C'est ce fameux coffre que Chantal de Rosamel se propose donc d'ouvrir. À l'intérieur, 19 destinations (de l'Islande à la Guyane en passant par le Sahara) et 19 rencontres avec des objets plus ou moins insolites.
Les récits, très courts, sont souvent accompagnés de la photographie de l'objet-souvenir évoqué. Au milieu de cette caverne d'Ali Baba, vous découvrirez entre autres "La corne du grand Koudou" ou "La limule du Cap-Cod".
La préface de l'auteure m'avait immédiatement interpellée : "Mais quand la nostalgie de je ne sais quoi me prend, probablement du passé, car ce fut pour moi une époque merveilleuse, j'ouvre le coffre, je sors ces témoins l'un après l'autre sur le tapis, et laisse les souvenir m'envahir.". C'est donc pleine de bonnes intentions que j'ai entamé cette lecture.
Pourtant, bien vite, je me suis retrouvée sur le bord de la route. C'est même avec une certaine indifférence que j'ai lu les différents récits. Je me suis alors dit que cela tenait au type même de l'entreprise : les souvenirs étant de l'ordre de l'intime, il est difficile pour quiconque ne les a pas vécus, et ne connaît pas la personne qui les raconte, de ressentir de l'empathie.
Mais plus tard, en y repensant, je me suis aperçue que ce raisonnement ne tenait pas la route, et je me suis rappelée Le Minuscule Inventaire de Jean-Philippe Blondel : lui aussi ouvre un coffre pour nous raconter l'histoire des objets qui ont marqué la vie de son narrateur. Or ce livre m'a bouleversé. Comment expliquer alors que deux livres, adoptant le même type de schéma narratif, puisse provoquer en moi des réactions si différentes ?
Peut-être cela se résume-t-il à une histoire de style ?
L'écriture de Chantal de Rosamel, en dehors de quelques répétions malvenues, manque de légèreté, d'éphémère... de magie pour tout dire. On reste sur sa faim certaines fois on voudrait qu'elle développe, qu'elle nous conte une belle histoire, qu'elle nous surprenne. Mais j'ai eu l'impression que ces récits n'étaient qu'un collage plus ou moins heureux, de souvenirs qui eux devaient sûrement l'être (heureux). Au final, je n'ai pas réussi à entrer dans l'univers de ce coffre, à mon grand regret d'ailleurs. Peut-être ces histoires n'étaient pas faites pour être écrites, mais racontées de la bouche de celle qui les a vécues, le soir, au coin du feu.
Extrait :
Le cœur de pierre
Viviane, mon amie journaliste, possède une foule d'amis aux quatre coins du monde. Elle est pleine de qualités et se lie facilement. Le contraire serait donc surprenant. Nous voyageons parfois ensemble pour notre plus grand plaisir et il nous arrive souvent des aventures mémorables.
Cette fois-là, nous revenions d'un reportage sur le charmant village de Saint-Céré dans le Lot, réputé pour le château qui fut la demeure du célèbre créateur Lurçat, la galerie qui présente quelques-unes de ses plus belles tapisseries, et bien sûr pour sa gastronomie. On mage et on boit bien dans la région ! Le déjeuner : potage exquis, truite tout juste pêchée, foie gras mi-cuit parfait, magret fondant aux pommes sarladaises, et gâteaux de noix, le tout bien arrosé, fut mémorable !
Elle m'avait décidée à l'accompagner ensuite chez de bons amis à elle qui n'habitaient pas loin de là, et après quelques jours délicieux à flâner dans le coin, nous sommes allées nous baigner dans petite rivière locale. C'est lors de ce bain que j'ai trouvé sur la berge parmi quantité de cailloux anonymes, celui-là, qui avait la forme parfaite d'un cœur. Un joli cœur de pierre grise, assez dense, avec un liseré blanc. J'ai voulu l'offrir à Viviane, afin qu'elle rapporte ce cœur symbolique à son ami Pierre. Elle a refusé, prétextant son poids... Je pensais que ce cœur, tout à la fois harmonieux, gris et lourd, illustrait parfaitement les rapports passionnels de ce couple qui fait de la torture mutuelle un vrai passe-temps.
J'ai donc gardé le caillou qui me plaisait justement à cause de son poids, le poids d'un vrai cœur de chair, longtemps après mon retour à Paris. Il me servait de presse-papier. J'y tiens beaucoup, mais il a lui aussi trouvé sa place dans le coffre...
Éditions Henry - 94 pages
Commentaires
jeudi 31 janvier 2008 à 18h05
Il se trouve que j’ai lu ces deux petits livres. Je me demande comment vous pouvez comparer les ouvrages? L’un, un véritable roman, raconte avec émotion les objets de sa vie qu’il met en vente après son divorce. Les souvenirs du temps passé lui reviennent en mémoire, entourés d’une atmosphère bien particulière teintée de nostalgie. L’autre raconte avec une sobriété un peu sèche (le style journaliste?) des objets sans passé, récoltés au cours de voyages, et s’attache surtout à les décrire ainsi que le lieu et les circonstances de leur découverte. Le ton en est certes très différent, car l’auteur ne s’implique pas bien dans ces histoires, mais la façon très jolie de les raconter révèle beaucoup sur sa personnalité. Qui se tient volontairement en retrait. Les histoires sont inégales, certaines plus attachantes que d’autres, et vous citez justement la moins intéressante de toutes...Pour moi j’ai beaucoup aimé le baiser d’Islande, la vipère de Keffren, la coco-fesse de Pralin et les autres. ..et j’ai appris bien des choses que j’ignorais. Mais en tant que professeur de Lettres Françaises, je regrette que l’auteur ne nous ait pas fait part, comme l’annonçait la préface, de l’émotion que suscite en elle ces retrouvailles avec le passé. Volkhard Heinrichs
jeudi 31 janvier 2008 à 18h38
Cher(e) Volkhard Heinrichs
je crois que c'est la première liberté de chaque lecteur d'apprécier ou non une lecture. Quant à l'association elle m'est venue naturellement, je ne vois donc pas pourquoi je n'en aurais pas fait part. Ce n'est pas parce que vous ne l'avez pas ressenti ainsi que ma lecture est "fausse". Je ne pense d'ailleurs pas qu'il puisse exister un seule lecture véritable pour chaque ouvrage, mais autant de lectures que de lecteurs, et ce que je propose dans ce billet n'est que mon humble avis.
