L’Auteur

Il me semble intéressant avant toute chose de rappeler qui était l’auteur de cet ouvrage. J.R.R. (pour John Ronald Reuel) Tolkien est un être atypique né en 1892 à Bloemfontein en Afrique du Sud. En 1915 on le retrouve à Oxford où il s’occupe en jouant au Rugby et en créant déjà des langages imaginaires basés sur ses connaissances en philologie, ainsi que des poèmes épiques ayant pour cadre un pays Elfe, Les Terres du Milieu. 1925, il est enseignant au College d’Oxford et anime une chaire de philologie et d’étude des langages. 1937 voit la publication de son premier roman, The Hobbit. La suite ne paraît qu’entre 1954 et 1956 et il faudra attendre le milieu des années soixante et une parution en poche pour que les ventes décollent et qu’il connaisse une notoriété éclatante. Parallèlement, il n’arrête pas de revoir et recorriger le texte du Silmarillion qui ne sera finalement pas publié de son vivant. Tolkien s’éteint près d’Oxford en septembre 1973, deux ans après sa femme. Et pour la petite anecdote, sous leurs noms respectifs gravés sur la pierre, on peut lire Lúthien pour sa femme, et Beren pour lui…
Pour approfondir la biographie de Tolkien cliquer ici.

L’auteur n’est déjà pas un personnage commun. Un professeur émérite d’Oxford, un passionné de mondes imaginaires, un linguiste reconnu. Un savant mélange ;)

Les Races

Une des premières choses que l’on remarque lorsqu’on lit le SdA est la répartition des personnages en « races ». Beaucoup de gens sont rebutés (pour ne pas dire choqués) par l’emploi de ce terme considéré comme péjoratif et discriminatoire. Pourtant, si aujourd’hui dans le langage courant nous hésitons à l’employer, il faut savoir que dans l’univers du Merveilleux et de la Fantasy il relève simplement d’un constat. Le monde est peuplé d’êtres qui ne sont pas tous humains et il faut donc entendre ici le terme race comme synonyme d’ethnie sans y voir un quelconque propos raciste dont Tolkien lui-même d’ailleurs s’est toujours défendu.

Les races présentes dans le SdA sont empruntées aux mythologies nordiques dont Tolkien était féru (de même que l’histoire principale avec l’Anneau peut aisément se rapprocher du mythe des Nibelungen).
Nous croisons donc au fil des pages des Nains et des Elfes, des Gobelins, des Orques, des Hommes, quelques êtres étranges et effrayants comme Arachné ou le Balrog mais aussi d’autres plus sympathiques et authentique création de Tolkien ainsi que héros de l’histoire : les Hobbits.
De manière globale, chaque race à une allégeance claire au Bien ou au Mal (sauf les Hommes dont je pense qu’il n’est pas nécessaire de développer l’esprit versatile :) ) et les variantes que l’on connaît maintenant dans la littérature (Elfes Noirs, Demi-Orcs, Nains géants…) ne seront amenées que plus tard avec la création de Donjons & Dragons et la popularisation du Jeux de Rôle.
Ainsi, les Hobbits, les Nains et les Elfes sont-ils du côté du Bien tandis que les Gobelins, les Orques, les Trolls et les Hommes des royaumes du Sud sont au service de Sauron, l’incarnation du Mal dans l’œuvre.
Certains personnages sont plus difficiles à cerner et leur appartenance à une race particulière n’est pas mise en évidence. Ainsi en est-il de Gandalf et de Saroumane qui bien que d’apparence humanoïde appartiennent en fait à la race des Istari, seule race dans le monde des Terres du Milieu à maîtriser une forme de magie.
Sauron, quant à lui, n’est pas de ce monde (si je puis m’exprimer ainsi). Il n’est en fait que la survivance d’un passé ancien connu sous le nom de Premier Âge (le SdA se situe au Troisième Âge) qui a vu la défaite de son maître Morgoth. Sauron n’est en fait que le serviteur de Morgoth, un être habité par une haine féroce qui persiste à vouloir détruire les Terres du Milieu. Sauron fait partie de la race des Maiar, les Serviteurs.
Serviteurs de qui ? Serviteurs des Valar. (Vous suivez toujours ?) Les Valar sont une sorte de dieux habitant sur un continent séparé des Terres du Milieu, Valinor. C’est vers ce continent que voguent les Elfes quittant les Havres Gris, de même que Frodon accompagné de Gandalf à la fin du SdA.

On commence à ressentir la complexité du monde créé par Tolkien ? ;) Ce n’est pas évident mais c’est tellement riche… (Pour mémoire, les éditeurs ont fourni des Appendices au SdA comprenant une Chronologie des Terres du Milieu, un précis de grammaire pour l’Angerthas et le Quenya, plusieurs arbres généalogiques et une section complète concernant les calendriers utilisés par les Hobbits et par les Hommes)

Voici un court mémo sur les races et les quelques personnages importants croisés dans Le Seigneur des Anneaux :

Les Elfes sont réputés immortels. "Car les Elfes ne meurent pas que ne meure le monde, à moins qu'ils ne soient tués ou qu'un deuil ne les frappe (à ces deux formes de mort ils semblent être soumis). L'âge laisse leur force intacte, à moins qu'ils ne se lassent de mille et mille siècles, et quand ils meurent ils se retrouvent à Valinor, dans les Palais de Mandos, d'où ils peuvent sortir au bout d'un certain temps." Le Silmarillion.
Ainsi, Elrond est âgé de plus de mille ans lorsqu’il consent la création de la Communauté de l’Anneau. Legolas, quant à lui, est un Elfe de haute lignée puisqu’il est le fils de Thranduil, le Seigneur des Elfes de la Forêt Noire. Archer habile, il est un compagnon léger et joyeux pour la Communauté de l’Anneau et un ami véritable.

