L'histoire est connue : après que l'on a célébré le mariage de Margueritte de Valois et Henri de Navarre, l'intriguante Catherine de Médicis et son plus jeune fils, le Duc d'Anjou, ordonnent le massacre de la nuit de la Saint-Barthélémy.
Tous les huguenots protestants, présents pour les noces de leur roi furent alors sauvagement assassinés.
Henri de Navarre, lui-même, n'y échappa que grâce à son alliance politique avec Margot.

Mais Catherine, persuadée de la véracité des mauvais présages (tous ses fils mourront et Henri de Navarre deviendra Henri IV, roi de France), décide d'empoisonner le Huguenot. C'était sans compter la fatalité.
La suite, nous la connaissons tous ou presque : la perfide Catherine ne fera qu'accélérer les prédictions et se transformera en infanticide.

Dans cette pièce, au rythme très soutenu, on retrouve tous les personnages principaux du roman :
Coconnas et La Môle sont toujours aussi fougueux et amoureux; Charles IX dépassé mais lucide; Margot et Henri, alliés par et pour le pouvoir. J'ai beaucop aimé, tant dans la pièce que dans le roman, les relations de ce couple hors norme.

Les décors, décrits avec minutie dans les didascalies, sont dignes des excès des Romantiques : 13 tableaux, tous plus somptueux et clinquants les uns que les autres. Je me demande d'ailleurs si cette pièce a été rejouée depuis la représentation du 20 février 1847, tant la machinerie me semble lourde.

Dans l'édition dont je dispose, la pièce se situe à la fin du second tome consacré aux Valois : les romans de La Reine Margot et de la Dame de Monsoreau constituent le premier tome, Les Quarante-cinq et les deux adaptations théâtrales étant rassemblés dans le second. On peut également lire dans le tome 1, un compte rendu de Dumas lui-même sur cette représentation. Tout à coup, les personnages prennent vie et la description du jeu des acteurs de l'époque est tout à fait fascinante.
Pour ceux qui ont déjà lu la Reine Margot en roman, c'est une très bonne occasion de se rafraîchir la mémoire tout en découvrant une oeuvre nouvelle. Pour les autres, je ne saurais trop vous conseiller de lire le roman... En effet, dans la pièce ne sont conservés que les péripétie essentielles et vous passeriez à côté de toutes les aventures secondaires comme Alexandre Dumas sait si bien les exploiter. Si elles ne sont pas déterminantes pour l'Histoire, elles n'en sont pas moins passionnantes.

Du même auteur, voir aussi Pauline

Extrait :

CATHERINE - Vous avez fait cependant les expériences?
RENÉ - Oui, toutes deux.
CATHERINE - Dites-m'en tous les détails.
RENÉ - Je m'étais procuré deux poules noire comme vous me l'aviez recommandé... sans une seule tache blanche.
CATHERINE -C'est cela
RENÉ - J'ai attaché la première sur le petit autel, et je lui ai ouvert la poitrine d'un seul coup de couteau.
CATHERINE -D'un seul, n'est-ce pas? Eh bien?
RENÉ - Elle a jeté trois cris, et a expiré.
CATHERINE -Trois cris... Trois morts... Et après?
RENÉ - Le fois penchait à gauche, contre l'habitude.
CATHERINE -Déchéance!... déchéance!... Triple mort suivie d'une déchéance... Sais-tu que c'est affreux René?
RENÉ - Oui, madame, effrayant!...
CATHERINE -Et la seconde victime, celle dont tu devais consulter le cerveau?
RENÉ - Épouvantée des trois cris qu'avait poussés la première, quand j'ai voulu la prendre, elle s'est envolée... et a éteint la bougie magique qui m'éclairait.
CATHERINE -Voyez-vous, René, voyez-vous ! C'est ainsi que s'éteindra notre race... La mort la touchera de son aile, et elle disparaîtra de la terre... Trois fils, cependant... trois fils!... Qu'avez-vous fait, alors?...
RENÉ - J'ai rallumé la bougie, j'ai ressaisi la victime, et je lui ai tranché la tête d'un seul coup.
CATHERINE -Elle n'a pas eu le temps de crier, j'espère?
RENÉ - Non; mais elle a poussé trois soupirs...
CATHERINE -Vois-tu, René, à défaut de trois cris, trois soupirs... Trois ! toujours trois!... Ils mourront tous trois... Toutes ces âmes, avant de partir, comptent et appellent jusqu'à trois... Et alors, qu'as-tu fait?
RENÉ - Selon vos instruction, j'ai observé les sinuosités de la pulpe cérébrale; j'y ai distingué, en fibre sanglante, une lettre...
CATHERINE -Une lettre !... une seule?
RENÉ - Oui, mais visible à ne pas s'y tromper...
CATHERINE -Et quelle était cette lettre?
RENÉ - VUne H... Cette H était suivie de quatre lignes perpendiculaires qui semblaient le chiffre 1, répété quatre fois.
CATHERINE -C'est cela... c'est cela... Charles IX règne... après Charles IX, viendra Henri III; puis après Henri III, Henri IV; c'est lui... toujours lui!
RENÉ - Mais le Duc François?
CATHERINE -Sans doute mourra-t-il dans l'intervalle... Oh! Henri IV, Henri IV, il régnera, René... Je suis maudite dans ma postérité.
RENÉ - Ainsi donc, il régnera, vous croyez?
CATHERINE -Oui, si nous ne forçons pas les prédictions à mentir.

couverture
Éditions Robert Laffont - 1020 pages