Face à une mer tantôt attirante tantôt effrayante, cet enfant erre au milieu d'une antichambre de la mort et de fantômes du passé. A cinq ans comment peut-on imaginer que la journée se termine à 18h ? Comment peut-on comprendre la fatigue de l'âge mais aussi l'aigreur, la méchanceté et la démence. Mais il va les comprendre, les aimer et grandir avec eux. A moins que ce ne soient les résidants qui l'adoptent. Ils vont lui apprendre la Old England. Avec un vieil écrivain, un ancien loup de mer, une pute au grand cœur ou encore un ancien officier des Indes, c'est tout un siècle passé qui ressuscite pour un gamin qui n'avait pas sa place dans ce manoir.

Fiction d'inspiration autobiographique Gonzague de Saint-Bris présente ce livre comme le « roman de sa vie ». Un règlement de compte ou un remerciement à ses parents ? Peut être un peu des deux... La vie d'un bout à l'autre, les deux extrêmes qui cohabitent et sont bénéfiques l'un à l'autre avec des joies et des peines, des conflits et des réconciliations. Il ne faut pas s'étonner que Gonzague Saint-Bris soit devenu écrivain d'avoir grandi au milieu de cette mémoire vivante ou Shakespeare, Jack l'éventreur ou l'impératrice Victoria ressuscitent le temps d'une histoire.
Un roman poignant car sorti directement des tripes de l'auteur où il met son enfance à nue et qui lui a valu le prix Interallié en 2002.

Par Arsenik_

Extrait :

« Enfant, j’habitais Londres où mon père était un jeune attaché d’ambassade. C’était la vie rêvée. Hyde Park et son allée de fleurs violettes, les musées gratuits où l’on pouvait jouer avec des trains électriques, les magasins de jouets extraordinaires, les cantiques dans la brume, les policemen polis qui ne regardaient pas ma nurse avec insistance. Elle était suisse et s’appelait Nana. Le prince Charles enfant nous faisait parfois des signes du balcon de Buckingham. Je lui répondais. Après tout, nous avions le même âge et on nous coiffait de la même manière : de l’eau sur la tête et la raie sur le côté.

Tout cela aurait pu être une charmante histoire, avec les casquettes bleu et jaune de notre école, la St Philip’s School, les "bats" de cricket, des rues de Londres où l’on jouait avec de petites voitures Dinky Toys contre les murs gris en se salissant les mains. Je croyais vivre un "Nursery Rimes", mais je ne savais pas encore que c’était celui de Humpty Dumpty, le petit homme fragile à l’énorme tête d’œuf qui, assis, en haut d’un mur, n’ose plus bouger de crainte de se fracasser le crâne. Pour moi, l’omelette était proche, la catastrophe imminente. J’avais cinq ans, l’âge de l’innocence, l’âge où pourtant j’ai dit adieu à l’innocence. Pardonnez-nous nos enfances ! »

couverture
Éditions J'ai lu - 286 pages