Sur la banquette arrière, il y a le corps de sa plus jeune fille, âgée de 4 ans. J'ai dit le corps, mais j'aurais tout aussi bien pu écrire le cadavre, puisque tout le ressort repose là-dessus. Que s'est-il passé ce soir-là? Comment la fillette est-elle morte?
Tout au long du voyage de Simon, le narrateur nous détaille par Flash-back les événements qui précèdent ce fameux instant "irréparable"

J'ai de prime abord été un peu gênée par la scansion du texte, et ce "vous" auquel je ne pouvais définitivement pas m'identifier. Nicolas Cauchy a une écriture volontairement minimaliste, épurée. Le rythme des phrases est aussi précipité que la fuite en avant de Simon.
Mais passé le premier effet de surprise, je me suis laissée entraîner dans cette spirale infernale et dérangeante. Le fait d'avoir compris très rapidement qui était le mystérieux narrateur m'a également permis de mieux adhérer à cette histoire effroyable.
Simon fait partie de ces individu que j'exècre : centrés sur leur nombril, il ne voient dans le reste de l'humanité qu'un marche pied leur permettant de servir leurs intérêts. C'est donc avec un plaisir, un brin sadique je l'avoue, que j'ai suivi sa descente aux enfers.

Nicolas Cauchy s'amuse à brouiller les pistes sur la toile : après avoir expliqué une première fois qu'il a dû censurer une scène de crime trop explicite : "A l’origine, le crime était explicite et se déroulait dans la chambre de l’enfant. C’était insoutenable. Mon éditeur a préféré quelque chose de plus soft : j’ai proposé cette version ambiguë, laissant la possibilité de croire à un accident. Mais aucun lecteur n’y a cru.", il précise quelques mois plus tard, sur le blog d'Anne, qu' "il y a une autre piste encore, dont vous ne parlez pas, qui a l’avantage d’être la plus simple ! Celle de l’accident. Simon est responsable (mais pas coupable) de la mort de son enfant à cause d’une négligence domestique (il s’est endormi). Cette culpabilité est d’autant plus forte que ce manque de sommeil est une des conséquences de l’adultère. Comment continuer à vivre après cela ?".
Personnellement, je me contrefous de connaître la véritable raison de cette mort abjecte. Parce que je ne crois pas aux reconversions subites, parce que pour moi, Simon est, et aurait toujours été, incapable d'altruisme, parce que j'ai vu derrière cet intérêt subit pour sa fille, un simple acte égocentrique.
Si tout cela n'était donc finalement qu'un accident, je ne peux m'empêcher de penser qu'il a payé pour tous ces actes passés et futurs.
Je crois que le tour de force de Nicolas Cauchy est d'avoir réussi à m'entraîner dans cette histoire alors que son personnage principal est l'incarnation de tout ce qui me révulse.
Un premier roman prometteur.

Un dernier mot avant de mettre un point final à ce billet.
Nicolas Cauchy est loin d'être sot. Afin de faire connaître son premier roman, il a eu cette idée ingénieuse d'envoyer son roman aux plumes de la blogosphère littéraire. Le deal est on ne peut plus simple : il vous prête son roman, le temps de la lecture, et vous le lui renvoyez après avoir laissé quelques mots sur la page de garde. Je dois avouer que c'est surtout ce dernier aspect qui m'a fait entrer dans cette aventure : une envie de lire les mots de celles et ceux dont je visite régulièrement les blogs. Et apparemment ça marche. De nombreux billets sont apparus sur la toile depuis quelques semaines. Une façon comme un autre de se lancer dans une campagne marketing.
J'ai d'ailleurs été "victime" de ce succès commercial : alors que je m'attendais à lire la prose de Tamara, Majanissa, Laure, Lily ou Anne (qui ont également participé à cette aventure), il n'y avait qu'un seule petit mot dans l'exemplaire que j'ai reçu. Face au succès de son entreprise, Nicolas Cauchy a donc dû envoyer plusieurs exemplaires pour pouvoir satisfaire les demandes. À lui de nous dire maintenant, si ces témoignages de la blogosphère ont dopé ses ventes...

Laurence

Le blog de Nicolas Cauchy : Bunte Blätter

Extrait :

Maintenant que la nuit est complètement tombée, qu'aucun arbre ne se distingue plus des autres dans la lumière de vos phares au xénon, vous vous souvenez. Du désir de Nathalie d'avoir un enfant, de votre indifférence, de vos mensonges, mais votre vie en est pleine.
C'est un cliché, mais votre vie en est pleine.
Vous vous souvenez du cadeau pour ses trente ans, un enfant, parce qu'elle vous aurait quitté sans ça.
Sa grossesse, sa "grosse période", comme elle disait. L'accouchement sans grande émotion - vous ne pouvez plus vous mentir -, la naissance d'un enfant, une fille, encore, vous en avez déjà une, ça fera deux. Une petite fille, une enfant sacrifiée, qui n'aura pas de père jusqu'à ses quatre ans, jusqu'à ce que vous traversiez le jardins des Tuileries, un jour de fête foraine.
Parce que vous n'aviez pas eu de temps avant, ni pour vous occuper d'elle, ni de sa sœur. Vous n'aviez de temps pour rien.
Car vous étiez ambitieux, au meilleur sens du terme. Vous avez mené votre carrière de main de maître, gravissant les échelons quatre à quatre, sans hargne ni revanche à prendre, mais rapidement, avec élégance même. Pensant qu'il suffisait de pourvoir aux besoin matériels de votre famille pour être un bon père, un bon époux. Une excuse plutôt, pour justifier votre absence, l'échec de votre premier mariage.

couverture
Éditions Robert Laffont - 171 pages