Le récit s'ouvre sur l'exécution de Salcède, complice de cet attentat déjoué.
Le tout Paris se presse pour assister au spectacle : parmi la foule on retrouve Henri III, sa femme et la Reine Mère, accompagnés des frères Joyeuses (les nouveaux favoris du roi); mais aussi un bourgeois nommé Robert Briquet, qui a l'air d'en savoir bien plus qu'il ne veut le laisser paraître.
C'est ce même Briquet, qui, quelques heures auparavant, était particulièrement intéressé par l'arrivée massive aux portes de la ville de 45 Gascons et leur suite. Ceux-ci étaient tous en possession d'un laisser-passer étrange...
On retrouve d'ailleurs l'un d'eux, Ernauton de Carmaing, sur les lieux de l'exécution publique, accompagné d'une silhouette fluette et masquée. Celle-ci semble fort intéressée par l'agitation qui précède la torture de Salcède.

Voilà, tous les personnages de l'intrigue sont en place. À partir de cet instant, l'Histoire peut commencer.

Dans ce troisième opus, Alexandre Dumas entreprend de nous narrer l'histoire de la Ligue qui occupa les 3 Henri : Henri III, le Duc de Guise et Henri de Navarre (notre futur Henri IV). Et comme si cela ne suffisait pas, Alexandre Dumas ajoute un 4ème Henri à ce trio : Henri de Joyeuse, frère cadet d'Anne de Joyeuse, favori du roi et amiral de l'armée française. Heureusement pour le lecteur, Alexandre Dumas sait se "dépêtrer" de tous ces homonymes sans qu'il n'y ait jamais confusion.
Le récit va suivre trois protagonistes, et donc trois histoires dans l'Histoire :
Avec Ernauton de Carmaing et les 45 Gascons, nous assistons à la tentative d'assassinat du roi à Vincenne.
Henri de Joyeuse, nous emmène dans les Flandres pour vivre avec lui la débâcle militaire française.
Enfin, avec Robert Briquet nous découvrons la cour de Navarre et participons à la prise de Cahors.
Mais ce ne serait pas un roman d'Alexandre Dumas, si à tout cela ne s'ajoutaient les intrigues amoureuses, les quiproquos et les petits arrangements entre ennemis.

Alexandre Dumas est un merveilleux conteur. Avec lui, l'Histoire de France se transforme en une épopée passionnante.
Grâce à lui, dans La Dame de Monsoreau, j'avais découvert le rôle primordial du bouffon du roi. C'est donc avec plaisir que j'ai retrouvé notre inénarrable Chicot (dans la première partie du récit). Toujours aussi malin, il n'a rien perdu de son impertinence. Ernauton et Joyeuse, quant à eux, amoureux et plein de fougue, vont précipiter le destin de la France, sans en avoir conscience. Leurs élans de bravoure et d'honneur sont touchants de sincérité.

En lisant les romans de Dumas, j'en viens toujours à le dire que j'aurais aimé l'avoir pour professeur. Je suis sûre qu'avec lui, j'aurais été une élève attentive et intéressée par les cours d'Histoire.

Dans l'édition dont je dispose, il y a trois annexes particulièrement captivantes : la première, située en préface du tome 1, est un index des personnages historiques cités dans la trilogie, ce qui est parfois bien utile je dois l'avouer.
La seconde constitue les manuscrits complets du plan du récit. J'ai ainsi découvert, qu'avant de se lancer dans la rédaction proprement dite, Alexandre Dumas établissait une trame extrêmement détaillée de chaque chapitre. Ils bénéficient d'un résumé précis des actions et retournements qui doivent s'y dérouler. Ainsi, j'ai découvert comment chaque pensée, chaque costume, chaque lieu avaient été minutieusement réfléchis en amont.
Enfin, l'échange de correspondances m'a permis de découvrir l'envers du décors. Je savais que comme beaucoup d'auteurs du 19ème, Alexandre Dumas publiait d'abord ses romans sous forme de feuilletons dans la presse de l'époque. Mais j'ignorais à quel point tout cela était orchestré, les courriers entre entre Dumas et ses éditeurs m'en ont donné une idée plus précise. Et puis, ce qui m'a peut-être le plus étonné, c'est la correspondance entre Alexandre Dumas et Auguste Maquet. Je vous ai déjà parlé de cet illustre inconnu dans la pièce de théâtre La Reine Margot. Auguste Maquet était en fait la personne qui rédigeait les romans d'Alexandre Dumas. Dès lors, on comprend mieux pourquoi Dumas prenait tant de soin à détailler le schéma de ses intrigues. Certains passages de ces correspondances sont tout à fait édifiants. Dumas à Maquet :"Je ferai la scène ainsi que vous la décrivez. Le récit dans la bouche de Henri est donc inutile. envoyez-moi le plus vite possible la suite." ou encore "Il faudrait qu'Ernauton, en courant après Chicot, vît et reconnût Mme de Montpensier. Il faudrait que le petit Jacques la revît aussi. Jetons le plus vite possible les germes de ce double amour".
La postérité n'aura retenu que le patronyme de Dumas, mais je tenais ici à rendre hommage au travail de l'ombre de M. Maquet.

