3 hommes, le Couillon, Polonio et Albino, sont enfermés au mitard, cage dans la cage. À travers le passe-plat, ils observent les mouvements qui agitent la prison. Aujourd'hui, c'est le jour des visites. La mère de Couillon et les femmes des deux autres, doivent tenter de braver les gardiens pour leur fournir leur dose de drogue indispensable.

Toute l'histoire se déroule en à peine quelques heures. José Revueltas a voulu ici témoigner de la barbarie et de la violence qui éclatent dans les milieux carcéraux. Dès les premières lignes, le ton est clairement affiché : les matons, comparés à des singes, sont tout autant enfermés que les hommes qu'ils doivent surveiller.
Mais qu'on ne se trompe pas : Jose Revueltas n'a pas plus d'indulgence pour les prisonniers que pour les gardiens. Dans cet enfermement, tout transpire la violence et la haine.

L'écriture est rapide, urgente. Les phrases s'étirent et le lecteur, en apnée, essaie de se raccrocher à quelques repères grammaticaux pour ne pas se noyer.
Et c'est ce qui m'a le plus gêné finalement. Je comprends pourquoi Jose Revueltas a construit ainsi son récit, mais c'est peut-être justement cela qui m'a empêché d'adhérer à cette chronique de l'horreur. Je sentais trop l'ombre de l'écrivain derrière le récit pour me laisser submerger par l'émotion brute.

Extrait :

Ils étaient là, les singes, prisonniers aux aussi, singe et guenons : bon, singe et singe, tous les deux dans leur cage, pas encore désespérés, pas encore au comble de désespoir, faisant les cent pas d'une extrémité à l'autre, arrêtés mais en mouvement; coincés au stade animal comme si quelqu'un, les autres, l'humanité, refusait cruellement de s'occuper de leur problème, de ce problème d'être singe dont ils ne voulaient d'ailleurs pas non plus entendre parler, singes en fin de compte, ou dont ils ne voulaient rien savoir, prisonniers de quelque point de vue qu'on les considère; enfermés dans la cage aux grilles hautes de deux étages, dans leur uniforme de toile bleue avec cette cocarde brillante sur la tête, dans leurs allées et venues sans dressage, naturelles et pourtant figées, sans pouvoir faire le pas qui leur permettrait de sortir du règne intermédiaire où ils se déplaçaient, marchaient, copulaient, cruels et sans mémoire, singe femelle et singe mâle au Paradis, identiques, même pelage, même sexe, mais singe et guenon, emprisonnés, foutus. La tête habilement et soigneusement posée sur l'oreille gauche, sur la tablette horizontale servant à fermer l'étroit guichet, Polonio - l'oeil droit pointé vers sont nez en une tranchante ligne oblique - les regardait d'en haut, aller et venir à l'intérieur de la cage, le trousseau de clefs dépassant de la veste de drap bleu et frappant leur cuisse à chaque pas.

couverture
Éditions Complexes - 83 pages