Les Nains sont des artisans hors pair. « Comme les Nains devaient naître à l'époque où Melkor faisait peser son joug, Aulë leur avait donné une grande endurance. Ils sont donc durs comme le roc, obstinés, prompts à l'amitié comme à l'hostilité, et ils résistent mieux à la peine, à la faim et à la souffrance que tous les êtres parlants. » Le Silmarillion.
Connus pour leur habileté à travailler les métaux, ils sont aussi bourrus et grincheux que travailleurs. "Les Sindar [les Hauts Elfes] apprirent très vite à faire des armes, mais personne ne surpassa les Nains dans l'art de tremper l'acier, pas même les Noldor ; et pour les cottes de mailles, d'abord inventées par les armuriers de Belegost, isl n'eurent pas de rivaux." Le Silmarillion.
Ils font de redoutables guerriers et des amis indéfectibles.

Les Hobbits sont un peuple pacifique et insouciant. Ils vivent en marge du monde, plus connus par les légendes que par leurs hauts-faits grâce, notamment, à leur don pour le camouflage et la discrétion que les Hommes associent très souvent à de la magie. En réalité, ils n’ont que deux passe temps : faire la fête et fumer la fameuse Herbe à Pipe (dont la meilleure vient de la feuille de Longoulet, si si !). Cependant, comme le remarque Gandalf, « Les Hobbits sont vraiment des êtres étranges. On peut apprendre en un mois tout ce qu’il y a à connaître de leurs façons, et puis après un siècle ils peuvent encore vous étonner au besoin. » (Livre I, Ch. 2) Ils sont également appelés Semi Hommes en raison de leur petite taille (environ 1m).

Les Gobelins comme les Nains (dont ils sont les ennemis héréditaires) sont des êtres souterrains. Vils et cruels, ils se distinguent par leur stupidité et leur avidité.

Les Orques sont une race foncièrement mauvaise. Ils ont été créés par Morgoth dès avant le Premier Âge à partir d’Elfes qui ont été torturés et mutilés. "Pourtant, on dit en Eressëa que tous ceux des Quendi qui tombèrent entre les mains de Melkor [= Morgoth] avant le démantèlement d'Utumno furent jetés en prison, qu'ils furent corrompus et réduits en esclavage après de longues et savantes tortures, et c'est ainsi que Melkor créa la race hideuse des Orques, dans sa haine jalouse des Elfes, dont ils furent ensuite les ennemis les plus féroces." Le Silmarillion.
Ils sont puissants et font de redoutables guerriers, à ceci près qu’ils ne peuvent pas se déplacer sous la1 soleil. Ils vivent donc sous terre et ne sortent que la nuit.

Les Uruk-Hai sont créés par Sauron durant le Troisième Âge. Leur création est d’ailleurs relatée dans le SdA. Ils sont globalement plus forts et plus endurants que les Orques et surtout ne craignent pas de se déplacer sous la soleil.

Les Nazgûl appelés aussi Esprits Servants de l’Anneau ou Spectres de l’Anneau ne sont pas une race à part mais font partie du genre humain (eh oui ;) ). Ce sont les serviteurs les plus fidèles de Sauron car ils obéissent à sa pensée et grâce à leur immortalité conférée par la corruption de l’Anneau, ils vont servir Sauron jusqu’à la destruction de l’Anneau. Ils sont en fait le résultat de l’utilisation du cadeau de Sauron fait aux Hommes du Deuxième Âge : les Neufs Anneaux de Pouvoir : "Un par un, l'un après l'autre, selon leur force première et le bien ou le mal qui les avaient poussés au départ, ils devenaient esclaves de l'Anneau qu'ils portaient et tombaient sous l'empire de l'Unique, celui de Sauron. Ils devenaient invisibles à jamais et pour tous, sauf le porteur du Maître Anneau, et ils entraient au royaume des ombres. C'étaient les Nazgûl, les Spectres de l'Anneau, les plus terrifiants serviteurs de l'ennemi." Le Silmarillion.

Gollum est lui aussi une victime (collatérale) du pouvoir de Sauron. En effet nous apprenons qu’il est considérablement âgé (plus de 500 ans) et que sa détérioration tant physique que mentale est due à l’effet corrupteur de l’Anneau. De son vrai nom Sméagol, Gollum est un Hobbit. La découverte de l’Anneau fait rejaillir de manière consciente la haine qu’il porte en lui. Chassé de sa communauté, il se terre durant de longs siècles sous la terre, se nourrissant de cadavres et de poissons. « Au plus profond de ces lieux, près de l'eau noire, vivait le vieux Gollum, une créature petite et visqueuse. Je ne sais d'où il était venu, j'ignore qui et ce qu'il était. C'était Gollum - aussi ténébreux que les ténèbres, à l'exception de deux grand yeux pâles et ronds dans son visage mince." Bilbo le Hobbit.

Gandalf et les Istari. Gandalf est à l’origine un Maia comme Sauron. Il vit avec les Valar sur le continent de Valinor mais est envoyé sur la demande de certains en Terre du Milieu. Il devient alors un Istari, un détenteur du Pouvoir (on dirait un magicien) et un membre du Conseil Blanc présidé par Saroumane. Les Istari sont les seuls êtres vivants à accéder et à maîtriser une forme de magie. Il passa plusieurs siècles à voyager, traversant les Terres du Milieu, rencontrant tous les Peuples Libres, aidant lorsqu’il le pouvait. Il est à l’origine de l’aventure de Bilbon (Bilbo le Hobbit) qui amena la découverte de l’Anneau. Plus tard, convaincu de la nature et du rôle de l’Anneau, c’est lui qui poussa Frodon à se rendre chez Elrond et il fut également nommé Guide de la Communauté de l’Anneau. Jusqu’à son combat dans la Moria contre un Balrog, il est connu sous le nom de Gandalf le Gris. Cependant, sa mort dans la Moria le renvoie chez les Valar qui le nomment à la tête du Conseil Blanc et il réapparaît donc devant Aragorn, Legolas et Gimli sous sa vraie nature, celle du Maia Gandalf le Blanc, magicien extrêmement puissant et porteur de Narya, l’Anneau de Pouvoir de Feu.

