Au départ j'ai été subjuguée par la capacité d'Eva Figes à dire l'indicible :comment traduire, ou supposer, les premières pensées, quand les mots n'existent pas encore. Les premières pages sont surprenantes et troublantes. L'auteure a réussi à retranscrire ce que pourrait penser un nourrisson face à toutes les sensations et expériences nouvelles qui s'offrent à lui.
Malheureusement, en grandissant, la narratrice n'est pas parvenu à m'entraîner dans son cheminement de la pensée. Rapidement, je me suis ennuyée et j'ai abandonné au moment de la pré-adolescence.
L'expérience est donc intéressante, mais pour moi, non-aboutie.

Laurence

Extrait :

Des images passent sur notre chemin, des yeux me regardent, la bouche ne dit rien, pas même de temps en temps. Je les regarde, ceux qu'on laisse derrière.
Dehors.
Dehors est une brusque explosion de lumière, si vive que je dois me retourner en clignant des yeux.
Regarde.
J'essaie de voir, elle montre du doigt l'endroit où la lumière bouge, de longs éclats aigus qui traversent de minuscules formes, qui dansent, qui bougent, qui se parlent. Je ne sais pas ce qu'ils disent.
Beau.
C'est beau, tous ces mouvements, ces chuchotements, cette odeur. Je ne sais pas ce que ça dit.
Tu vois?
Ça saute. Ça me regarde de deux yeux ronds. Tout d'un coup ça s'en va dans l'air, disparaît. Je la regarde.
Oiseau, elle dit "oiseau".
Je regarde l'endroit où c'était.
Parti.
Tout bouge dans la lumière vive, les ombres, les choses, les odeurs aussi, qui vont et viennent. Quelque chose sans yeux, sans bouche flotte dans l'air en silence. Tout d'un coup, par terre, une chose noire avec des yeux brillant et plusieurs pattes s'avance vers nous. Je la regarde, et, quand elle est tout près, la montre du doigt.
Ouste!
Maman est en colère, je le vois bien. La chose déguerpit à toute vitesse.

couverture
Éditions Autrement - 139 pages