Par une succession de mots brefs, simples mais aussi bien emboîtés que les pièces d'un puzzle, il nous emmène dans l'ambiance nauséabonde du salon d'Emile et Marguerite, deux septuagénaires. Comme c'est attendrissant un vieux couple, surtout avec des prénoms aussi mignons. Attention ! Détrompez-vous. Ces deux là se détestent. Ils ne se parlent plus. Ou plutôt si : par petits morceaux de papier pliés qu'ils s'envoient l'un à l'autre. Sur ces papiers, des petits mots, brefs, cruels, blessants, qu'ils se destinent.

C'est peut-être un détail, mais j'aime beaucoup comment Simenon décrit le cruel mécanisme du petit papier. Ici, c'est Emile qui est au service. « Le papier prenait place entre son pouce et son majeur. Le pouce se repliait en chien de fusil et, se détendant soudain, envoyait le message dans le giron de Marguerite. Il ne ratait pour ainsi dire jamais son coup, savourant chaque fois la même jubilation intérieure. » On le voit voler, le papier, et frapper.

Nos deux amants vont se haïr, leur combat emportant plusieurs victimes innocentes et chaque coup annonçant la vengeance.

Et pourquoi pas la fuite ? C'est le projet d'Emile, qui n'est pourtant pas plus blanc que sa « dulcinée ». Il décide de partir, de changer de vie, de tenter un recommencement, à 70 ans.

Y arrivera-t-il ? Je ne voudrais pas altérer un suspense si habilement semé en contant la suite à ceux qui ne l'ont pas lu ou qui n'ont pas vu le chef d'ouvre de Pierre Granier-Deferre qui en est tiré, avec Gabin et Signoret. Mais il m'est arrivé de me dire, en pensant à ce livre, que pour s'aimer comme pour se détester, il faut être deux. Et en avoir très envie.

Par Bernard

couverture
Éditions Presses Pocket - 189 pages.