L’Anneau peut certainement être considéré comme un personnage à part entière. Forgé par Sauron dans les Forges de la Montagne du Destin, il est l’Anneau Unique, l’Anneau de Pouvoir, le Maître Anneau, le réceptacle d’une partie des pouvoirs de Sauron et le catalyseur de sa puissance. Créé après les Anneaux de Pouvoir, il a la capacité de tous les gouverner. Le poème d’ouverture du roman est d’ailleurs suffisamment éloquent à ce sujet :

Un Anneau pour les gouverner tous. Un Anneau pour les trouver,
Un Anneau pour les amener tous et dans les ténèbres les lier
Au Pays de Mordor où s'étendent les Ombres.

Aux mains d’un mortel, l’Anneau possède des pouvoirs d’un ordre plus « pratique ». Il permet en effet à son porteur de se rendre invisible et lui procure un allongement indéfini de sa vie.

Les Anneaux de Pouvoir ont été les vecteurs de la chute des Anciens Royaumes et de la montée en puissance de Sauron. Au Deuxième Âge, celui-ci se présente aux Elfes sous une belle apparence et leur apprend l’art de la forge, notamment au sujet de la fabrication d’anneaux et des pouvoirs qu’il était possible de leur conférer. Peu après, les Elfes produisirent les Anneaux de Pouvoir et ceux-ci étaient distribués aux Responsables des Grandes Races selon la répartition décrite dans le poème :

Trois Anneaux pour les Rois Elfes sous le ciel,2
Sept pour les Seigneurs Nains dans leurs demeures de pierre,
Neuf pour les Hommes Mortels destinés au trépas.3

Pendants que les Elfes forgeaient ces anneaux, Sauron s’attelait à la création du Maître Anneau afin que tous tombent en son pouvoir.

La Géographie :

« Ceux des Ainur qui le voulurent se levèrent et entrèrent dans le Monde au commencement des temps, et ce fut leur tâche que de l'achever et leur travail que d'accomplir la vision qu'ils avaient entrevue. Ils oeuvrèrent longtemps dans les espaces d'Eä, qui sont plus vastes que ne peuvent le concevoir les Elfes ou les Humains, jusqu'à ce qu'au moment assigné fût créé Arda, le Royaume de la terre. Puis ils prirent la vêture de ce monde et y descendirent et depuis lors y demeurent ». Le Silmarillion

Le monde dans lequel se déroule le récit est purement imaginaire. Cependant il est connu, répertorié, cartographié, sujet de natures mortes ou de poèmes. Les descriptions et les cartes fournies sont presque aussi précises que celles de l’I.G.N.

Dans Le Silmarillion, Tolkien narre la création du monde dans un récit baptisé Ainulindalë. Ce monde s’appelle en réalité Arda et les Terres du Milieu n’en sont qu’une partie.
Comme notre propre Terre, Arda est séparée en continents. D’un côté Les Terres du Milieu, de l’autre Valinor. L’existence de Valinor relève plutôt du mythe dans la mentalité de la plupart des habitants des Terres du Milieu, tandis que pour les Elfes c’est une réalité. Durant le Troisième Âge, les Elfes quittent peu à peu les Terres du Milieu car « le temps des hommes est venu » et qu’ils sentent qu’ils n’ont plus leur place dans ce monde. D’après la Chronologie établie par Tolkien, Elrond, Galadriel et Gandalf (les trois porteurs des anneaux elfiques) quittent les Terres du Milieu après la Guerre de l’Anneau en compagnie de Frodon et Bilbon (toujours vivant, âgé de 131 ans) et c’est leur départ qui marque la fin du Troisième Âge.

La Terre du Milieu est le grand continent central d’Arda. Bien que déjà énorme, le SdA ne se déroule finalement que sur une petite partie du monde imaginé par Tolkien dont les cartes extrêmement précises tant sur le plan géographique que politique sont actuellement plutôt destinées aux rôlistes évoluant dans l’univers de ce qu’il est convenu d’appeler le JRTM (Jeu de Rôle des Terres du Milieu).

Je ne détaillerai pas ici le relief des Terres du Milieu qui, comme n’importe quel pays, possède son comptant de lacs, rivières, marécages, montagnes etc. Il me paraît cependant intéressant de relever que le relief doit sa forme aux guerres successives et aux puissances dévastatrices mises en place par les belligérants lors des confrontations entre Melkor/Morgoth et les Valar. Melkor est « responsable » de l’apparition de la Terre du Milieu (Tolkien prend modèle sur notre Pangée).
Une petite anecdote sympathique : au Second Âge, des Hommes de l’île de Númenor alliés aux Elfes parviennent à capturer Sauron et l’emmènent chez eux. Les Númenoréens sont connus pour être des explorateurs téméraires. Cependant Sauron parvient à les retourner contre leurs alliés et les envoie conquérir Valinor. Cette attaque marque la chute de Númenor et la destruction de l’île par Iluvatar (comment ça, qui c’est ? Iluvatar, c’est LE créateur. Le Grand Patron des Valar…). Je ne sais pas vous, mais moi ce récit me rappelle tout à fait une certaine île dont parle Platon…

De manière générale, les Terres du Milieu sont un pays très marqué. Une chaîne de montagne (Les Monts Brumeux) les coupe en deux, empêchant quasiment toute communication entre l’est et l’ouest. Ce qui explique pour beaucoup l’aspect mythique qui entoure l’existence des Hobbits. En effet ils vivent à l’ouest, tandis que les grands lieux de peuplement d’Hommes sont à l’est et au sud des montagnes.
Les Monts Brumeux sont quasiment infranchissables. S’étalant sur près de 1200 km, ils sont la chaîne de montagne la plus longue des Terres du Milieu. La seule voie sûre d’accès se situe au sud, au lieu appelé la Trouée du Rohan. Cependant, ce passage est sous la protection de l’Isengard et de Saroumane et l’on comprend aisément avec la trahison de Saroumane que l’endroit ne soit plus très indiqué… Les autres passages sont ceux empruntés par la Communauté de l’Anneau : le Col de Caradhras (qui est l’un des principaux et plus hauts sommets) et les souterrains de la Moria. Dans un cas comme dans l’autre, la tentative de passage est suicidaire (Gandalf en fait lui-même les frais).

