La narratrice de ce roman intime est une Servante écarlate. Dans la nouvelle société fascisante et patriarcale où elle vit, les femmes sont confinées à différents rôles : les Martha aux tâches ménagères, les Épouses au tricot pour les soldats, les Servantes écarlates à la procréation. Tout est régi, chaque rôle, chaque geste, chaque parole. Régi et surveillé. Comme la guerre fait rage ailleurs, on ne sait trop où, cette société se voulant parfaite est refermée sur elle-même.

Puisque le taux d’infertilité est devenu une menace à la survie, les femmes en mesure de procréer deviennent des esclaves pour le bien du pays. Elles sont prêtées aux chefs du gouvernement, les Commandants, et portent les enfants qui feront la fierté de ces messieurs et de leurs Épouses. Nous suivons l’intimité d’une de ces femmes qui est affectée auprès d’un Commandant et qui se rappelle sa vie d’avant, sa liberté, l’homme qu’elle a aimé, la fille qu’elle a eue et qu’on lui a arrachée. Sa mère militante féministe, son amie de tout temps, lesbienne et rebelle, sa vie à l’école de réforme. Tentant de sauver sa mémoire des ruines aseptisées où elle évolue de son mieux, elle décrit ce monde d’hypocrisie caractéristique de toute société totalitaire, où tous transgressent les règles en catimini, tout en surveillant le voisin.

La servante écarlate est un roman d’anticipation qui n’anticipe pas le meilleur, surtout pas pour les femmes. À sa façon, il dénonce aussi une situation qui perdure même en Occident : un certain contrôle du corps féminin. En ce début de XXIe siècle où il est de plus en plus bien vu sur la scène publique d’entretenir une certaine nostalgie pour un monde où l’organisation sociale s’appuyait sur des rôles traditionnels bien définis, le roman semble toujours d’actualité. Autre lien intéressant avec l’actualité, dans le roman, Margaret Atwood laisse croire que l’infertilité dont on accuse les femmes serait peut-être le fait des hommes. Quand on sait que la qualité du sperme (nombre de spermatozoïdes) diminue sans cesse en Occident et que les chercheurs s’enfargent dans des explications sans grande conviction (environnement, téléphones cellulaires, OGM, etc.) on se dit que l’anticipation nous rattrape. Et qui sait comment peut réagir une société quand sa reproduction ne lui semble pas assurée ?

Margaret Atwood est connue pour être une écrivaine féministe, mais ne laissez pas ce mot vous faire peur. Habile, elle nous entraîne dans un monde qui semble à la fois très lointain et très familier. Personnellement ce roman écrit comme un journal intime m’a dévorée. Dans le club de lecture dont je fais partie certains y ont vu un ton trop plaintif. Personnellement j’ai senti de la souffrance et le poids insupportable d’une certaine résignation devant des situations où toutes les issues semblent bloquées. Où on vous empêche même de mourir.

Et pourtant, quelque part l’humanité survit, courageuse et révoltée.

Du même auteur : Œil-de-chat

Par Catherine


Que dire après cette lecture ?? Juste envie de dire combien j’en sors effrayée. Effrayée par cette horreur de société, par le traitement infligé aux femmes – les servantes écarlates, les marthas, les épouses mêmes – soi-disant pour les protéger. Cela ne peut être qualifié d’humain. Je ne sais pas, non, je ne pourrai pas vivre dans une telle société parce que c’est purement et simplement la description d’une machine à broyer les êtres.

Le cri du cœur étant poussé ;-) – je peux vous dire que ce livre est extrêmement bien écrit. On reste captivé par ce récit, l’horreur décrite sur un ton sobre, sans un mot de trop. Normal, la narratrice ne peut se permettre d’exprimer ses pensées intimes au risque de subir de graves sanctions voire de mettre sa vie en danger. L’horreur réside dans le fait que l’on ne peut s’empêcher de songer qu’il ne faudrait pas grand chose – une volonté politique, religieuse – pour que ce type de société existe réellement de nos jours. Cela tient vraiment à peu de choses.

M. Atwood a magistralement bien rendu la pesanteur de cette vie quotidienne où les pensées, les actes les plus intimes des femmes… et par ricochet des hommes aussi, sont contrôlés, que les êtres vivent tous sous la hantise, la terreur d’une dénonciation pour une parole, un geste, un silence… Mais que dire d’une société qui régit tout, contrôle ainsi les femmes. Les hommes en sont-ils plus heureux ? Non, je ne le pense pas. Et puis, M. Atwood le montre bien. Dès lors qu’une oppression pèse sur l’être humain, ce dernier est viscéralement poussé à résister. Son humanité est sa force, son instinct de survie agira.