Je comprends que vous ayez pu aimer ce livre, et ne cherche nullement à contester votre vision des choses, bien au contraire, c'est dans la multiplicité des avis qu'est la richesse. Je vous serais donc grée de faire de même.
dimanche 10 février 2008 à 20h16
Je suis touchée que vous ayez pris la peine de lire attentivement ce petit livre sans prétention, et quelque peu blessée par vos commentaires. Le but n’en était pas d’émouvoir , ni même de charmer, mais de raconter le plus simplement possible certaines situations vécues, et que j’ai adorées, à travers des objets découverts par hasard , juste parcequ’ils sont intéressants et ont comptés pour moi. Je ne voulais pas les oublier. Ecrire d’un jet ces histoires m’a bien amusée, et comme j’ai trouvé rapidement un éditeur auquel elles ont plu, je ne les ai sans doute pas assez travaillées! Mais je trouvais le style alerte et les textes très agréables à lire. Apparemment c’était une erreur! et voilà une bonne leçon de modestie dont je vous sait gré.
Vous le comparez au joli roman de Blondel. C’est lui faire beaucoup d’honneur...j’aurais beaucoup aimé avoir l’imagination et le souffle de cet écrivain. Je ne suis qu’une modeste journaliste...( je découvre aujourd’hui ce site sur internet sans quoi j’aurais répondu plus tôt! C’est bien de pouvoir discuter!!!)
dimanche 10 février 2008 à 20h27
Bonsoir Chantal,
tout d'abord je vous remercie de venir vous exprimer ici. Et puis, comme je l'ai spécifié plus haut, ce ne sont que mes impressions de lecture, cela n'engage donc que moi, et ne vaut pas pour "vérité absolue". C'est d'ailleurs le principe de ce lieu : rendre compte au jour le jour de mes différentes lectures, le plus honnêtement possible. Or une lecture est un phénomène forcément subjectif. Mais je suis interpellée quand vous dites avoir écrits ces histoires simplement pour ne pas les oublier. Il me semble que quand on fait la démarche de la publication, on cherche à provoquer une émotion chez le lecteur, quelle qu'elle soit, non? En tout cas, je suis navrée de vous avoir blessée, tel n'était pas le but.
dimanche 10 février 2008 à 23h02
Bonsoir Laurence, c'est drôlement gentil de répondre aussi vite! Vous passez la journée devant votre ordinateur? Vous avez raison, en général c'est le but. Mais je n' ai pas pensé à ça,je voulais rester sobre et, comme le dit le professeur Heinrichs, ne pas y mettre de sentiments. Peut-être en suis-je incapable? l'écriture journalistique vous assèche. On est tenu au nombre de signes,les textes doivent être brefs, relater juste l'essentiel, sans états d'âme. Votre critique est excellente pour moi, et si je me sens le courage d'écrire encore, je m'en souviendrai! Ceci dit, publier vous expose, et c'est bien normal que chacun donne son avis! Ici ils sont partagés: certains de mes amis préfèrent en effet quand je raconte...Mais dites moi comment vous avez
trouvé ce travail- si s'en est un et si ce n'est pas indiscret?
lundi 11 février 2008 à 18h40
Bonsoir Chantal. En fait, quand vous avez écrit votre premier commentaire, j'étais en train de mettre le site à jour, ce qui explique la rapidité de ma réponse. Par contre, je ne comprends pas très bien votre question... Quel travail? Ce blog? Mais il ne s'agit pas d'un travail, plutôt d'une envie littéraire de partage. Et je n'ai pas eu besoin de le trouver, puisque je l'ai créé.
mardi 12 février 2008 à 00h25
Bonsoir Laurence, c'est bien sympa de se parler comme ça!je ne corresponds d'habitude que par skype, acr j'aime bien voir mes correspondants. Oui, je me demandais si vous ne travailliez pas pour une maison d'édition ou qqchose dans le genre.Ce qui aurait été aussi très bien.Alors bravo! Comment marche votre site? Comment avez vous connaissance de ce genre d'ouvrage (je parle du coffre)édité en province et pratiquement inconnu des médias (malgré envoi à quelques confrères et assez peu de résultats).
mardi 12 février 2008 à 20h31
Bonsoir Chantal, en fait je suis assez curieuse de ce que peuvent proposer les petites maisons d'éditions. C'est donc en flânant sur le site des éditions Henry que j'ai découvert votre livre.
quant à savoir comment marche le site, vous avez le billet de présentation (en haut à gauche : à savoir). si vous voulez que l'on en parle plus longuement, le plus simple serait peut-être de m'envoyer un mail (colonne de gauche gauche : contact) 