Le Mordor, à l’extrémité sud est de la carte connue, est une terre enclavée, entourée de montagnes aux contreforts escarpés. "Du premier côté, Sam pouvait voir la plaine de Mordor vaste et sombre en contrebas et la montagne en feu au loin. Une nouvelle agitation se soulevait dans ses puits profonds, et les rivières de feu flamboyaient avec une telle violence que, même à cette distance de plusieurs milles, la lumière en teintait le haut de la tour d'un reflet rouge." La Communauté de l'Anneau.
C’est une région qui dispose de ses propres troupes et de toute la logistique nécessaire. Le sud du Mordor est en fait (contrairement au nord qui n’est qu’un désert) une région fertile, bien irriguée, que des esclaves exploitent pour le compte des armées de Sauron.
En termes de voies d’accès, deux sont connues : la Porte Noire qui est l’entrée principale du Mordor et le col de Cirith Ungol (littéralement Passage de l’Araignée) où se cache Arachné.

La géographie tient dans le récit de Tolkien une part aussi importante que les péripéties en elles même. Les origines géographiques de chaque peuple ou membre de la Communauté servent les intérêts sous jacents dans le récit. La langue joue également un rôle prédominant puisque les lieux comme les objets sont nommés en plusieurs langues, l’Ancien Langage Elfique étant majoritaire. Les significations des noms elfiques donnent parfois une indication concernant l’histoire de telle ou telle région. Par exemple, Cirith Ungol sonne joliment à l’oreille, mais savoir que cela se traduit par Passage de l’Araignée aurait peut-être fait réfléchir Frodon… D’autres noms changent au cours des âges, reflétant ainsi l’évolution du temps et l’impact des faits sur le paysage. Ainsi, Minas Ithil, la Tour de la Lune, bâtie par Isildur pour surveiller Sauron, est prise d’assaut, abandonnée par les Hommes puis occupée par les Nazgûls. Elle devient suite à ces événements Minas Morgul, la Tour de la Sorcellerie.

La Magie dans le Seigneur des Anneaux :

J’ai à plusieurs reprises précisé que les Istari étaient les seuls êtres capables de magie dans les Terres du Milieu. Sans être fausse, cette affirmation n’est en fait que partiellement vraie. Nous allons ici voir quelle place tient la magie dans l’œuvre de Tolkien.

Il faut d’abord préciser que Tolkien répugnait à employer le terme de magie ou de magicien mais qu’il s’y est résigné faute de trouver mot plus approprié. Il en parle dans plusieurs lettres, étant soucieux de décrire parfaitement ce qu’il concevait fort bien mais miné par l’absence de vocabulaire pour le décrire.

Pour comprendre l’influence de la magie (sous n’importe quelle forme que ce soit), il faut remonter à la création d’Arda et à la venue des Valar. Arda fut créée par le chant d’Ilúvatar et les thèmes combinés chantés par les Ainur (comme raconté dans l’Ainulindalë). Au troisième thème, Ilúvatar chanta seul et son thème amena la création des Premiers Nés. Les Ainur sensibles à son chant se concertèrent et certains décidèrent de descendre sur Arda pour préparer le réveil des Premiers Nés. Ce sont ceux là qui sont nommés Valar.
Les Premiers Nés sont en fait les Elfes, la Première Race à naître sur Arda, nés directement du chant d’Ilúvatar. Les Elfes sont par essence une race magique grâce à leur création. D’ailleurs, ils ne comprennent pas l’emploi de ce terme puisque ce que les Hommes appellent Magie est en fait pour eux naturel. L’exemple le plus probant est la réaction de Galadriel face à Sam et Frodon : "Et vous ? demanda-t-elle, se tournant vers Sam. Car c'est ce que vous autres appelleriez magie, je pense, bien que je ne comprenne pas ce que vous entendez par là ; et vous avez l'air d'utiliser le même mot pour les tromperies de l'Ennemi. Mais ceci, si vous le voulez, est la magie de Galadriel. N'avez-vous pas dit que vous souhaitiez voir de la magie elfique ?" Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Le Miroir de Galadriel
Cette magie est une force inhérente aux Elfes, mais les autres races ne l’ont pas. Non, les Nains non plus… D’ailleurs, comment sont-ils nés ? Les Nains ont été façonnés dans de la terre glaise au fond d’une caverne par Aulë, l’un des Valar. Ils ne sont pas des Enfants d’Ilúvatar au sens propre du mot comme le sont les Elfes ou les Hommes, mais sont des êtres nés de l’impatience d’Aulë. D’ailleurs ils ne se sont tout de même éveillés qu’après les Elfes. Aulë s’occupe d’eux, leur apprend un langage, le Khuzdul, et l’art de la maçonnerie et de la forge. Etant lui-même amoureux de tout ce qui touche à la terre, il leur communique cet amour. Cependant, là où les Hommes voient de la magie dans les créations des Nains ne réside en fait qu’un sens artistique extrêmement développé et une habileté hors du commun. Pour finir, les Nains ne sont pas immortels comme les Elfes. Ils vivent une moyenne de 250 ans.

