Revenons un instant à l'intrigue. Dans La Dame de Monsoreau, Alexandre Dumas nous narre le début du règne d'Henri III. Connu pour ses faiblesses envers la gent masculine, celui-ci semble plus préoccupé par le bien-être de ses mignons que par la bonne marche du pays. Il n'en fallait pas plus au Duc d'Anjou, son frère qui brigue le trône depuis quelques temps déjà, pour s'allier avec Messieurs de Guise et la Comtesse de Montpensier. C'est le début de la Ligue et la première tentative de destitution.
Parallèlement à l'Histoire, Alexandre Dumas s'attarde sur le destin tragique de la belle Diane de Méridor. Convoitée par le duc d'Anjou (encore lui) et le Comte de Monsoreau, elle se retrouve captive de ce dernier.
Bussy, gentilhomme à la solde du Duc d'Anjou (toujours lui), tente alors de la sortir de cette cage dorée. Les deux jeunes gens tombent follement amoureux l'un de l'autre.

Voilà pour ce qui est commun. Mais le théâtre ne souffre pas les digressions, et autres rebondissements intempestifs. Dans la pièce, Alexandre Dumas a choisi de simplifier l'intrigue et d'accorder un dénouement heureux au deux tourtereaux.

Quand j'avais lu le roman, il y a maintenant quelques années, j'avais été subjuguée par le personnage de Chicot. Bouffon du roi, il devient sous la plume d'Alexandre Dumas, le véritable ministre de la France. Ses confrontations avec Henri III sont édifiantes et c'est ce qui m'avait le plus séduit. Il est non seulement d'une intelligence rare, mais toujours railleur et bon vivant. Les nombreux passages du roman qui lui sont consacrés donnent lieu à des dialogues d'anthologie. Pour tout dire, l'intrigue concernant La Dame de Monsoreau m'avait même paru secondaire, et Chicot reste pour moi le personnage central du récit.
Malheureusement, dans la pièce, même s'il conserve toute sa verve et son insolence, son rôle est nettement amoindri. Il passerait presque pour un protagoniste secondaire.

Finalement, cette version expurgée, pour des contraintes scénographiques évidentes, est assez décevante. Comme lorsque vous découvrez au cinéma un livre que vous avez trop aimé.

N.B. : La dame de Monsoreau, version théâtre, se trouve dans le volume "Les quarante cinq" de la collection "Les grands romans d'Alexandre Dumas" chez Robert Laffont
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Extrait :

LE ROI - Ce Bussy! ce Bussy ! si je le tenais !
CHICOT - Tu le ferais connétable, hein?
LE ROI -Je le ferai écarteler, et toi avec lui!
CHICOT - Ingrat !... Tu as quatre mignons qui sont l'exécration publique, quatre sangsues, quatre pestes qui t'ont fait surnommé Hérode, Héliogabale, et qui te feront détrôner un jour ou l'autre... Et bien, une brave homme te débarrasse de ces quatre abominations et tu veux le faire écarteler!... Déjeunes-tu?
LE ROI -Malheureux!
CHICOT - Tu as un frère unique, un frère modèle, une frère à deux nez... Tu l'exiles!
LE ROI -Te tairas-tu, insecte! Bourdon maudit!
CHICOT pleurant - Où va-t-il aller, ce bon François?
LE ROI -Qu'il aille au diable, et toi aussi!
CHICOT - Henri de Guise, le grand Henri, te gênait : tu l'as envoyé commander l'armée... Son frère te gênait : tu l'as envoyé retrouver Henri de Guise... Le gros Mayenne te gênait : tu l'as envoyé retrouver le cardinal... Enfin, tu avais pris en grippe leur petite soeur boiteuse, la duchesse, qui rit toujours en affilant ses jolis petits ciseaux d'or, tu sais... avec lesquels elle veut te tonsurer... Tu as tant fait, qu'elle est allée retrouver les trois autres. Et voilà que ton frère François te gêne aussi, et tu l'envoies... Tu veux donc renvoyer tout le monde? Eh bien, ventre-de-biche? Henriquet, tu es un fin politique, tu as raison, ma foi. Laisse-moi tous ces gens se mettre ensemble... Ah! ah! envoie-leur par la même occasion ton nouveau grand veneur, ce Monsoreau, l'âme damnée de ton frère; envoie-leur encore les cinq cent mille Parisiens qui te chansonnent du matin au soir... Tiens Henriquet, envoie-leur toute la France, et restons tous les deux tout seuls.

couverture
Éditions Robert Laffont - 1020 pages