Dans cette œuvre triptyque, Andrée Chédid nous parle de Lucy, notre Lucy à tous, mère de l'humanité.
Cette ancêtre qui un beau jour s'est dressée sur ses pattes arrières et a changé le destin des hommes et de la planète.
Dans la première partie, Andrée Chédid lui laisse la parole. Drôle de sensation que de lire ces mots sortis du fond des âges. Lucy nous dit ses angoisses et ses doutes. Sa difficulté de se différencier des siens, son envie de se rapprocher de nous, enfants du troisième millénaires, qu'elle devine déjà.
Au fil des phrases, on éprouve de plus en plus d'amour pour ce petit bout de femme en devenir.
Mais voilà qu'Andrée Chédid reprend la plume qu'elle avait cédé à son ancêtre. Sa décision est prise, nous dit-elle, elle va tuer Lucy. Un assassinat en bonne et dûe forme, un crime contre l'humanité pour sauver la planète Terre. Le second chapitre est donc consacré à ce projet fou.
Quand le troisième et dernier volet s'ouvre, l'heure de la rencontre a sonné. Que va-t-il se passer entre ses deux femmes? La mère de l'humanité saura-t-elle attendrir l'écrivaine du 20° siècle?
Un voyage bouleversant et poétique dans notre histoire. Comme toujours, Andrée Chédid déploie une partition crescendo et enivrante. Une expérience littéraire hors norme et captivante.
Du même auteur : L'artiste et autres nouvelles, L'enfant multiple
Extrait :
J'appréhende les hyènes, dont je repère l'odeur. J'accompagne les gazelles, les antilopes naines. Je marche à distance de l'éléphant. en cours de route, je me régale de termites blanchâtres, recueillis sur un mince bâtonnet. Je fouille souvent le sol, afin qu'il m'accorde tout ce qu'il peut m'accorder.
Le crépuscule m'enveloppe. Le corps las, je me fonds dans l'épaisse et noire coulée des nuits.
Je grandirai. Tu verras
Ma taille s'allongera. Mon cerveau s'accroîtra. Mes émotions se multiplieront. Je suis, nous sommes, un silo de pensées, un réservoir d'idées, une citerne d'interrogations.
Que ferez-vous de ces dons que je m'acharne à vous transmettre? Qu'en ferez-vous?
Tandis que mes genoux s'affermissent, je vous pressens, mes enfants d'un autre âge. Je vous entrevois avec émerveillement, avec horreur. Je vous serre contre ma poitrine velue et du même geste je vous repousse; vous qui célébrez vos morts, mais produisez mille cruelles façons de vous exterminer et de disparaître avant que la nature ne vous interrompe.
Moi je dois rester joueuse, innocemment joueuse.
Je me contenterai d'être votre racine et de risquer, malgré mes défiances, notre nécessaire destin.
Je dois parier sur vous.
Il le faut. J'y suis contrainte.
Éditions Actes Sud - 94 pages
Commentaires
lundi 1 janvier 2007 à 09h50
Bonjour,
Je lis régulièrement et avec grand plaisir ton blog.
Je te souhaite une bonne année 2007, qu'elle te régale de lectures et que tu nous regales de posts!
Anna
lundi 1 janvier 2007 à 11h26
Je suis ravie que tu commences l'année par ce texte fondateur pour moi. Andrée Chédid est une de mes références précieuses, pour ce livre, pour ses poèsies....Ce livre-là a su tout particulièrement me bouleverser, moi qui travaille avec les autres sur leurs origines de vie.
Peu importe pour moi que Lucy soit ou non notre ancêtre réelle, scientifiquement parlant! Cette introspection dans notre humanité que nous propose Andrée Chédid est tout simplement magnifique.
Et puis, quelle femme fondatrice d'une lignée artistique métissée....Andrée, Louis, Mathieu...
J'aime aussi très précieusement le long poème de cette auteure "Le jardin perdu", sur la perte du paradis : c'est très beau !
J'aime aussi énormément ses poèmes sur le désert.
lundi 1 janvier 2007 à 12h07
Bonjour Anna
Merci donc pour ce petit mot et très bonne année à toi aussi.
Je lis également ton blog régulièrement, et je vois que nous sommes pareil : lectrice attentive et silencieuse.
Tisseuse : oui, pour démarrer une nouvelle année, ce livre me paraissait tout trouvé. Une réflexion sur l'humanité et son devenir. Madame Chédid possède cette magie incontestable des mots et des émotions. Un vrai diamant pour commencer 2007.
lundi 1 janvier 2007 à 21h43
Andrée Chédid possède un art poétique d'une grande sensibilité et plein de délicatesse.. et puis quelle humanité, quelle proximité souriante, rassurante avec le lecteur... une mère spirituelle en quelque sorte
lundi 1 janvier 2007 à 23h56
Laurence,
Merci pour ces belles lectures en perspective...
Mes meilleurs voeux pour 2007
mardi 2 janvier 2007 à 10h36
Jos : C'est tout à fait ça. Pour moi, Andrée Chédid est notre grand-mère à tous, celle qui nous chuchote des histoires féeriques au creux de l'oreille.

Marie-José : Merci de ce petit mot et très bonne année à toi aussi. Au plaisir de te relire plus souvent ici.
mardi 2 janvier 2007 à 11h52
merci pour ce texte et ce livre magnifique dont ta critique ne nous donne qu'une enviela connaître
mardi 14 octobre 2008 à 00h20
lucy!
mercredi 3 décembre 2008 à 22h15
bonsoir,lire l'oeuvre d'Andre Chedid c'est planger dans une mer metisse de culture de relations humaine , une richesse a traver la quelle l'auteur s'engage pour l'humanite et la vie de l'autre
merci