Vous aurez bien évidemment compris que je ne saurai trop vous conseiller de vous jeter sur cette Histoire romancée de la Renaissance. Bon voyage dans le temps.

Dans ce tome est inclus :La reine Margot et La dame de Monsoreau version théâtre.
Du même auteur, voir aussi Pauline

Extrait :

Roman :

Les serviteurs éteignirent les cires, allumèrent près du feu une lampe d'essences qui donnaient des flammes pâles et bleuâtres, sorte de récréation fantasmagoriques dont le roi se montrait fort épris depuis le retour de ses idées sépulcrales, puis ils quittèrent sur la pointe des pieds sa chambre silencieuse.
Henri, brave en face d'un danger véritable, avait toutes les craintes, toutes les faiblesses des enfants et des femmes. Il craignait les apparitions, il avait peur des fantômes, et cependant ce sentiment l'occupait. Ayant peur, il s'ennuyait moins, semblable en cela à ce prisonnier qui, ennuyé de l'oisiveté d'une longue détention, répondait à ceux qui lui annonçaient qu'il allait subir la torture.
"Bon! cela me fera toujours passer un instant"
Cependant, tout en suivant les reflets de sa lampe sur les murailles, tout en sondant du regard les angles les plus obscurs de sa chambre, tout en essayant de saisir les moindres bruits qui eussent pu dénoncer la mystérieuse entrée d'une ombre, les yeux d'Henri, fatigué du spectacle de la journée et de la course du soir, se voilèrent, et bientôt il s'endormit ou plutôt s'engourdit dans ce calme et cette solitude.
Mais les repos de Henri n'étaient pas longs, minés par cette fièvre sourde qui usait la vie en lui pendant le sommeil comme pendant la veille; il crut entendre du bruit dans sa chambre et se réveilla.
"Joyeuse, demanda-t-il, est-ce toi?"
Personne ne répondit.
Les flammes de la lampe bleue s'étaient affaiblies, elles ne renvoyaient plus au plafond de chêne sculpté qu'un cercle blafard qui verdissait l'or des caissons.
"Seul! seul, encore, murmura le roi. Ah! le prophète a raison :"Majesté devrait toujours soupirer". Il eût mieux fait de dire : "elle soupire toujours"."
Puis, après une pause d'un instant :
"Mon Dieu ! marmotta-t-il en forme de prière, donnez-moi la force d'âtre toujours seuk pendant ma vie, comme seul je serai après ma mort !
- Eh! eh! seul après ta mort, ce n'est pas sûr, répondit une voix stridente qui vibra comme une percussion métallique, à quelques pas du lit, et les vers, pour qui les prends-tu?"
Le roi, effaré, se souleva sur son séant, interrogeant avec anxiété chaque meuble de la chambre.
"Oh! je connais cette voix, murmura-t-il.
- C'est heureux", répliqua la voix.
Une sueur froide passa sur le front du roi.
"On dirait la voix de Chicot, soupira-t-il.
- Tu brûles, Henri, tu brûles", répondit la voix.

Plan des Quarante-cinq :

À peine le roi est-il au lit que la porte s'ouvre, une ombre paraît et vient s'asseoir dans un fauteuil - À la clarté de la lune et du feu le roi croit reconnaître l'ombre de Chicot. Il interroge, Chicot répond.

couverture
Éditions Robert Laffont - 1020 pages