurait pas de naissance mâle!!!
Il est temps que cela change!
Je m'intéresse à savoir pourquoi les hommes aimaient les femmes dont les pieds sont bandés.Pourtant elles boîtaient!!!
vendredi 7 septembre 2007 à 07h58
Lune : mais cette pratique n'est plus usitée depuis plus de 50 ans ! Cela a déjà changé...
Quant à savoir pourquoi les hommes aimaient les femmes aux pieds bandés, il y a une explication toute simple : cela obligeait leurs épouses à être soumises... tout simplement.
mercredi 12 décembre 2007 à 21h35
j'ai été trés émue par ce livre.Il est trés interressant et trés prés de la vérité.Il m'a fait prendre conscience que moi aussi j'ai eu une "laotong" que j'ai délaissé et ce livre m'a fait beaucoup penser à elle,surtout qu'elle n'est plus là pour que je lui dise combien elle me manque.MERCI pour ce livre
dimanche 20 juillet 2008 à 16h56
Je conseille ce livre à tous, il est trés prenant et donne une idée de la condition féminine dans la société chinoise d'autrefois. Quelques passages ont été trés choquant pour moi car je ne connaissais rien de cet univers avant cette lecture.
mardi 24 novembre 2009 à 17h58
je l'ai lu il est superbe si vous voulez en savoir plus sur la femme chinoise je vous conseill un moment a pekin qui est tout simplement superbe!!! Meme si ce n'est pas la même période !!!!
dimanche 26 juin 2011 à 17h23
Un livre émouvant et captivant. Le style est juste splendide, Lisa See arrive à nous faire plonger dans cet univers à la fois beau mais atroce. Personnellement, j'ai adoré, mais encore plus Le Pavillon des Pivoines du même auteure. Je le conseille vivement.