Dans la philosophie Tolkienienne, la magie ne s’apprend pas. Elle est inhérente aux Elfes, faisant partie d’eux même, cependant elle peut être utilisée par d’autres par le biais d’objets. Vous allez me dire : « Oui, mais tu oublies les magiciens ! » et ce n’est pas faux. A ceci près que les magiciens (les Istari pour ceux qui ont réussi à suivre ;) ) ne sont pas une race. Ce sont des Maiar habitant Valinor avec les Valar et envoyé en mission sur les Terres du Milieu. D’ailleurs, leurs noms sont différents lorsqu’ils prennent une enveloppe charnelle et sont de ce fait soumis à la mort. De plus, comme dans tout l’univers de Tolkien, ils ont leurs limites. D’abord ils ne sont que cinq, ensuite il leur est formellement interdit d’utiliser leur pouvoir en confrontation directe dans un but de domination. Deux d’entre eux, appelés Mages Bleus, disparaissent vers le début du Troisième Âge sans que l’on sache ce qui leur est arrivé. Les trois autres sont connus dans les livres du SdA sous les noms de Saroumane le Blanc, Gandalf le Gris et Radagast. Tous trois membres du Conseil Blanc, réunion initiée par Galadriel pour contrer les actions de Sauron, aux côtés de Galadriel, Elrond et Círdan, les Seigneurs Elfes.
Saroumane, le président du Conseil, tombe sous l’emprise de Sauron et trahit son ordre et sa mission. Lorsqu’il est destitué à la fin, son bâton est brisé et ses pouvoirs lui sont retirés.
Gandalf tombe dans la Moria. Son corps meurt cependant il revient à la vie à Valinor sous sa forme de Maia. N’ayant pas accompli sa mission, il est renvoyé en Terre du Milieu, défait Saroumane et prend sa place au Conseil Blanc. Il n’est cependant pas défini si lorsque Gandalf revient il le fait en tant qu’Istari sous son enveloppe charnelle ou si il révèle sa nature de Maia.
On ne sait pas grand-chose de Radagast si ce n’est que son nom signifie « épris des bêtes » et qu’il est sous les ordres de Saroumane pendant un temps. Nul ne sait ce qu’il advint de lui après la Guerre de l’Anneau et sa dernière apparition consiste à transmettre un message à Gandlaf pour lui signifier que Saroumane le demande.

Il faut noter que les Istari ont un bâton et qu’ils s’en servent dès qu’il est question d’utiliser leur pouvoir. Tout le monde à en tête l’épisode du Pont de Khazad-dûm où Gandalf frappe le sol de son bâton et déclenche par là une lumière aveuglante ainsi qu’une détonation qui fait que le Pont s’écroule sous ses pieds. A priori, le bâton sert de catalyseur pour que leur puissance inhérente puisse être utilisée comme magie.

La magie est également une magie de parole et tout comme Arda fut créée par le chant d’Ilúvatar, certains sont capables d’utiliser des mots de commandement ou de donner un pouvoir lorsqu’ils chantent, mais il faut payer un prix. L’utilisation de la magie fatigue énormément. Encore une fois cependant, il est question des Elfes et des Istari… Un être humain ne peut-il utiliser la magie alors ?

Non, les Hommes peuvent utiliser la magie, mais par le biais d’artefacts. De puissants objets qui apparaissent limités et sont souvent de fabrication Elfique. Bien sûr il y a les Anneaux de pouvoir, mais également la lumière d’Eärendil contenue dans la fiole de Galadriel utilisée par Sam, ou l’épée de Frodon, Dard (qui prend une teinte bleutée lorsque les Orcs approchent), ou bien encore Denethor et Aragorn avec les Pierre de Vision (les Palantíri).
Il peut également arriver que certains utilisent des mots de pouvoir, mais dans ce cas c’est la connaissance de ce mot qui est indispensable à l’action, un peu comme si aujourd’hui on mettait en place une reconnaissance de vocabulaire et que seuls ceux qui prononcent le mot de passe peuvent activer telle ou telle chose ou entrer. Vous vous souvenez ? « Dites "Ami" et entrez »… Seuls ceux qui prononçaient le mot « Mellon » pouvaient accéder à la Moria.

Pour finir avec la magie, il paraît utile de traiter en quelques lignes des Valar et des Maiar. Ils n’ont pas accès à la magie au sens où les Elfes s’en servent car plus que la magie, ils sont eux d’essence divine. Dans le Silmarillion, Tolkien les considère comme des « anges gardiens » descendus sur Arda afin de veiller sur elle. Les Maiar sont par extension leurs messagers. D’ailleurs leur nature est tout entière contenue dans leur nom : le mot Vala signifie « Ceux qui ont le pouvoir ». Leur pouvoir peut donc être considéré comme pouvoir divin. Par contre ce n’est pas le cas de Sauron. Même s’il est un Maia, il s’est abaissé à assouvir sa volonté de domination et par là son pouvoir divin s’est abaissé au rang de magie.

Une oeuvre magistrale de Fantasy

Loin de moi étant l’idée de faire un cours complet sur Le Seigneur des Anneaux (il y aurait encore énormément à dire sur les Langues ou les relations entre les différentes races et leur environnement) je m’arrêterai donc là pour ce qui est des clés pour la lecture.
Je voudrais maintenant revenir sur les thèmes abordés dans l’œuvre et la place que celle-ci occupe dans la littérature actuelle.

Il faut garder à l’esprit que Tolkien à mûri son œuvre 15 années durant en partageant son emploi du temps entre les cours qu’il assurait à Oxford et l’effort de guerre auquel il participait. Il faut également savoir que malgré le contexte historique, il a toujours affirmé la rupture qu’il y avait entre son œuvre et l’état du monde à cette époque. En d’autres termes, il refuse catégoriquement de faire aucune similitude entre son récit et la guerre ou les intérêts en jeu dans les années 1940.

Bilbo le Hobbit d’abord puis Le Seigneur des Anneaux par la suite marquent l’esprit des contemporains par leur originalité. Bilbo est un conte pour enfants qui a fait son chemin dans l’esprit de Tolkien durant les années où il racontait des histoires à ses enfants au coin du feu… Dans l’un comme dans l’autre on peu retrouver des thèmes similaires qui paraissent chers à Tolkien.