J’aime ces romans qui vous font réfléchir et donnent l’alerte. Margaret Atwood a écrit là un livre magistral, très intelligent (je ne vous dévoilerai pas la surprenante chute) contre le fanatisme et pour les droits des femmes sans pour autant tomber dans la facilité. La vie est maintenant et dans une société où les hommes et les femmes vivent ensemble.

Maintenant, je me hâte de faire circuler ce livre. Il fait partie, à mon sens, de ces livres qui doivent être lus par le plus grand nombre.

Dédale
avril 2007


Il assez délicat de parler d’un livre avec lequel le courant n’est pas passé… Comme dit Laurence, il s’agit d’une rencontre ratée.
Pour l’instant, toutes les critiques et les retours sont élogieux et le roman circule. Pourtant, je me pose à contre-courant car vraiment, j’ai du me forcer à en finir la lecture.

Qu’est-ce qui a fait que ce roman ne m’a pas emballé ?
Tout d’abord, la couverture. Je ne l’ai trouvé attirante en aucune manière.
Le titre qui ne me disait pas grand-chose et pourtant j’en avais lu le résumé sur la critique et les commentaires posés. Mais non. Bof. Sans plus.
Enfin, l’histoire. Un récit d’anticipation à la sauce Orwell style 1984 présentant un monde fade, plat, sans aucun attrait, hiérarchisé à l’extrême. J’ai envie de dire : voila un énième roman sur l’uniformisation de la société.

J’ai été totalement incapable de me représenter cet univers, de m’identifier à ce personnage, de comprendre ses peurs, ses doutes et même de comprendre la chronologie de l’histoire que j’ai trouvé parfaitement décousue. Entre les souvenirs de sa vie « normale », son formatage à l’école, la description de ses obligations. Tout cela m’est complètement passé au-dessus de la tête. D’ailleurs, je ne sais pourquoi, je n’ai pas réussi à m’imaginer le personnage avec son âge. Pour moi, il s’agissait d’une jeune fille, mais alors comment intégrer le fait qu’elle eût été mariée, puis soit retournée à l’école des Servantes après… Bref, plein d’incompréhension.
De plus, je dois rajouter que je n’ai trouvé aucun rythme à l’écriture, je me suis profondément ennuyé, et l’intrigue, le but, le pourquoi du roman m’a totalement échappé. Aucune action, seulement des descriptions et des commentaires a posteriori, peu de dialogues et beaucoup de jugements sur les gens.
S’ajoute à cela le ton du livre, l’écriture de l’auteur, résolument féminine, voire féministe. Un style avec lequel je ne suis pas à l’aise. Un style que je rapprocherai, dans ma perception (et au grand dam de beaucoup de mes connaissances) de celui de Robin Hobb que je n’arrive pas non plus à lire (pourtant j’ai bel et bien essayé, jusqu’au cinquième volume…).

Mais non, rien n’y fait.
L’alchimie n’a pas pris.

Par Cœur de chene
novembre 2007


Extrait :

Quand je sortirai d’ici, si jamais je suis capable de mettre ceci par écrit, sous une forme quelconque, même celle d’une voix s’adressant à une autre, ce sera encore une reconstitution, à un degré d’écart de plus. Il est impossible de décrire une chose exactement telle qu’elle est, parce que ce que l’on dit ne peut jamais être exact, il faut toujours laisser quelque chose de côté, il y a trop d’éléments, d’aspects, de courants contraires, de nuances ; trop de gestes qui pourraient signifier ceci ou cela, trop de formes qui ne peuvent jamais être complètement décrites, trop de saveurs dans l’air ou sur la langue, de demi-teintes, trop. Mais s’il se trouve que vous êtes un homme, quelque part dans l’avenir, et que vous avez survécu jusque là, surtout n’oubliez jamais ceci : vous ne serez jamais soumis à la tentation de croire que vous devez pardonner comme une femme se doit de le faire. C’est difficile d’y résister, croyez-moi. Mais souvenez-vous que le pardon est aussi un pouvoir. Le mendier est un pouvoir, le refuser ou l’accorder est aussi un pouvoir, peut-être le plus grand de tous.

Il se peut que rien de tout ceci n’ait à voir avec l’autorité. Il se peut qu’il ne s’agisse pas vraiment de savoir qui peut posséder qui, qui peut faire quoi à qui et s’en tirer indemne, même s’il y a eu mort. Il se peut qu’il ne s’agisse pas de savoir qui a le droit de s’asseoir et qui doit être à genoux, ou debout, ou couchée, jambes écartées et ouvertes. Peut-être s’agit-il de savoir qui peut faire quoi à qui, et être pardonné. N’allez pas me dire que cela revient au même.

couverture
Éditions Robert Laffont - 510 pages