Quand le récit commence, Craven piste un loup qui s'est approché du vllage et Janet est partie pour Paris sur les traces de Jason.
À des centaines de kilomètres de distance, la même nuit, une tempête fait rage et catapulte le couple dans un cauchemard sans nom.

Craven, d'un côté, est retrouvé blessé et inanimé dans la montagne; un loup a tué sauvagement le maire du village; une avalanche à effacé le patelin de la carte.
De l'autre, dans la capitale, Janet rencontre Gabriel Polder, avocat d'affaire, son seul lien avec Jason. Mais l'homme est mystérieux et ses intentions paraissent troubles.

Des hommes, un loup et une traque sans merci. Tels sont les ingrédients de ce second épisode, noir à souhait.

Que se passe-t-il quand le prédateur est traqué à son tour?
Ce roman est digne des plus grands thrillers américains. Les amateurs du genre y retrouveront les éléments traditionnels de ce type de récit : FBI, service secrets, personnages troubles, courses-poursuites etc...
Mais que l'on ne se trompe pas, ce roman est loin d'être un simple thriller. A l'inverse de ce que j'ai pu lire ces dernières années, Alain Claret n'a pas privilégié l'intrigue au détriment de la forme. Bien trop souvent, les thrillers d'aujourd'hui se contentent d'accumuler des situations plus ou moins gores, au travers d'une écriture blanche, anonyme, voire insipide.
Alain Claret, lui, met l'accent sur le langage du corps et la peur primale. À chaque page, il nous offre une explosion des sens : pas une fibre de notre anatomie qui ne soit sollicitée. Du touché à l'odorat, en passant par l'ouïe, la vue et le goût, Alain Claret sème la confusion et joue sur la perte des repères. Ici, point de narration linéaire, mais des allers-retours suscités par la mémoire des sensations.
Cette exploration de notre inconscient et pour le moins déroutante, et je dois avouer que j'ai perdu pied au tiers du livre. Mais comme une personne qui se noie, je me suis accrochée aux éléments tangibles, flottants ça et là. Et j'ai bien fait. au deux-tiers du récit, j'ai trouvé ma planche de salut et je m'y suis amarrée pour assister, le souffle court, à la tempête finale.

Il y a quelque chose d'hypnotique dans l'écriture d'Alain Claret. Il réussit avec de simples mots, à nous faire percevoir la douleur d'une mère, l'horreur de la traque mais aussi la beauté dans tout ce qu'elle a d'aveuglant et complexe.

La fin m'a semblé vraiment trop abrupte, mais sachant que ce dénouement n'en est pas un, puisque ce n'est que la fin de l'épisode et non de l'histoire, je suppose que les clés qui me manquent sont quelque part dans les prochains opus des aventures de Janet et Craven.

Quoiqu'il en soit, lire un roman d'Alain Claret, c'est entrer dans une expérience littéraire hors-normes dont on ne sort pas indemne. Pour comprendre ce que je dis, il faut s'abandonner à cette écriture si particulière, ce que je ne peux que vous recommander chaudement.

Pour mieux découvrir cet auteur, ne ratez pas l'interview exclusive qu'il a accordée au Biblioblog.

Du même auteur : Clichy Section, Si le diable m'étreint, Tout terriblement, Que savez-vous des morts? et Paysage sombre avec foudre

Extrait :

La Vieille eut à peine le temps de sentir une bouffée de chaleur et une odeur de poussière et de feu effleurer son visage lorsqu'une ombre grise surgit derrière elle et bondit à la face de l'homme. Le loup attrapa l'homme à la gorge et le renversa en arrière, il s'écroula dans un fracas de verre et de chaises renversées, bascula sous le poids de l'animal par-dessus la table derrière lui et retomba lourdement sur le sol, le loup accroché à sa gorge. La Vieille vit l'animal qui tirait l'homme par la gorge au milieu de la pièce, secouant brutalement la tête dans des éclaboussures de sang, un grondement continu s'échappait de sa gorge comme les roulements d'une machine de guerre. L'homme avait le visage et la poitrine rouges de sang, la tête ballottant aux yeux exorbités qui semblaient regarder dans tous les coins de la pièce. Le loup raffermit encore sa prise, enfonçant avec des grognements rauques sa gueule dans le cou de l'homme, les bras battaient le sol comme ceux d'une marionnette, les jambes raidies soulevèrent le corps dans un arc de douleur, la tête fit un angle impossible avec les épaules et le corps retomba mollement, comme un sac agité de soubresauts et ne bougea plus. Le loup traîna encore une fois le corps sur plus d'un mètre puis s'immobilisa, la gueule plongée dans le sang, les pattes tremblantes griffant le parquet. Il continuait à grogner, aspirant le sang de l'homme, le secoua une dernière fois, aspergeant de sang le mur crépi de la cheminée puis il lâcha sa proie.
La Vieille, tel un piquet panté dans la neige vit la gueule et le poitrail sanglant du loup avancer vers elle. Elle eut l'impression que tout le monde tournait devant ses yeux avec une lenteur épouvantable. Lorsque les yeux de l'animal accrochèrent les siens, elle sentit un flot de larmes monter dans sa poitrine et sa vie qui errait sur les champs de neige afflua de partout pour réintégrer son corps maigre et fatigué.
Elle suffoqua, regarda le loup au fond de ses yeux sans âge et, comme si elle le reconnaissait, ou comme si elle avait lu son nom écrit dans le sang, murmura : Craven... avant de tomber comme un tronc sur le sol gelé.

couverture
Éditions Robert Laffont - 337 pages