Le premier de ces thèmes est bien sûr l’Amitié. Je mets une majuscule car Le Seigneur des Anneaux lui redonne ses lettres de noblesse en mettant l’accent sur une amitié durable, partagée, inconditionnelle. On en serait presque jaloux tant ce qui soude l’amitié entre Legolas et Gimli par exemple nous paraît hors de portée. Elle est d’autant plus belle à mes yeux que les peuples Nains et Elfes sont (dans les mentalités) par définition ennemis. C’est un petit peu l’histoire de Legolas Montaigu et de Gimli Capulet ;)
Le deuxième « couple » important est le tandem formé par Frodon et Sam. Beaucoup plus que de l’amitié, Tolkien parle ici d’amour. Mais attention, il ne faut pas non plus le comprendre avec nos cerveaux tordus du XXème siècle en sautant aux conclusions hâtives (comme j’ai eu l’occasion de le lire) et en disant que Sam et Frodon sont des homosexuels. Non, à mes yeux il s’agirait plutôt ici de revenir au sens de l’amour que les grecs appellent Agapê (l’amour inconditionnel, qui donne, qui regarde l’autre pour ce qu’il est et non pour ce qu’il peut apporter). N’oublions pas que Tolkien était philologue et que non content de parler anglais et français, il maniait avec dextérité le latin (dès l’âge de 4 ans), le grec, le moyen anglais, le finnois ainsi que les langues qu’il a lui-même inventés (le Quenya et le Sindarin entre autre). Donc quand Tolkien parle de l’amour que témoignait Sam à Frodon, il s’agit pour moi du même amour que se témoignaient Olivier et Roland, ou plus proche de nous dans la littérature Athos et d’Artagnan, celui qui reflète ce mot célèbre : « Un ami, c’est une âme unique séparée en deux corps ».

On peut également y voir une notion de tolérance. J’écris tolérance mais c’est respect de l’autre que je veux dire. En effet, derrière tolérance on entend une notion de rejet. Je tolère quelque chose ou quelqu’un parce qu’on me l’impose, mais si ça ne tenait qu’à moi… Tandis que là, il s’agit d’une acceptation pleine et entière de l’autre et de ses différences. Le premier exemple qui vient à l’esprit est bien sûr celui des Nains et des Elfes. D’ailleurs leur relation est extrêmement intéressante car elle est au début présentée comme l’archétype du principe de tolérance que je viens d’exposer. Legolas et Gimli se supportent tant bien que mal puis finissent par trouver en chacun d’eux suffisamment de conscience pour s’apercevoir que finalement, ils sont l’un et l’autre victimes de la longue tradition de rejet imposé par leur éducation respective. Je ne saurai dire à quel moment exactement le déclic se fait. J’ai plutôt l’impression que c’est un fait amené graduellement, si bien qu’on ne sait pas trop où ça à commencé, mais le fait est qu’ils finissent ensemble sur le même cheval refusant même là de se séparer. La chronologie nous indique qu’après la Guerre de l’Anneau ils tinrent mutuellement leur promesse, Gimli faisant visiter à Legolas les beautés souterraines de la Moria et ce dernier amenant Gimli à travers la Forêt Noire. D’ailleurs la Chronologie s’interrompt avec le départ des derniers membres de la Communauté. Merry et Pippin sont morts déjà, de même qu’Aragorn lorsque Legolas et Gimli s’embraquent à leur tour des Havres Gris pour traverser l’Océan et rejoindre Valinor.
Un autre exemple intéressant à souligner et celui du trio formé par Frodon / Sam / Gollum. On pourrait presque croire à du vaudeville. Frodon et Sam avec les liens évoqués ci-dessus et Gollum qui se rajoute, tente d'amadouer l'un et l'autre. Gollum est complètement rejeté de leur intimité. Il vit la nuit, obligeant les Hobbits à faire de même, mange seul car le lembas (le pain des Elfes) lui brûle la gorge et ne prend quasiment pas part à leurs discussions ou leurs questionnements. Cependant, il est un personnage pivot. Il redoute Sam à cause de la violence dont il est capable et parce qu'il détient une corde elfique (tout ce qui est issu de l'artisanat elfique le blesse) et il cajole Frodon car il est le Porteur de l'Anneau. Comme nous l'avons vu, Gollum n'est en fait attiré que par l'Anneau et c'est finalement grâce à lui que la Quête aboutit. Comme l'énonce l'adage, nous avons toujours besoin d'un plus faible que soi et les apparences sont souvent trompeuses. Ainsi, le jugement hâtif que fait Sam (et que beaucoup de lecteurs approuvent, dont moi) est basé sur une connaissance partielle du problème et sur une conséquence immédiate : la présence de Gollum les met en danger car son but est de reprendre l'Anneau par tous les moyens possibles. Et effectivement il ne s'en sort pas si mal en conduisant les Hobbits vers Arachné. Cependant, l'attitude de Frodon, magnanime, offre à Sméagol une possibilité de rachat. Alors que Sam ferme toutes les portes et exclu complètement Gollum, Frodon est celui qui va lui tendre la main, aller vers lui et voir par-delà les apparences, les capacités que possède Gollum et parfois au cours de la lecture j'ai été étonné de voir avec quelle justesse Tolkien frappait au coeur des sentiments et des relations...

