Par une succession de mots brefs, simples mais aussi bien emboîtés que les pièces d'un puzzle, il nous emmène dans l'ambiance nauséabonde du salon d'Emile et Marguerite, deux septuagénaires. Comme c'est attendrissant un vieux couple, surtout avec des prénoms aussi mignons. Attention ! Détrompez-vous. Ces deux là se détestent. Ils ne se parlent plus. Ou plutôt si : par petits morceaux de papier pliés qu'ils s'envoient l'un à l'autre. Sur ces papiers, des petits mots, brefs, cruels, blessants, qu'ils se destinent.
C'est peut-être un détail, mais j'aime beaucoup comment Simenon décrit le cruel mécanisme du petit papier. Ici, c'est Emile qui est au service. « Le papier prenait place entre son pouce et son majeur. Le pouce se repliait en chien de fusil et, se détendant soudain, envoyait le message dans le giron de Marguerite. Il ne ratait pour ainsi dire jamais son coup, savourant chaque fois la même jubilation intérieure. » On le voit voler, le papier, et frapper.
Nos deux amants vont se haïr, leur combat emportant plusieurs victimes innocentes et chaque coup annonçant la vengeance.
Et pourquoi pas la fuite ? C'est le projet d'Emile, qui n'est pourtant pas plus blanc que sa « dulcinée ». Il décide de partir, de changer de vie, de tenter un recommencement, à 70 ans.
Y arrivera-t-il ? Je ne voudrais pas altérer un suspense si habilement semé en contant la suite à ceux qui ne l'ont pas lu ou qui n'ont pas vu le chef d'ouvre de Pierre Granier-Deferre qui en est tiré, avec Gabin et Signoret. Mais il m'est arrivé de me dire, en pensant à ce livre, que pour s'aimer comme pour se détester, il faut être deux. Et en avoir très envie.
Par Bernard
Éditions Presses Pocket - 189 pages.
Commentaires
mardi 16 janvier 2007 à 08h06
On attend l'extrait qui ne devrait pas tarder.
En tout cas, tu as l'art de nous donner envie.
mardi 16 janvier 2007 à 12h24
ça c'est sûr, j'ai bien envie de lire le livre ET de revoir le film et de lire l'extrait
Merci à toi
mardi 16 janvier 2007 à 13h05
C'est noté. Dès que possible, je vais compter les points entre Emile et Marguerite avec le Chat.
mardi 16 janvier 2007 à 13h57
" avoir très envie de se détester ! " ... quelle analyse très juste du film que j'ai vu peut-être bien trois fois et toujours avec la même fascination , d'abord pour l'histoire et ensuite pour la justesse du jeu de Gabin , de Signoret et et ... du chat !
mardi 16 janvier 2007 à 14h08
Ce sont les liaisons dangereuses de deux septuagénaires !!! en tout cas ça donne envie de le lire !
mardi 16 janvier 2007 à 16h12
C'est vraiment un excellent roman, cruel à souhait... Et dire que Simenon s'est inspiré de sa mère pour dresser le portrait moral de Marguerite... J'ai bcp aimé le film, aussi !
mercredi 17 janvier 2007 à 00h00
Merci, merci pour ces commentaires. Cela ne m'étonne pas qu'il se soit inspiré de sa mère : il lui en voulait et a toujours prétendu qu'elle préférait son frère. Quand le frère en question est mort, la mère Simenon aurait même dit à Georges : dommage qu'il soit mort avant toi. L'histoire ne dit pas si elle lui a écrit cette amnité sur un bout de papier...
samedi 26 mai 2007 à 18h25
Simenon devient difficile à trouver en libairie : rupture de stock. Dire que je dois le lire pour mes examens !
mercredi 2 janvier 2008 à 12h17
Ce livre n est il pas trop monotone? Y a-t-il quand meme de l'action? merci...
mardi 11 janvier 2011 à 09h27
Le Chat: Tant le livre que le film nous montre en fait qu'une seule et même chose...
Que nous avons été, et qu'un beau jour... Nous ne sommes plus!...
Que notre vie est faite de rêves éphémères que l'on croyait durables à jamais, mais que l'inexorable progression de l'horloge de l'age, du progrès, et du temps nous à renvoyé cruellement à chaque fois cette certaine et impitoyable vérité, comme une gifle en pleine face...
Celle d'un monde qui évolue sans cesse... Implacablement... Et sans pitié... Balayant à chaque fois une partie de nos doux souvenirs passés, sous la pioche ou une boule de démolisseurs.
Notre vie est en fait comme un pan de mur qui tombe par petits bouts jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que poussières... Ce que nous devenons nous mêmes d'ailleurs aussi à la fin de notre vie.
Ce film et Ce livre devraient faire obligatoirement partie intégrante de notre dvdthèque et bibliothèque au même titre que l'on y garde précieusement une bible ou caché un fabuleux trésor...
Celà me ramène ausi à cette phrase que j'ai vue un jour gravée sur le fronton d'un cimetière de province dont j'ai oublié le nom, et qui disait très précisément ceci...
"Nous avons été ce que vous êtes... Et vous deviendrez ce que nous sommes..."
En bref...
Notre destin!...
A Bon Entendeur....
mardi 11 janvier 2011 à 10h02
Cher Emile,
Je présume qu'il pleut chez toi, que le ciel est gris et bas.........Tu as eu raison de venir chercher de la compagnie.