Avec l’amitié vient immanquablement le thème de la trahison. Si en effet le Seigneur des Anneaux nous brosse un aspect presque idéalisé de l’amitié, l’auteur se complaît (comme dans tous les thèmes qu’il aborde) à prendre le contre-pied de ce qu’il dit. Cependant, il n’y a pas un traître que l’on peut pointer du doigt. Tous, à un moment ou un autre, sans doute pour mettre en avant la nature des sentiments (humains ou non) ont été des vecteurs de trahison. Si ce n’est par les actes, du moins par les paroles ou la pensée. Frodon par exemple a plusieurs fois été tenté d’abandonner la lutte, de fermer les yeux et de laisser tomber la Quête, sans parler du retournement final où il désire conserver l'Anneau pour lui. Sans doute l’aurait-il fait si Sam n’avait pas été là pour le soutenir moralement. Sam, l’ami fidèle, devient un traître à travers le regard de Frodon lorsque celui-ci prend l’Anneau, après l’attaque d’Arachné. Partant d’un bon sentiment, l’entreprise n’en est pas moins considérée comme traîtrise par Frodon et le pardon est difficilement accordé.
Gollum, le personnage certainement le moins attachant de la Trilogie, dominé par le Désir et l’Envie, sentiments nés de la possession de l’Anneau, est l’objet de questionnement. Sa voie n’est pas toute tracée et sa personnalité est équivoque (P. Jackson l’a d’ailleurs très bien mis en scène dans ses films). Sam lui-même se pose la question : « Même Gollum pourrait être bon dans une histoire, meilleur qu’il n’est à avoir auprès de vous, en tout cas. Et il aimait lui-même en entendre, à ce qu’il nous a dit [des histoires]. Je me demande s’il se considère comme le héros ou comme le traître ? » Les Deux Tours. Legolas et Gimli éprouvent ce sentiment de trahison à l’encontre de Pippin et Merry, enlevé par les orcs. Ils ont l’impression de ne pas avoir accompli leur devoir en les protégeant. Boromir est le seul qui soit, dans la Communauté, le traître par les actes. Il est celui par qui l’éclatement arrive. En tentant de prendre de force l’Anneau à son Porteur, il sème la zizanie dans le groupe et provoque la fuite de Sam et Frodon.
Théoden, roi du Rohan, souffre de ce qu’il pense être la trahison des Anciennes Alliances au Gouffre de Helm. Jusqu’à l’arrivée inattendue des Elfes, il est abattu et persuadé de sa défaite. Son état est accentué par la prétendue trahison d’Eomer, son neveu, accusé par Grima Langue de Serpent son conseiller (en fait à la solde de Saroumane). De la même manière, Denethor, l’Intendant du Gondor se sent trahi par son fils Faramir lorsque celui-ci vient lui dire qu’il a laissé partir Frodon avec l’Anneau pour le pays de Mordor. Sentiment accentué ensuite par la certitude qu’il à de la victoire du Mordor après avoir interrogé sa Pierre de Vision.
Les trahisons se succèdent, preuve s’il en est que l’univers de Tolkien n’est pas un univers manichéen comme beaucoup sont tentés de le décrire. Cependant il se distingue tout de même par le fait que les multiples trahisons évoquées sont plus ou moins excusables, ou du moins trouvent une explication soit par les circonstances, soit par une interprétation erronée des faits, soit par une manipulation volontaire. Chacun des personnages mis en scène découvre en lui cette dualité des sentiments humains et l’incarne à un moment ou un autre.

Le manichéisme est un élément que l’on a beaucoup reproché à Tolkien dans son œuvre. D’aucuns voient en effet dans Le Seigneur des Anneaux la peinture d’un monde sans nuance, où les rôles sont prédéfinis et la mécanique bien rôdée. Avec la piste de la Trahison, nous avons entamé une réfutation de cette idée. Pourtant il est possible d’aller encore plus loin.
Tout d’abord avec le problème des races et de leur parti pris. Il est souvent reproché à Tolkien d’avoir créé des races foncièrement bonnes ou mauvaises. Pour ce qui est des « foncièrement bonnes », il n’en existe à ma connaissance pas. Chacune ayant la possibilité de se laisser tenter (cf. l’expédition à laquelle participe Bilbo dans Bilbo le Hobbit, qui tourne au carnage à cause de l’entêtement des Nains) ou de tomber sous l’emprise du Mal (Denethor, Saroumane ou Boromir en sont de bons exemples). La nature du Mal est presque biblique. Il peut s’insinuer partout, dans la moindre faille. Encore une fois cela a été très bien rendu dans les adaptations de P. Jackson (avec par exemple le passage du Conseil d’Elrond où tous les membres se battent tandis que Frodon voit l’avenir de la Terre du Milieu dans les flammes…).
Concernant les races associées au Mal, il faut établir là aussi des nuances. Les Gobelins, par exemple, ne servent que leurs propres intérêts. Attirés par le sang, mangeant volontiers un bout de cadavre, ils ne présentent pas forcément bien en société… Ennemis jurés des Nains (une sombre histoire d’occupation de caverne et de régime alimentaire là aussi), ils vivent terrés et ont donc une prédisposition à servir Sauron.
Quant aux Orcs et aux Uruk-hai, ils sont des créations du Mal. Les Orcs étant nés de la torture et de la mutilation d’Elfes, les Uruk-hai descendant d’une deuxième mutation des Orcs opéré par Sauron. En tant que création du Mal, ces races sont condamnées par les Peuples Libres et même par les Valar.
Arachné est certainement (cela n’est précisé nulle part) l’une des descendantes d’Ungoliant, l’Araignée Géante qui aida Melkor. Responsable entre autres de la capture du groupe de Thorin dans la Forêt Noire (Bilbo le Hobbit), elle se serait réfugiée à Cirith Ungol. D’après les gardiens Orcs du passage, Sauron connaît son existence mais il la laisse là car elle garde l’un des accès au Mordor plus sûrement qu’une patrouille. On ne peut cependant pas la qualifier de mauvaise. Elle sert tout simplement ses propres intérêts (manger) en servant Sauron.
Enfin Gollum (qui est un Hobbit avant sa rencontre avec l’Anneau) n’a lui non plus aucune allégeance si ce n’est sa propre satisfaction de posséder l’Anneau. Peut-on dire qu’il est maléfique pour autant ? Difficilement. C’est par contre un être torturé qui peut se montrer tout à fait attachant (avant sa capture par Faramir, alors qu’il pêche du poisson) autant que détestable (lorsque l’on perce à jour son pacte avec Arachné). Il a néanmoins son utilité dans le récit comme le dévoile la fin.

Que ce soit par la trahison ou par sa « vision manichéenne du monde » Tolkien met finalement le doigt sur un aspect très humain des relations à l’autre : le pouvoir. Tous les personnages du Seigneur des Anneaux ont une relation au pouvoir qui diffère, mais tous y sont confrontés, qu’ils l’acceptent ou non.
Frodon et Sam en leur qualité de Porteurs de l’Anneau y sont constamment confrontés mais le refusent. Peut-être leur nature de Hobbit y est-elle pour quelque chose (Tolkien, dans le Prologue, dit qu’ils sont « un peuple effacé mais très ancien […] car ils aiment la paix, la tranquillité et une terre bien cultivée » La Communauté de l’Anneau). Boromir, attiré par l’Anneau, tente de s’en emparer. Son devoir envers son père ; l’Intendant du Gondor, prend un instant le pas sur son devoir envers le Porteur de l’Anneau.
Une réaction intéressante est celle de Gandalf. Il refuse l’Anneau alors que Frodon le lui propose : « - Vous êtes sage et puissant, ne voulez-vous pas prendre l’Anneau ?
- Non ! s’écria Gandalf, se dressant d’un bond. Avec ce pouvoir, j’en aurais un trop grand et trop terrible. Et sur moi l’Anneau gagnerait un pouvoir encore plus grand et plus mortel » Ses yeux jetaient des éclairs et son visage était éclairé par un feu intérieur. « Ne me tentez pas ! Car je ne souhaite pas devenir semblable au Seigneur Ténébreux lui-même. Pourtant le chemin de l'Anneau vers mon coeur passe par la pitié, la pitié pour la faiblesse et le désir de la force pour faire le bien. Me ne tentez pas ! Je n'ose le prendre, pas même pour le garder en sûreté, inemployé. Le désir de l'utiliser serait trop grand pour ma force. Je vais en avoir un tel besoin ! De grands périls m'attendent.
». La Communauté de l’Anneau.
Tolkien donne dès le départ les possibilités que peut avoir l’Anneau et le danger qu’il représente. De plus, il ne faut pas oublier que l’Anneau est relativement doué de pensée et que comme cela est dit à plusieurs reprises, il VEUT retrouver Sauron.

Pour conclure le rapport au pouvoir, les personnages les plus sensibles sont certainement ceux qui possèdent déjà une forme de pouvoir… Qu’il soit Saroumane, Denethor ou Sauron lui-même, l’être au contact du pouvoir est transformé par la puissance qu’il possède et sa vision des choses en est modifiée. En somme, c’est une vision perverse du pouvoir qui est dépeinte ici puisque la seule volonté de ceux qui en possèdent est d’en avoir plus encore et d’assujettir les autres. C’est aussi le cas des personnages se trouvant en « deuxième ligne », tel Grima Langue de Serpent, les capitaines Uruk-hai (Grishnákh et Uglúk) ou les capitaines Orques (Gorbag et Shagrat).
Mais peut-être cette approche du pouvoir est-elle aussi conditionnée par la volonté de la personne. En effet, nulle part il n’est dit qu’Elrond, pourtant le Seigneur Elfe le plus puissant, soit un mauvais dirigeant, ou qu’Aragorn une fois ceinte la couronne du Gondor profita du pouvoir pour assouvir un quelconque désir de conquête. Ils sont plutôt présentés comme des dirigeants sages et éclairés, écoutant les conseils avisés et gouvernant avant tout pour le bien de leur peuple. Frodon aussi, puis Sam après lui, prit la charge de Maire de Hobbitbourg pour le plus grand bénéfice de ses concitoyens. Ce n’est donc pas tant la proximité du pouvoir qui change les êtres mais plutôt leurs motivations qui changent la nature du pouvoir.

Il resterait encore beaucoup de choses à dire au sujet de cette œuvre, mais je crois que le peu que j’ai réuni ici peu donner un avant goût et peut-être permettre à ceux qui seraient rebutés par l’aspect énorme de la chose de le considérer sous un angle un peu plus attrayant. Pour ceux qui seraient au contraire déjà des aficionados, je recommande la visite de cet excellent site que j’ai beaucoup utilisé pour rédiger ces quelques pages.

Enfin, je voudrais conclure par ce que m’a apporté la lecture des œuvres de Tolkien. Tout d’abord, un intérêt grandissant et quasi insatiable pour tout ce qui tient du Merveilleux et de la Fantasy. C’est aussi une histoire qui me suit depuis des années, que je relis avec plaisir régulièrement et que j’essaie de faire découvrir. C’est également un monde entier qui est né de l’imagination d’un grand homme et qui est tellement riche qu’on n’a de cesse de s’y plonger. C’est enfin à mes yeux une œuvre fondatrice qui n’a pas pris une ride en cinquante ans et qui a encore de beaux jours devant elle.
A lire, à découvrir, à dévorer enfin, avec plaisir.

« Ici finit cette histoire, telle qu’elle nous est venue du Sud ; et, après la disparition d’Etoile du Soir, plus rien n’est dit dans le livre des jours anciens » (Le Seigneur des Anneaux, Fragment de l’Histoire d’Aragorn et d’Arwen.)

Par Cœur de chene

  • 1. Petit clin d’œil. Comme le précise Tolkien, pour les Hobbits, les astres sont de genre féminin. Donc la soleli
  • 2. Les Anneaux des Elfes que l’on croit perdus pendant longtemps se révèlent finalement être aux mains (aux doigts) de Galadriel, d’Elrond et… de Gandalf.
  • 3. Il est à noter que les Hommes détenteurs des Neufs Anneaux sont par la suite devenus les Nazgûls, les Esprits Servants de l’Anneau.